L'oiseau en cage rêve des nuages. ▬ Libre.

Elle marche d'un pas lent et irrégulier. Parfois, elle trébuche sur une racine, manquant de justesse de goûter au sol mousseux de la forêt. Du sang coule de ses blessures non guéries et vient s'écraser au sol. On peut la suivre à la trace. Elle n'aime pas trop ce fait, mais elle ne peut pas faire autrement. Elle a déjà essayé de se rincer dans un lac mais rien n'y fait ; certaines de ses blessures mériteraient des soins. En quelques jours, son corps à pourtant reprit des forces ; elle est déjà moins maigre qu'elle ne l'était lors de sa captivité. Certes, elle n'est pas encore à son poids de forme et il lui manque très certainement au bas mot une centaine de kilos, mais au moins, elle ne ressemble plus à un cadavre ambulant.

Une nouvelle fois, elle trébuche, et cette fois-ci, elle n'a pas le temps de se rattraper. Ses genoux se cognent avec violence contre le sol mou de la forêt. Et pourtant, elle ne laisse aucun signe de douleur paraître. Ces longues années en cage ont fini par la rendre insensible, aussi bien physiquement que mentalement. Syliah se contente alors de se relever et de reprendre sa route. Elle ferait peut-être bien de chercher des plantes médicinales mais il y a un léger hic ; elle ne connait rien de cette science.

Sans prévenir, la jument noire se fige ; elle a sentit l'odeur d'un autre équidé. Ca fait bien longtemps qu'elle n'a pas vu d'autres chevaux. Et, à vrai dire, elle n'est pas certaine d'avoir envie de sociabiliser. Les autres finissent toujours par la blesser, d'une quelconque façon, peu importe leur espèce.

Une petite chose noire apparue dans son champ de vision, après quelques minutes d'attente. Que diable fait-elle dans cette forêt, seule ? Il pourrait lui arriver des misères. « N'approche pas. » siffle Syliah, en redressant l'encolure pour paraître plus imposante. Elle ne veut ni qu'on l'aide, ni qu'on s'apitoie sur son sort. Elle n'a besoin de personne. « Tu devrais retourner sous les jupons de ta mère. » Avant qu'il ne t'arrive quelque chose de mal...

Accepter son aide et remettre son avenir entre ses sabots ? Entre les sabots d'une mioche qu'elle ne connait ni d'Adam ni d'Eve ? Un rire franc s'échappe d'entre ses lèvres, sans qu'elle ne cherche à le retenir. Bon, sérieusement, elle est où la caméra cachée ? « Et moi je suis la reine des abeilles. » Elle lève les yeux au ciel par la même occasion. Qu'est-ce qu'une enfant comme elle pouvait bien connaître de la vie ? Puis la guérison, c'était l'affaire du destin et de la nature, pas d'elle. Après tout, elle a bien survécu à des années d'enfermement sans bénéficier du moindre petit soin alors pourquoi ce ne serait pas pareil ici, dans le monde sauvage ? Puis elle n'aime pas qu'on la touche, alors le problème est réglé.

Elle pose son regard dépareillé sur la petite chose noire qui vient de lui poser une question. Syliah lève les yeux au ciel. Ah l'innocence... « Je n'ai besoin de personne. » répond-t-elle sans la quitter du regard. Pourquoi accepterait-elle son aide, après tout ? Elle n'est pas du genre à quémander et elle n'aime pas le fait de se sentir redevable. « Je te conseille de retourner chez toi. » Son ton est froid. Elle est sérieuse. Il faut que la petite retourne auprès de ses parents.

La réponse de la petite ne la surprit pas réellement. Elle était sauvage alors le monde entier était sa maison. Pourquoi se limiter à un endroit bien défini, lorsqu'on pouvait s'approprier la terre entière pour en faire son "chez-soi" ? Les oreilles de la jument noire se tournent vers sa croupe lorsque la petite s'approche. Attention. Sa queue vient frapper ses flancs avec puissance. Si elle fait un pas de plus, elle la bouffe. Eviter l'infection ? Ahah, la blagounette, elle était déjà présente depuis un petit temps, mais elle avait été freinée par les multiples bains que Syliah prenait depuis qu'elle était libre. Comme quoi, l'instinct finissait toujours par surgir pour sauver la peau des malheureux. Néanmoins, la noiraude écoute jusqu'au bout la petite et prend note de ses conseils. On ne sait jamais, ça peut toujours être utile. « Merci. » Souffle-t-elle finalement. Au fond d'elle, elle est reconnaissante envers la gamine et son intelligence - ou instinct de survie. Des gamines comme elle, il en faudrait un peu plus. Comme ça il y aurait moins d'adulte bête comme leurs sabots. « Quel est ton nom, petite ingénue ? » Demande ensuite Syliah, un léger sourire à la fois moqueur et tendre affiché sur ses lèvres.

Parfois, Syliah se demandait ce qui pouvait bien pousser quelqu'un à aimer et vouloir aider son prochain. Elle comprenait ceux qui se rangeaient dans la case des "pacifistes", ceux qui disaient renoncer à la guerre. La noiraude, quant à elle, refusait de se ranger dans une quelconque case. Elle estimait qu'elle n'était ni dans le clan des méchants, ni dans celui des gentils. Elle n'était ni pour la guerre, ni pour la paix. Elle était pour l'instant présent et pour la survie. Elle était le loup solitaire, celui qui avait préféré fuir la meute. La voix de cristal de la petite la tire finalement de ses pensées grises. « Syliah. » Sa voix brise le silence et elle fait un pas de côté lorsqu'elle sent le regard curieux de la mini-chose sur ses blessures encore à vif. Seule la blessure au niveau de sa nuque est partiellement masquée, grâce à sa crinière mi-longue. Dans un sens, heureusement car c'est sans doute la plus vilaine. Ses chaînes, même brisées, sont toujours plus ou moins présentes. « Nos routes se recroiseront surement. » Lâche finalement la jument noire avant de prendre le galop. Oh oui, elles se recroiseront certainement.


( Finish? Je pense qu'il pourrait y avoir un lien intéressant à tisser entre les deux au fil des rps, si ça t'intéresse on pourrait y réfléchir? :) )