absinthe / orion

Mes iris bleus ne cessent de parcourir la foule, toujours à la recherche d'Orion. Au fur et à mesure que les minutes passent, un sentiment d'angoisse grandit en moi ; et s'il ne venait pas, finalement ? Et s'il me laissait là, seule au beau milieu du reste du monde ? J'étais sur le point de m'enfuir du bal, lorsque je sentis quelqu'un se glisser contre mon flanc. Je t'ai retrouvée. Sa voix, légèrement plus rauque qu'auparavant, sonne comme une douce mélodie à mes oreilles. Un léger sourire étire mes lèvres. Il n'avait donc pas mentit, la dernière fois. Il était bien venu la chercher.

Les retrouvailles passées, il m'a emmenée dans un coin plus calme. Je l'ai suivi docilement, un sourire rayonnant - peut-être même légèrement niais - encré aux lèvres. J'observe rapidement les environs ; la piste de danse est encore vide mais les couples commencent malgré tout à affluer. J'ai hâte que la musique commence. Je glisse mes prunelles dans celles d'Orion et lorsqu'il ouvre de nouveau la bouche, il me laisse parfaitement scotchée face à sa confession. Et voilà que, de nouveau, je m'enflamme. Mes joues me brûlent affreusement et, l'espace d'un court instant, mon cœur s'est mit à battre comme un fou.
- Merci... Je souffle d'une petite voix, gênée mais flattée. Tu l'es aussi.
Bon sang... Pourquoi était-ce si difficile à dire ?

Avec les jours qui passaient, je me rendais compte à quel point l'adolescence était une période compliquée. Elle était synonyme de changements, bons comme mauvais. Je me sentais un peu perdue, sur plusieurs plans. Il y avait tout un tas de choses qui devenaient ambiguës alors qu'elles ne l'étaient pas autrefois. C'était un peu déstabilisant.
- Tu as grandi aussi, je constate alors qu'il s'est rapproché.
J'ai toujours besoin de lever le bout du nez pour garder mes prunelles encrées aux siennes.
- Ils sont tout de même moins bleus que les tiens, je finis par avouer à voix basse, comme s'il s'agissait d'un secret.
La musique débute lentement. Les couples déjà formés commencent même à danser et instantanément, un nœud se forme dans mon estomac. Et si je dansais mal ?

Je n'ai pas le temps de m'angoisser davantage puisqu'il prend les devants et me pousse jusqu'à la piste de danse. Le nœud que j'ai dans l'estomac se resserre pourtant et me donne l'impression d'être piétinée par un troupeau d'éléphants. Mon souffle est plus court. Ressaisis-toi Absinthe ! J'essaie de me convaincre que ce n'est rien et qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Et, finalement, toutes mes craintes s'envolent au moment même où sa voix cristalline glisse à mon oreille.
- Pourquoi as-tu attendu si longtemps avant de revenir me voir ? Je lui demande, mes petites oreilles pointées vers lui.
Du temps s'était écoulé depuis notre dernière rencontre. Et j'espère qu'un jour, il m'emmènera voir cette fameuse rivière violette que je n'avais pas pu voir la dernière fois. Ses iris glacés s'encrent dans les miens avec violence. Ses yeux ont le pouvoir de me désarmer, de me mettre à nue. Une douce chaleur remonte dans mes joues. Est-ce qu'il lit en moi comme dans un livre ? Parfois, j'en ai l'impression.

Je ne le quitte pas une seule seconde du regard, comme si j'avais peur qu'il disparaisse si je cessait de le regarder. Je me laisse bercer par le son de sa voix. Il a une voix douce et claire, chaude et apaisante. J'aime beaucoup le timbre de sa voix. L'absence créer le manque ? Je reste dubitative quant à son "explication-excuse". Puis je prend le temps d'y réfléchir. Peut-être qu'il avait raison, finalement, puisqu'il m'avait en effet manqué durant ces quelques semaines où je l'avais perdu de vue.
Nos poitrails s'effleurent et ses yeux glissent son mon corps svelte. Il me couve d'un regard tendre et protecteur ce qui me fait sourire. J'ose alors tenter un rapprochement - je sais qu'il a du mal à les accepter lorsqu'il ne les a pas prévus - et je viens glisser mes naseaux le long de son encolure. Sa peau est chaude et douce, c'est agréable. Son parfum me fait presque tourner la tête. Il sent tellement bon. Je ferme un instant les yeux et les rouvre aussi vite lorsque j'entends son aveu. Je lui ai manqué ? De nouveau, un léger sourire naît aux coins de mes lèvres. J'avoue, cet aveu me fait plaisir. Peut-être parce que j'ai l'impression qu'il tient à moi.
- C'est tout de même pas très charmant de laisser une pauvre demoiselle en détresse ! Je minaude, l'air faussement contrariée.
Bon d'accord, certes je n'avais finalement jamais été en détresse mais quand même... C'est pas cool de m'avoir abandonnée comme ça !
- Du coup, tu as intérêt à te rattraper ce soir, je rajoute ensuite en me reculant légèrement, juste assez pour qu'il puisse regarder mes yeux et y apercevoir la lueur de malice qui y règne.

Mes yeux clairs restent encrés aux siens qui se sont subitement obscurcis. Oups. J'avais oublié que Orion était du genre à tout prendre au premier degré. Partagée entre la gêne et le plaisir de le voir si protecteur à mon égard, je me mets à me mordiller la lèvres inférieure.
- Oh bah il y a bien la fois ou Winterfell m'a poussée dans la rivière... Mais mon père lui a réglé son compte sur l'instant, je réponds en pouffant de rire.
Sinon, j'avais plutôt été tranquille. Sauf si on comptait ma mésaventure avec Leio, quand on a faillit se faire croquer par un gros chat.
- Mais tu sais que j'ai faillis me faire manger toute crue par un vilain grominet ? Je me plains avant de lui décrocher un grand sourire.
J'acquiesce silencieusement à sa réponse concernant le temps perdu. Il se rapproche encore, collant de nouveau nos poitrails et sa caresse m'électrise. Je glisse à mon tour mes délicats naseaux sur son encolure.

Je n'ai pas décroché une seule seconde mes yeux des siens. Je les ai vu s'assombrir puis s'éclaircir. J'ai donc deviné l'état de fureur dans lequel mes paroles l'ont plongé. Pourtant, extérieurement, il n'a rien laisser passer. Il est resté neutre, parfaitement calme, alors que je parvenais à voir la tempête qui le ravageait de l'intérieur à travers ses deux billes couleur océan. Comment parvenait-il à camoufler ainsi ses émotions ? Il m'intriguait tellement.
- A me défendre ? Genre tu veux qu'on joue à la baston ? Je réponds, joueuse.
Je suis sûre qu'il ne voulait pas l'avouer mais qu'il kifferait trop se rouler parterre avec moi.
Je frissonne légèrement sous ses mordillements. Il me chatouille ! Je me retiens pourtant de rire ; je n'ai pas envie de briser ce genre de moment. Lentement, je glisse mes naseaux sur son encolure et me recule progressivement. Ils suivent la courbe de sa ganache puis de son apophyse, pour finalement s'arrêter contre ceux d'Orion.

J'observe chacune de ses mimiques, analysant le moindre de ses faits et gestes. Pourquoi incline t'il la tête ainsi ? Et pourquoi ce regard si sévère ? Est-ce qu'il est fâché après moi maintenant ? Finalement, il reprend la parole, balayant ainsi toutes les questions que je me posais jusqu'alors. Se battre n'est pas un jeu qu'il dit. Parce qu'on peut aussi se battre sans que ce soit un jeu ? C'est un peu débile comme concept... M'enfin. Mais pourquoi apprendre à se battre... ? Je sais comment on fait, c'est comme dans le jeu de la baston quoi. On se mord, on se tape... Et voilà, non ? Pourtant, contre toute attente, je finis par répondre ;
- D'accord. Je serai bonne élève, promis.
Un petit sourire prend place sur mes lèvres. Je n'étais pas spécialement emballée par l'idée, mais pour lui, je pouvais bien faire cette concession car visiblement c'était important pour lui que j'apprenne à me défendre.
Mes prunelles n'ont pas quitté les siennes non plus. J'aime me perdre dans l'océan que représente ses iris. Parfois, ses yeux sont comme un orage. Et parfois, ils sont comme la mer par un jour de beau temps. Je presse un peu plus fort mes naseaux contre les siens. L'espace d'un instant, j'ai l'impression de parvenir à lire en lui. J'ai l'impression que ses yeux me crient ce que sa voix ne veut pas me dire. Ses yeux sont si beaux... Je me perds de plus en plus, happée par leur intensité. Ils semblent me dire "accepte de me suivre pour l'éternité". Cette pensée me fait frissonner. Que lit-il dans les miens ? Remarque-t-il à quel point je tiens à lui ? A quel point il m'hypnotise ? L'idée de l'embrasser m'effleure mais je me retiens de le faire. Lui qui n'aime pas les contacts non prévus... J'ai peur de le faire fuir si je me montre trop entreprenante. Et puis... Qu'est-ce qui me dit qu'il en a envie ? Ce serait égoïste de ma part de lui voler un baiser uniquement parce que, moi, j'en avais envie.