ı unstoppable ı

Ça commence à se voir. Ça commence à enfler. À la contaminer, comme une maladie. Un virus. Une épidémie. Elle déteste. Elle s'était toujours promis. Qu'elle ne serait jamais dans cet état-là. Pleine. Mais elle se promettait ça étant enfant, avant de connaître l'attrait, la tension physique, le plaisir charnelle. Ah ! S'il fallait recommencer, pourtant, elle le referait. Contradiction.
La jeune s'est arrêtée dans un coin de l'usine. Ici, elle ne risque pas d'être dérangée. Sa grossesse se voit à peine, elle se devine, elle s'insinue. Lövojka cligne des yeux, laissant ses prunelles noires s'accoutumer à l'obscurité. La nuit en plein jour.

Elle s'est immobilisée, elle aussi. Tapie dans un recoin ombragé par les murs sales et humides. L'odeur laisse à désirer, l'ambiance aussi. Pourtant, elle s'y sent bien, comme en sécurité. Ce n'est pas la vision mais l'odorat qui lui rapporte l'odeur musquée d'Akan. Ses muscles se tendent légèrement et elle arbore, déjà, un sourire particulier. Un peu bancal, un peu froid. Elle secoue sa crinière blanche, se dévoilant ainsi dans le paysage triste et sombre. Comme elle se devine aperçue par le mâle, elle s'avance, laissant ses lourds sabots claquer sur le sol moite. Ses yeux, comme deux phares d'ombres, cherchent le regard de son plus bel amant. « Je ne t'imaginais pas venir te terrer dans pareil endroit. » laisse-t-elle échapper, s'arrêtant à quelques mètres de lui, encore à moitié dans l'ombre qui cache son ventre légèrement bombé.

S'il est à peine plus grand qu'elle à présent, sa carrure fait bien le double de celle de l'étalon. Elle n'a pas peur de lui. Elle n'en a jamais eu peur, ce n'est pas aujourd'hui que cela va commencer. « Quoi, c'est interdit ? » demande-t-elle, sans sourire non plus. Elle le transperce de son regard ténébreux et profond, si profond. « Je te le laisserai. » clame-t-elle soudainement, d'une voix très calme et posée, comme à son habitude. Elle ne mentionne pas de qui elle parle et sa réplique n'avait rien d'une suggestion, plutôt d'un fait déjà décidé mûrement. Elle se décale légèrement, laissant apparaître ses flancs à peine gonflés.
Quelqu'un qui ignore leur folie ne verrait rien.
Mais il sait.

Elle raille et le toise, moqueuse, insolente. « Monsieur le Grand Prince n'en veut pas ? » Elle lâche un rire sec, sans joie aucune. Elle est dépassée par sa condescendance, mais pas surprise. Il croit que tout lui est dû, ça n'est pas nouveau. « C'est aussi ton enfant, Akan, que tu le veuilles ou non. » Elle soutient son regard colérique, elle sent la tension qui l'assaille, mais elle ne démontre rien. Ni peur, ni crainte, ni frisson. Rien du tout qu'une armure lisse et souple, adaptée à chaque affront. Ses dents claquent dans le vide alors qu'il approche, pourtant elle est restée droite, n'aborde même pas une allure défensive. La meilleure défense, c'est l'attaque.
Elle bondit souplement et atterrit à côté de lui. Ses grands yeux sombres se rivent dans les siens avec agonie et colère froide. La promesse de cette confrontation l'attise, nourrit cette flamme en elle, ce besoin de violence, de colère, d'épanchement. Qu'il vienne. « Alors.. tue-le. » susurre-t-elle à son oreille d'une voix dénuée de ressenti. La meilleure défense, c'est l'attaque.
Ses dents s'abattent vivement sur les flancs de l'étalon, comme pour le brusquer, le piquer, le charger. Elle veut le réveiller, encore une fois.

Comme si c'était de sa faute. Elle est pleine de lui, et en plus c'est sa faute ! Elle aimerait lui crier à la figure qu'il n'avait qu'à être stérile (LOL ) et qu'il est autant responsable d'elle dans tout ça. Que si elle avait pu choisir, elle n'aurait jamais voulu de cet enfant. Encore un maudit. Encore un né de folie.

À son coup, ses dents claquent de nouveau. Elle se mord la langue et sent le goût si particulier du sang dans sa bouche. Elle serre les dents, ne laissant pourtant rien paraître. Elle l'étudie, sans le lâcher des yeux et ne lui répond pas. Parce qu'il pense encore que c'est un jeu ? Est-ce que tout n'est donc qu'une partie d'échecs pour toi, Akan ? Est-ce que tout se résume à ça ? Tu te prends pour le Roi, mais n'es-tu pas qu'un vulgaire pion, comme tout le monde ? Elle aimerait lui rire au nez. Elle est très calme, comparé à lui qu'elle sent monter dans les tours directement et elle s'en amuse. Elle s'amuse de ce contrôle qu'il perd, si facilement. Alors qu'elle s'apprête à le provoquer encore une fois, le toit grince et elle voit avec vivacité la poutre métallique chuter droit sur elle. Au lieu de chercher un point de fuite – elle n'en aura pas le temps et son cerveau l'a vite analysé – elle s'accroupit pour avoir un meilleur appui. Son encolure s'arrondit, protégeant sa nuque et sa tête de l'impact, prête à tout recevoir sur le dos. Le bruit du fracas est assourdissant, mais seule une poussière épaisse et âcre l'assomme. Elle ouvre un oeil. La poutre s'est affaissée contre le mur, lui laissant à peine quelques centimètres pour ne pas la prendre sur elle. Un sourire féroce s'affiche sur ses lèvres. Elle se décale, s'extirpant du piège de fer avec un regard carcéral. Ses dents blanches rayonnent dans l'obscurité que la poussière n'a fait qu'accentuer, lui donnant l'air de sortir d'un champ de bataille. De loin, elle le toise, fière et insolente. « Je t'ai dit de le tuer lui. Moi, je n'y suis pour rien. » Pas plus que toi, Akan.

Elle se prend tout un tas de débris dessus. Certains, elle les évite, d'autres plus petits et plus rapides finissent par cogner son encolure, son poitrail imposant, ses épaules musculeuses. Elle est toujours de marbre, maîtresse d'elle-même et ses deux puits sans fond n'ont pas quitté une seule seconde le mâle. « Je ne veux pas que l'on soit une famille. Je ne veux pas de cet enfant, tu comprends rien ! » crache-t-elle furieusement, bien que seuls ses mots témoignent de sa colère.
D'une colère profonde, enfouie, qui ressurgit avec l'arrivée précoce d'un évènement qu'elle aurait voulu éviter toute sa vie. Une colère contre ses parents, une colère contre elle-même, une colère contre le monde entier. Elle a toujours été là, tapie au fond d'elle-même et aujourd'hui, elle la fait vibrer. Alors qu'elle tente de se rapprocher de lui, il charge et ses pieds viennent percuter son flanc. Elle ressent comme un coup dans le vide. Comme un coup qui ne lui est pas destiné. Peut-être que c'est ça, qu'il faut. Qu'il faut vraiment le tuer, à l'intérieur. Qu'elle donnera naissance à un mort. Qu'elle n'aura donc pas son abandon sur la conscience, puisqu'il sera déjà enterré. Alors, elle serre les dents, tourne ses flancs vers lui et se laisse faire, abandonnée aux pulsions de violence d'Akan.

Comme s'il était un peu sa muse, elle le regarde avec un mélange de frénésie et de colère à l'état brute. Une forme rare de haine qui n'a pas été ciselée, modelée, découpée. Qu'elle ne cherche pas à cacher. Elle le hait du plus profond de son âme pour l'avoir engrossée et, pourtant, il est revenu à elle. Ou est-ce elle qui est revenue à lui ? Elle le déteste, oui, et pourtant, elle n'a pas envie de se passer de lui. Elle aime cette adrénaline, cette rage à ses côtés, cette instabilité entre eux. Elle a aimé lorsqu'il l'a prise, elle aime encore lorsqu'il la frappe. Elle aime le provoquer, le déranger, l'omnibuler. Il aurait pu partir mais non, il est encore là, à la battre. Et ils ont le même but : faire crever cet enfant.

Elle n'est qu'une poupée de chiffon, un pantin dont le cerveau tire les ficelles depuis un engrenage bien complexe et furieusement agencé. Elle encaisse les coups, les uns après les autres, sans une grimace, sans un gémissement. Seules sa mâchoire serrée témoigne des blessures qu'il lui inflige. Elle n'est pas immortelle, après tout. Soudainement, tout s'arrête – tout, le temps, le monde, Akan – et il s'écroule à moitié sur elle. Elle aimerait le repousser, mais ses coups lui ont ôté toute envie et toute énergie de le faire. C'est bien ça, la dure réalité : c'est qu'elle n'en a pas envie. Elle aime lui cracher sa colère ; elle aime aussi et toujours, depuis le premier jour, son contact brûlant. Elle l'écoute, mais ne répond pas, comme si elle n'était pas là. Ses flancs se soulèvent rapidement, elle veut reprendre son souffle, elle veut l'embrasser, elle veut le tuer. Tant d'envies et de désirs contradictoires qu'elle reste là, sans bouger. Finalement, elle approche ses lèvres de son oreille et en attrape violemment une entre ses dents, assez fort pour lui faire comprendre qu'il ne vaut mieux pas qu'il tire dessus s'il veut la conserver. Elle la lui arracherait bien. « Je ne le garderai pas. » Elle fait une pause, presque théâtrale. « Alors, il mourra parce que je l'aurais abandonné dans le froid. Moi non plus, je n'aurais jamais d'enfant. » Elle le lâche et affronte son regard si profond. Elle trouve un point dans ses iris et s'y accroche avec hargne – ou désespoir. « Je voulais que tu me possèdes, Akan. Et tu ne l'as jamais mieux fait qu'aujourd'hui. » Contradictoire, insensée, insouciante, elle semble être passée de la furie sauvage à l'amante égarée. Bien que sa voix reste chaude et grave, elle laisse courir ses lèvres contre son encolure, contre sa peau, contre son corps. Il y a quelque chose qui la maintient là.

(désolée pour la longueur, mais j'suis tellement inspirée )

i know that you hate it, and i hate it, just as much as you
but if you can brave it, i can brave it, brave it all for you
lost among a million changing faces
everyday our hearts keep trading places
we've got a wild love, raging, raging




C'est doux et violent. C'est agressif et sensuel. C'est moche et beau. C'est un affront aux règles, aux lois, à la physionomie d'une relation. Et c'est ce qu'elle aime. Elle aime l'Akan qui l'a frappée et celui qui la caresse. Elle a aimé quand il l'a prise, quand il lui a fait l'amour, quand ils n'étaient plus qu'un. Oh oui, elle a aimé. Il voudrait qu'il recommence, qu'ils le fassent à l'infini, toujours. Entre rage et contradiction. Pas d'amour, jamais. Ils sont embarqués dans une folie incontrôlable, celle de s'attirer et de se repousser, comme des aimants inversés. À contre-sens, elle revient contre lui ; à contre-courant, il revient vers elle. Ses blessures ouvertes colorent son corps de terre, et elle se plait à se dire qu'il la soigne, après l'avoir blessée. Elle l'a voulu, de toute façon. Elle se délecte de ses caresses sans lui répondre, elle laisse son âme en péril aux crochets des faucheurs qui tournent autour, comme autant de rapaces affamés. Elle leur laisse ! À cet instant, son âme n'a plus aucune valeur. Elle n'est plus que chaleur, peau et corps, elle n'est plus qu'os en fusion, elle n'est plus que frissons. Elle se fond en lui, comme avant, comme toujours, comme demain. Enfin, son visage se retrouve à quelques centimètres du sien et elle le dévisage, comme si elle le voyait pour la première fois. Comme quand ils ne se connaissaient pas, avec cette flamme sauvage, avec cette glace déjà fragmentée. Ils ne se connaissent pas. Elle ne le connait pas. Elle le redécouvre, à chaque fois. Mille facettes pour mille histoires. « Parce que quand tu me possèdes.. » commence-t-elle dans un chuchotement rauque, vibrant. Elle cherche son regard, le transperce, se l'approprie. « .. alors je te possède aussi. » finit-elle en attrapant ses lèvres sans préavis, sans lui laisser le choix. Elle s'en saisit, juste comme ça, en un seul instant hypnotique.