Be careful

/ LÖVOJKA

Comme parfaitement adaptée à la montagne, elle se déplace sans difficultés. Même s'il lui manque un peu de neige, un peu de froid, un peu de glace. Un peu de Nord. Elle soupire. Elle doit se faire à l'idée qu'elle ne le retrouvera jamais. Comme ses frères, les trois, évanouis dans la nature. Elle s'arrête au bord d'une arête un peu raide, observant l'horizon, songeuse.

La lionne, elle, n'a pas remarquée qu'elle était épiée. De toute façon, c'est devenu tellement fréquent qu'elle s'y est presque habituée. Elle secoue sa crinière blanche tranchant sur son corps sombre avant de faire demi-tour et de reprendre l'ascension, elle aussi, sans savoir que quelqu'un faisait la même chose, à peine quelques mètres plus bas.

Ils ont tous gagné ça, dans leurs gênes. Ce corps doré, et ces crins, soit blancs comme nacre pour elles et Ghanan, soit noir comme l'ombre pour Aaren et Red. Tous ont reçu cet héritage maudit. Au fil des années, le corps ambré de la lionne s'est pourtant obscurci, à tel point qu'elle n'est plus qu'un contraste saisissant aujourd'hui. Elle redresse la tête. Un bruit de course derrière-elle l'interpelle et elle se retourne vivement malgré sa carrure, l'unique oreille lui restant couchée en arrière, ses yeux noirs comme ceux d'un démon rivés sur l'inconnu... qui se révèle être une jeune palomino. Elle soupire, sans doute devenue parano d'être attaquée. Elle se détend, attendant simplement l'inconnue qui arrive vers elle, abandonnant son agressivité.

Lov plisse les yeux, se demandant si c'est une petite qu'elle a rencontré quand les autres sont nés, mais sa robe ne lui dit rien, son odeur non plus. Elle aurait peut-être pu deviner, mais elle n'y pense simplement pas. Elle ne devine pas ce qui est à sa portée, dévisageant lentement la jeune dorée avec suspicion. Si on lui a parlé d'elle, c'est forcément en mal, n'est-ce pas ? C'est moi, répond-elle de sa voix grave et masculine. Prudente, elle l'étudie sans bouger.

Aya. Cela ne lui dit absolument rien. Elle plisse les yeux, attendant la suite... qu'elle reçoit comme une douche glacée. Son poil se hérisse légèrement, la faisant paraître encore plus costaud qu'elle ne l'est déjà. Comment a-t-elle fait pour ne pas y penser ? Elle avait croisé la compagne de Ghanan pendant le voyage, partageant avec elle sa surprise de ne pas voir son frère les suivre. Mais la vérité s'était imposée à elle : s'il était encore en vie, il les aurait rejoint. Pas forcément pour Lov, au moins pour sa famille. L'idée était devenue normale. Lövojka avait déjà perdu tant des siens. Elle laisse un soupir crever la barrière de ses lèvres noires et pose un regard compatissant sur la jeune palomino. Enchantée, Aya. Maladroite, elle retrouve vite le silence, ne sachant pas quoi dire pour ne pas être trop brusque. Prendre des pincettes, elle n'a pas coutume de le faire. Désolée de.. que tu n'aies pas eu ton père auprès de toi. Elle s'entend murmurer ça. Peut-être qu'à son âge, elle aussi aurait aimé rencontrer une tante, un oncle, peu importe, qui lui aurait dit ça. Qui se serait excusé pour elle qu'elle soit orpheline. Je suis ravie de te rencontrer.

Lövojka se demande comment on peut être ravi de la rencontrer, elle. Elle n'imagine même pas ce qu'elle a pu entendre sur elle. Agressive, solitaire, tueuse d'enfant ? Sûrement lui a-t-on parlé d'elle comme d'un monstre, car ils ne savent faire que ça. Alors pourquoi tenir autant à la rencontrer ? Lov ne lui posera pas la question. Qui t'a parlé de moi ? demande-t-elle simplement, d'une voix plus douce que ne le sont ses pensées. Elle serait prête à parier que même Ghanan lui aurait caché son existence, estimant sans doute la protéger ainsi. Il faut dire que leurs rapports n'étaient pas des meilleurs au moment de sa disparition. Elle regrette de ne pas avoir pu s'expliquer. Mais les regrets ne servent à rien, aussi la lionne s'est-elle accoutumée simplement à son absence.

La brune hoche la tête, écartant son épaisse crinière de son visage pour mieux observer la palomino. Elle ne pensait pas que Fiona lui parle d'elle, mais après-tout, elle n'avait jamais eu de mauvais contacts avec cette dernière. Sans doute se connaissaient-elles trop peu pour cela. Si jamais tu as besoin de quelque chose un jour, tu dois venir me voir. Je t'aiderai. Cette promesse, elle ne l'aurait pas faite quelques années en arrière, quand la famille ne comptait pas pour elle.
Quand elle n'en avait pas réellement, en fait. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. Bien qu'elle soit toujours aussi solitaire et détachée de la société, elle est prête à protéger ceux qui partagent son sang maudit. Et puis, défendre, impressionner, casser quelques têtes, c'est bien la seule chose qu'elle puisse faire. Tu es dans un clan ?