◉ le crépuscule du matin

Il ouvre un oeil, puis un autre, sort de la torpeur dans laquelle la nuit l'avait plongé. A la manière d'un chat, il s'étire, prenant soin de soulager son pauvre dos qui a dormi sur une racine. Tous ses gestes sont lents, comme calculés et soignés. Alors il baille, secoue la tête, avance un sabot et hume l'air rosé du matin. Caché dans les bassesses d'un arbre, il avait pu enfin dormir une nuit entière. Les humains n'accaparaient pas ses esprits mais il prenait soin de les éviter et de se cacher au maximum, toujours pour prolonger son état de liberté et profiter des éléments de la vie.

⌂ Otsoa

La Grise se trouvait au sanctuaire. Son regard était attiré par les perroquets aux milles couleurs. Elle les observait silencieuse face à ce ballet volant. C'était un moment tranquille dans sa tête. Elle avait enfin le repos psychologiquement. Elle pensait pas à Minuit ou aux hommes. Elle décida de mettre ses soucis de côté et de profiter.

Il lorgne à droite puis à gauche avec une lenteur et une flemme qu'on ne lui connaissait pas. Son regard s'accroche à des crins argentés qui volent au même rythme que les perroquets qui entourent le lieu. L'inconnue semble passionnée par ce ballet naturel et coloré. Les neurones de Socrate s'excitent à la façon d'un animal que l'on touche d'une lance et se réveillent bien plus vite que lui. Alors il se lève sans plus de cérémonie, ne prenant pas soin de nettoyer sa robe de la boue dans laquelle il a passé la nuit, et s'approche de l'étrangère. « Tu viens souvent les regarder ? » Demande-t-il sans se présenter, sans rien dire de plus, d'une voix qui en surprendrait plus d'un et toujours avec ce sourire étrange accroché aux lèvres dont il croit qu'il amadoue ses rencontres.

Otsoa s'attendait pas à croiser quelqu'un. Quand la voix de l'inconnu claqua la Grise sursauta. Des oiseaux spectateurs de cette scène s'envolèrent net et disparaissait dans la pénombre. Elle tourna ses yeux vers l'inconnu.

« Non. C'est la première fois. » Lui répondit-elle. Elle lui offrit un sourire mais il était timide. Elle balaya le sanctuaire à la recherche de perroquets curieux et courageux. Quelques uns étaient sortis de l'obscurité et leurs plumes brillaient sous le trait de lumière.

« Et vous ? »

Il semble déçu l'étalon noir qui détourne alors ses yeux de la blanche pour reporter son attention sur les perroquets qui sont restés pour les observer. Comme si le ballet s'était inversé et que les deux chevaux devenaient les protagonistes principaux. « Non, je me suis perdu ici la nuit dernière » Fait-il simplement sans plus de précision. « Comment es-tu arrivée ici ? Tu t'es perdue aussi ? » Socrate ne pensait pas qu'il était possible de trouver ce lieu si on le cherchait, que le seul moyen d'y accéder était justement de ne rien chercher et de se perdre dans l'immensité de la jungle, ne plus savoir quel jour on est, ne plus savoir s'il est midi ou minuit.