prayer

Il voulait voir la lave. Alors, il a quitté la chaleur de sa mère pour partir explorer. Il est encore tôt, mais la lune s'est déjà enfuie. L'air matinal frais contracte ses muscles discrets sous sa peau tendue. Il avance, entamant la longue et dure ascension, un oeil fermé, parce qu'il n'a pas besoin de lui pour l'instant.

La montée est pénible. Il faut forcer sur les muscles encore trop fins, les tendre et les maintenir. Horus ne montre aucun signe de faiblesse même si l'effort est conséquent pour un petit être comme lui. Un peu plus haut sur le chemin escarpé, il aperçoit une silhouette grise. Il s'arrête, le fixe un moment, avant de reprendre l'ascension en suivant, du coup, l'autre poulain de quelques mètres derrière.

L'autre s'est arrêté, Horus l'a remarqué. Il a remarqué aussi qu'ils se rapprochent de plus en plus de la production de la lave, sûrement la bouche du volcan ? Il n'en sait rien, c'est bien la toute première fois qu'il s'approche d'un monument de la sorte. Il arrive enfin près de l'autre poulain, le détaillant brièvement. Son corps est d'un gris métallique. Salut, répond-il alors à son tour, tout en gardant son profil droit tourné vers lui, son oeil gauche absent, fermé.

Un masque ? Horus met plusieurs secondes à comprendre de quoi est-ce qu'il parle. Lorsqu'il saisit, il n'a pas le temps de répliquer que le petit enchaîne. Décidément, ils croient tous au monde imaginaire, ici Est-il le seul à être né... les pieds sur terre ? Ça dépend des jours, fait-il alors, d'une voix mystérieuse avec un clin d'oeil.

Ça lui demande beaucoup d'efforts, à Horus, d'inventer des choses aussi inconcevables que ça pour lui. Il se retient de sourire et hoche la tête, essayant de rester convaincant. Je peux voir à travers les gens et les choses Au fond, c'est pas si faux que ça. Il ouvre son oeil voilé, légèrement blanchi, pour le poser sur le poulain en tentant d'être un peu effrayant

Le poulain sourit, se rapprochant du grisonnant. Il secoue la tête. Non, je vois à travers toi littéralement, comme si tu étais transparent Il fait quelques pas et dépasse le poulain. Tu viens ? J'ai envie de voir ce qu'il y a en haut.

Il l'entend bien caracoler derrière-lui, mais Horus n'accélère pas pour autant, conscient de devoir garder des forces pour l'ascension. Il ne peut pourtant pas nier l'incroyable énergie dont l'autre fait preuve. Il note son nom et répond d'une voix claire : Horus. Il ralentit et tourne juste la tête vers le gris, côté de son oeil voilé. Maman m'appelle aussi Faucon. Il reprend la marche, laissant planer comme un certain mystère... ou peut-être pas du tout. Au fond, un nom, qu'est-ce que c'est ? Pour lui, c'est une partie de son histoire. Il préfère voir son oeil comme un don plutôt qu'un handicap. Se voir fort plutôt que borgne.

Un dragon ? Décidément, entre la noiraude qui croit à l'autre-monde, le bai qui parle d'un cheval sans tête et maintenant, lui qui mentionne un dragon... À croire qu'ils ne sont pas nés dans le même monde que lui. Horus ne dit rien, pourtant, sans doute par envie d'éviter de faire son rabat-joie. Il secoue son encolure et les quelques crins noirs en épi qui la surmontent. Le vent devient sec et brûlant à chaque mètre avalé. Peut-être. Ou simplement la bouche béante d'un volcan. Il imagine la lave, l'air suffocant, le danger électrisant. Impatient, il accélère un peu le pas, parvenant enfin au sommet. Il pile net, pourtant. Devant lui, une rivière rouge lui coupe la route. Il siffle d'admiration.