standardisation des sentiments

PA
Ses yeux sautaient sur les planches résistantes du pont. Elle ne sautait pas, mais ses yeux bleus le faisait. Elle se souvient d'un (Ah oui Pa, d'un, parce que t'en as pas qu'un) des débuts de ses problèmes. La rencontre avec Harmonie. Elle aurait voulu la pousser dans le vide, mais voyez-vous, elle est bien trop petite - même actuellement, pour accomplir cet acte.

Le craquement sinistre s'élève dans la forêt à ton passage. Ton poids fait gémir les planches suspendues et si certains ne trouveraient pas ça rassurant, toi, tu ne les entends même pas. Tu es devenu sourd à tout autour de toi. Tes yeux sombres et salis de remords sont rivés dans le vide, puisqu'il n'y a encore que là que tu peux regarder sans commettre un crime. Tu n'as pas vue la petite, plus loin.

Elle, elle n'est pas sourde. Ses sens sont intactes, peut-être un peu trop, même. Dès lors qu'un crissement se fait entendre, son oreille droite pivote en arrière, captant le son. Quelqu'un est derrière elle, elle le sait, elle le sent, elle l'entend. Mais elle ne sait pas qui, et décide de ne pas se retourner. A qui ai-je l'honneur de parler? pose t-elle doucement, ironisant son petit sort.

Oui désolée j'ai oublié de préciser

Tu reconnais sa voix, immédiatement. Ta gorge se serre. Voilà encore quelqu'un que tu n'as pas su sauver – sa mère ou bien cette pauvre petite ? Tu ralentis un peu, la sentant quelque part dans le brouillard devant toi. « C'est moi, Pa. » lances-tu assez fort pour qu'elle t'entende, pensant qu'elle identifiera simplement ta voix.

Je n'ai plus vraiment affaire à Murphy, je suppose... Mais, peut-être que tu ne l'as jamais vraiment été. silencieusement, sans faire grincer les planches, elle pivote. Un petit sourire, chargé en émotion, tranche ses lèvres rosées.

Tu hausses les épaules. « En effet, peut-être que tu ne l'as jamais vraiment connu, toi. » murmures-tu en réponse, te rapprochant d'elle jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres à peine. Le pont se balance doucement à votre passage, mais tu restes impassible, fixant la petite crème avec un mélange de douleur et de tendresse.

Le prénom qu'on nous donne n'est jamais le bon. Si j'ai un enfant, je les voix s'élèvent dans son crâne T'as déjà un enfant, tu l'as enfin oublié? Oups. sa voix tremble quand elle reprend je lui donnerai un prénom, mais il en trouvera un par lui même. encore faut-il un enfant, en vie, et d'être sûre qu'il existe.

Tu penses à ta condition à toi. On t'a baptisé Murphy et pourtant, c'est ton nom d'origine qui est ressorti, qui au final, a gagné. Qui a tout emporté sur son passage, comme une vague. « Mais le premier gagne toujours. Le nom que tu lui donneras toi aura toujours plus de forces. »

Mais, c'est le deuxième qu'on m'a donné. Tu le sais, c'est le dernier mot de ma mère, que j'ai interprété comme prénom... et Angie. Angie est sûrement partie ou morte avec Onyx.

« Alors c'est ça ton prénom, Pa. » Tu la fixes toujours, tentant peut-être de saisir d'où vient ce mal-être que tu as vu grandir au sein de cet enfant devenue adulte.

Le, lequel? demande t-elle, pour plus s'éclaircir, comme absente, même quand elle est là, ne pouvant lutter contre cette envie de perdre conscience.

« Pa. » répètes-tu plus fort, en faisant un pas vers elle, sans la lâcher du regard.

J'ai quand même pris un mot usuel, qu'on emploie tous les jours, et qui signifie purement la négation. Ça, je l'ai pris pour mon prénom. clarifie t-elle, plutôt pour elle même.

Tu hausses les épaules. « Quelle importance ? Si tu t'appelais Soleil, tu serai la même. »

Et toi alors, pourquoi t'es-tu changé en Solheim? Ne me dis pas que tu es devenu quelqu'un d'autre.