Glacée à point

Rowena se délectait de l'eau du lac, glacée à point pour contrecarrer la canicule de saison. Elle avait pied, mais se laissait couler, de l'eau jusqu'au garrot, barbotant gentiment non loin du bord. Elle se sentait d'humeur à la fois joueuse et... grr, chasseuse ¬¬

Et s'il avait su, il se serait senti bien plus en danger ! :catwoman:  *sort*
Rowena l'a vu, bien sûr. Oisive, dans sa mare, elle se prélasse dissimulée dans l'eau, tel un reptile en... reptation (si ça existe, c'est le Roi des Papas qui l'a dit.). Et plus il approche, plus elle s'enfonce sous la surface, frissonnant. De froid, et d'excitation... Ah, Khaos. Il n'est qu'à quelques mètres d'elle, ainsi, quand elle émerge des eaux calmes. Elle se relève, prolonge son mouvement jusqu'à se grandir élégamment, comme un étirement agréable. Elle est grande, et si noire. Féline. Son corps luisant se meut lentement, quand elle décide de faire un pas ample et minutieux vers lui, comme au-dessus de l'eau. Elle ne dit rien, ne sourit pas, son regard troublant rivé avec jeu dans celui du grand étalon. Mais tellement sérieuse.
Khaos, grr. Elle le voulait. Et il tombait à pic. Elle sait qu'elle peut la battre, elle sait que June lui est inférieure. Pourquoi s'obstine-t-il à la désirer ? Si seulement il ouvrait simplement les yeux, il saurait qu'elle est tout ce qu'il lui faut. Aujourd'hui, elle se sentait d'une humeur particulière, comme éthérée, et allait lui montrer quelque chose qu'il n'avait encore jamais vu. Il allait redécouvrir Rowena, et son indifférence allait tourner court.

Soudain, après un moment de flottement, elle rompt le contact en se détournant. Elle avance hors de l'eau, d'un rythme rendu lent par l'amplitude de ses gestes. Ses pas indolents l'éloignent un peu du mâle. Son regard indifférent est porté au loin. Elle secoue sa nuque, débarrassant les poils de la tête de quelques gouttes, mais sur son corps l'eau lustre toujours sa peau fine. Ses oreilles graciles claquent en un son étouffé contre ses tempes, et elle reporte son profil sur l'horizon. Calme. Elle a conscience de tout. Elle sait qu'elle est belle. " Héphaïstos ", dit-elle enfin, comme si ça présence ne méritait pas d'être relevée plus tôt. " C'est pour éteindre le feu de tes forges que tu longes des rives aussi glaciales ? "

Le sarcasme de l'étalon lui glisse sur le poil. Elle a toujours eu plus de répartie que lui. " Allons, ne joue pas sur les mots, jouons sur les noms... " Et jouons, tout court. Elle lui accorde un regard froid. Aussi froid que son esprit s'échauffe quand elle fantasme librement sur Khaos. " Après tout, que crains-tu ? Que nos alter-égo divins nous punissent si nous les offensons ? C'est trop tard. En nous prêtant leur pouvoir, ils ont fait de nous des dieux. " En disant ces mots, un bon goût de satisfaction se diffuse dans ses tripes et elle s'accorde un léger sourire. Leur pouvoir est une puissance à double tranchant, mais Rowena a appris au fil des jours à contrôler le sien. Certes, ce n'est pas en prêtant son corps à des esprits errants qu'elle changera la face du monde. Mais en sachant s'en servir correctement, elle peut obtenir nombre de choses.

Et son indifférence l'excite, elle sent ses sens s'échauffer, plus il se refuse à elle et plus elle en veut de lui. Elle n'en montre rien, se contente de se repaître de son corps musculeux d'un regard lent. " Je v... " ! Quelque chose lui coupe le souffle soudainement... Suffoquée, Rowena sent ses traits se crisper de surprise et d'impuissance. Qu'est-ce que c'est ? L'indignation la gagne, elle ne pouvait pas se permettre de perdre contenance devant Khaos. Mais quelque chose de plus fort qu'elle la cloue sur place, toute sa concentration converge vers cette puissance qui risque à tout moment de la faire plier.

Oh, depuis le don, elle les sens. Les âmes appelées par Khaos. Elle ne les connaît pas, trop prudente pour les laisser emprunter son corps. Mais elles sont là, nombreuses peut-être. Celà ajoute au mystère. Oui, il l'impressionne. Et s'il y a bien une personne à qui elle ne peut le cacher, c'est à elle-même.

Mais ce jour-là, c'est trop. Le contrôle qu'elle a gagné au fil des jours sur son pouvoir semble perdu, et comme au premier jour, ou pire, elle se sent assaillie par ses âmes. " Khaos... " articule-t-elle difficilement, les yeux agrandis, luttant pour garder les âmes hors de son corps et le contrôle d'elle-même. Il ne peut pas rester indifférent... Même s'il ne l'aime pas... Ils sont dans la même galère, il comprendra ce qu'il se passe...

L'audace, certes, la franchise, jamais à 100%. Mais ce jour là c’est bien réel. La noire tremble, mais tient fermement le coup comme elle peut, sans comprendre à quoi se raccrocher, et cet état de faiblesse l'horripile autant qu'il l'effraie. Puis elle entend Khaos, sa voix profonde et posée (et sexy a-t-elle vaguement le temps de penser, quelque part dans un coin de son esprit momentanément enfiévré). Cette voix qui la fait tant fondre parfois, quand elle joue à être une donzelle aux rêves de princesse, et aujourd'hui elle sonne presque rassurante. Son regard, aussi, sombre et calme, croisant le sien, dans lequel vacille une lueur de peur malgré elle. Alors elle se sent plus forte, la rage prend le dessus. La lucidité aussi, une idée lui vient en un éclair, et tout aussi brusquement elle se jette vers le large du lac, là où elle n'aura pas pied. Sa gorge est trop nouée pour laisser passer des mots, elle grogne juste dans sa respiration rauque, elle n'a pas le temps d'expliquer au mâle. Son corps crispé lui obéit assez pour atteindre son but. Mais sa respiration laborieuse ne suffit plus, et dans l'effort physique soudain et surtout psychique, elle perd souffle, elle perd pied. Elle sait qu'elle va défaillir dans l'eau glacée. C'est le but. Une manière de reprendre le contrôle. Ça y est, elle coule, s'étouffe sous la surface... Une dernière pensée pour le beau et ténébreux et courageux et gorgeous et... tg Rowy la prend avant qu'elle ne sombre. Elle compte sur lui.

Un calme glacé.
Enfin. C'est dans la noyade qu'elle peut enfin souffler, sentir sa vie lui revenir. C'est dans l'inconscience qu'elle a retrouvé la conscience d'être elle, d'habiter sa chair.
Le contact du sol lui secoue le corps, et l'eau jaillit de ses poumons, elle tousse. Vaguement tremblante, mais étrangement détendue, elle lève les yeux sur le visage au-dessus d'elle. Il l'a tirée de l'eau, tout va bien. La tête au sol, un sourire s'y dessine. " Merci, beau brun ", croasse-t-elle d'une voix rauque. Puis entendre sa faiblesse sonner à travers sa gorge la frustre assez pour lui donner l'énergie de se redresser. D'un bond, elle se met sur ses pieds, vacille, tient bon. Ça a marché.