saut de l'ange aux enfers

Leurs bouches s'unissent et se désunissent comme elles l'ont fait tant de fois. Un engrenage avec des rouages qu'il connaissait si bien. Le picotement de l'acier de Rowena contre ses babines lui fait du bien, ça lui avait tellement manqué. Je suis incroyablement fière de toi, mais je ne peux pas. Je peux être le deuxième cerveau et celui qui frappe, mais dans l'ombre. J'ai trop d'ennemis ici, fais ton boulot de souveraine, tu mènes la danse. Et je t'accompagne, en retrait. place t-il entre une série de baisers aussi tonitruants les uns que les autres. 

Il allait frimer en répliquant un truc pour la faire taire mais finalement, ça ne se passerait pas comme ça. Il allait juste frimer tout court.  On va voir ça. Puis brusquement, il se tourne, fait en sorte de barrer la route à l'humain. Que Rowena se barre de là. Oreilles toutes enfouies dans la crinière sauvage, le mélange de crins bruns s'agitait comme une vague déferlante. Ses naseaux semblaient cracher une fumée de rage inexistante. Il n'avait jamais rencontré d'aussi près ces drôles de bestioles, mais aujourd'hui serait une nouvelle expérience. Il n'a pas peur, et c'est là son plus gros défaut.

De vraies furies, tout ce qu'il lui faut. Le seul bémol à cette perfection, est la difficulté à les attraper sans les blesser. Le moindre faux pas avec eux pouvait sûrement être très, très mauvais. Il ne recule pas, les yeux plantés dans ceux de l'infernal étalon, attendant qu'il fasse un geste. Sa main se pose doucement sur son arme à tranquillisants.

Alors qu'il analyse le terrain, il est devancé. Gracieuse, splendide, amoureuse et folle, folle de rage assurément, elle se faufile et se dissimule, féline arachnide. Alors, stupéfait, pris de court, il ne bouge pas. Non pas qu'il ne réagit pas, imaginez donc ses cellules nerveux, toute sa matière grise qui cherche à comprendre. D'habitude, il agit, puis Rowena. Rowena vient, pour aider. Il analyse alors différent la chose: il a une espèce de corde, le pistolet étant pulvériser par Rowena. Femme forte, amour sidérant. Le pont n'allait pas céder, comme l'Humain, son constructeur. Alors, croyant avoir réfléchit, il avale les lattes de bois une à une, les engloutissant de ses sabots forts et intrépides, prêt à tuer, Sweeney, ne voulait en faire qu'une bouchée.




Et se barrer. 

Quelles superbes bêtes. Le chef est fier d'elles. Ce sont des fauves, des monstres de guerre. Il veut ces putains de machines pour cette putain de guerre.
Bryan perd peu à peu son sourire lorsqu'il comprend qu'on veut sa peau. Ces deux furies veulent sa peau. Elles le chargent, épaule contre épaule, à toute vitesse. Il allait devoir dégainer ses deux flingues. Les deux chevaux allaient dormir, et l'un, malheureusement, pour toujours. Alors Bryan charge, vise, et tire, et chacun reçoit sa dose de projectiles. Alors, qui a les flèches, qui a les balles?

Alors il ne voit plus.
Plus rien. Ni même Rowena.
Il ne croit pas souffrir.
Mais il ne voit plus, il ne sent plus.
Il est figé, abattu, aux pieds d'un chasseur, tel un trophée. Il est là, allongé sur le sol, le corps remué par d'innombrables spasmes incontrôlés, incontrôlables. Tout comme lui, tout comme elle. Eux deux, demis-dieux, dieux à deux. Si fort et si robuste en un seul. Mais l'Unique, le Parfait se brise toujours, non ? Sinon il ne serait pas tant. Pas si Unique, pas si Parfait.

On vient tronçonner ton arbre généalogique.
T'as pas compris ? On te baise à la racine.

Tête au sol, comme tout le reste d'ailleurs, il ne gémit pas. Il ne se plaint pas. Il ne crie pas. Que crierait-il ? Il n'a rien a crier. Il n'a rien à foutre à ses pieds, bordel. Pourquoi il n'arrive pas à bouger ? Merde, mais que lui arrive t-il ? Pour il n'arrive pas même à hennir ? Pourquoi, pourquoi ne peut-il pas même fermer l'oeil ? Cela, il le sait le con, finalement. S'il le ferme, il ne verra plus jamais. Il le sent, mais, le con, il a pas compris. C'est impossible. C'est pas possible. C'est impossible. Il voit Rowena dans son intégralité.
Il ne voit qu'elle.
Qu'elle, si noire et lumineuse. Qu'elle, si intrépide et courageuse. Qu'elle, d'une beauté incomparable et des mots plus que banals. Qu'elle. Seulement elle. Il exclut le reste, exclut l'humain et ses armes, exclut le pont, les herbes et le sol. Dans un ciel si lointain, si grand et inexistant.
Tout se brouille, la vue, l'odorat, ses sentiments, ses sentiments ? Ses émotions, sa peur, sa peur ?! Sa passion, son contraste, sa lumière qui n'est qu'ombre. Sa paupière qui est sombre. Il ne sent plus.

Je monte aux enfers, ou
je descends au paradis ?

Alors, rassemblant ses espoirs, ses forces, et sa parole, il croit pouvoir dire :

Je t'aime.

Mais il n'est rien, rien de cela. Il ouvre la bouche, dit quelque chose qui se tait dans un liquide sombre et noir, affolant et dégoûtant, marre de sang. Tout cela coule en lui, coule de lui. Il essaie encore, mais s'étouffe avec tout ce pétrole qui reste en lui. Il peine à prendre quelque souffle. Les yeux fatigués de ne pas s'être fermés depuis trop longtemps, il résiste, il veut la voir encore.
Encore une dernière fois.