you cannot petition the lord with prayer

Elle frissonne, paraissant si fragile au cœur de la nuit. Pourtant dans son regard luit la flamme déterminée dont elle connaît la source enchanteresse. Redescendue d'un trip, elle est transie de froid et brûlante à la fois. Une silhouette bien connue, parsemée d'éclats de nuit, entre dans son champ de vision. Comme un fantôme, elle se dirigeait vers lui, admirant son air pensif.

Elle est tellement heureuse de le revoir, celui à qui elle a tout donné en un temps court de sa vie. Celui en qui elle déverse le flot pur et précieux de son essence à elle. L'essence de ce qu'elle est, de ses origines. Ce qui tisonne le braiser en elle et en même temps ce qui a le pouvoir de la tarir. Arrivée proche de lui, elle s'imprègne déjà de son odeur exaltant. Un parfum de liberté. Elle dépose sur ses lèvres un baiser d'une sincérité naturelle et d'une tension cosmique, parce que dans ses lèvres vibrent encore les événements des derniers mois. La nuit les cache, mais sur son corps quelques bleus significatifs nuancent sa robe grise. Ses origines sont plus visibles que jamais : les traits de sa race sur son visage, ses crins au dégradé reconnaissable. « Tu manquais à mon âme. »

Elle sait. Et bien qu'elle soit un peu plus tranquille que lui, elle savait que ce n'était qu'une question de temps. « Ils ne t'auront jamais. » fit-elle, pleine de fougue. Était-ce pour se rassurer elle, ou lui ? Probablement les deux à la fois. Parce qu'elle ne savait pas à quoi ressemblerait son monde sans son soleil. « J'ai rencontré par hasard ce Hooker, depuis la bataille des Sables. » Bataille. Parfois, elle avait l'impression d'être une vraie militaire, et qu'elle devait élaborer des stratégies, des tactiques pour passer entre le filet des ennemis.

« Rien qui soit important, puisqu'il n'a rien écouté. » Elle poussa un léger soupir. Elle aurait voulu lui faire entendre raison. Et de toute façon, elle aurait essayé à un moment ou un autre, peu importait ce que cela aurait pu engendrer. R devait tester les limites lorsqu'il y en avait. C'était fait. « Je pense qu'il sait que nous sommes liés. » Et qu'il va s'en servir. C'était quelque chose dans son regard, dans son attitude, dans les questions qu'il avait pu lui poser avant leur échange... de coups. Comme si ce combat des Sables, si rapidement avorté pour elle, devait avoir lieu à un moment ou un autre.

Son geste la touche, tout comme leur proximité qui, même en tout sobriété, demeurait légère et agréable. Et en même temps, particulièrement profonde. R ne se sentait jamais plus en sécurité que lorsqu'elle était avec l'étalon le plus recherché de tout le pays. A sa question, elle demeura interdite quelques instants. Elle redoutait les conséquences de sa réponse. Si c'était le cas, cesserait-il de pourchasser son idéal ? Ce n'était pas ce qu'elle désirait, non. R n'avait jamais rêvé d'une vie bien rangée. Ce qu'elle voulait c'était vivre, et vivre voulait dire risquer sa vie chaque instant. Être libre. « Et si je répondais oui ? » s'avança-t-elle, ses yeux sombres plongeant dans l'or en ébullition dans les yeux de son soupirant.

Et dans sa course, il n'était plus seul à ne plus pouvoir s'arrêter. De toute façon, ce rêve qu'ils poursuivaient, c'était le seul qu'elle avait. C'était la seule chose qu'elle avait connu, la seule chose qu'elle désirait ardemment : la liberté, cet idéal intouchable. Cet idéal visqueux qui glisse entre les doigts. « J'ai passé ma vie à courir. » fit-elle dans un sourire malicieux et tendre à la fois. Danser. Cela la ramenait à tant de souvenirs, qui paraissaient vieux et frais à la fois. Un cocktail explosif d'émotions. Elle effleura ses naseaux des siens, effleurant sa chaleur, avant de laisser quelques muscles se détendre de temps à autre, commençant à se mouvoir étrangement aux yeux de la plèbe lambda.

« On ne peut tuer l'insaisissable. » fit-elle, un brin mystique tandis que ses crins virevoltaient allègrement autour de son visage. Et le peu de crinière de son chaman lui permettait d'avoir constamment une vue sur son si beau visage. « On peut tuer une personne, mais pas l'idée qu'il transmet. » Elle ferme ses yeux un instant, ouvrant son imaginaire sur des contrées qui n'ont jamais et qui n'existeront jamais. A la fois dans les abysses et bien haut au-dessus de la voûte céleste, elle imagine un monde où il n'existe rien d'autre qu'eux.