poussière d'étoile

/ LÖVOJKA

Niveau docilité, on peut faire mieux. On pourrait toujours faire mieux. Mais parfois, il faut faire simplement avec ce qu'on a. Elle déambule le long de la vallée, fuyant le soleil comme une photosensible. La lionne laisse ses yeux d'un noir absolu vaguer eux aussi sur l'océan coloré qui s'offre à elle, ne lui procurant pourtant aucun sentiment d'admiration. Elle se contente de regarder, sans réellement voir. Une forme grise entre dans son champ de vision, mais c'est à peine si elle en tient vraiment compte, la suivant des yeux comme si ça n'était qu'un fantôme céleste.

Lorsqu'il s'avance plus clairement dans sa direction, ses contours se précisent. Comme une image dont on règle la mise au point pour qu'elle soit plus nette, elle perçoit maintenant nettement mieux l'inconnu, d'un gris cendré. Elle ne l'a jamais vu, mais depuis combien de temps n'a-t-elle pas fait de nouvelles rencontres, hein ? À toujours vouloir rester seule, la solitude l'a coupée du monde et des nouveaux arrivants - ce qui, au fond, lui va très bien, persuadée qu'aucune nouvelle tête ne pourrait lui apporter quoi que ce soit. Elle a envie de le dégager mais pourtant, elle ne se sent pas d'humeur à être agressive. Elle attend, immobile, qu'il approche plus encore, son énorme carcasse immobile au milieu des fleurs.

Piquée au vif par les paroles de l'étalon, elle en oublie vaguement son envie de le chasser loin d'elle. Elle s'approche, d'une allure à la fois mécanique et féline. Drôle de contradiction. Elle se place face à lui, le dépassant un peu et le toise, mesquine. Une fleur ? Est-ce que j'ai vraiment l'air d'une fleur ? grogne-t-elle de sa voix caverneuse.

Bizarrement, l'étalon l'amuse. Bon, elle voulait le virer pour rester tranquille mais finalement, ça lui fait un peu de distraction. Le temps est long, en ce moment. Alors, tu ne peux pas comparer. Elle se place face à lui et le dévisage lentement, comme si elle le mettait à l'épreuve. Elle ne lui demande même pas son identité. Elle se fiche de son nom, de savoir s'il est nouveau ou s'il fait partie de ceux qui les épient. Pour l'instant, rien n'a vraiment d'importance pour elle. Il faudrait que nous en trouvions un. Ensuite, tu pourras être objectif.

Il se rapproche d'elle et son souffle l'électrise. Pas forcément dans le bon sens, encore trop peu habituée au nouveau contact. À la morsure de la chair. Une morsure qu'elle a toujours aimé, qu'elle redoute pourtant aujourd'hui. Elle lance ses dents sur le côté où il se trouve, ne faisant que le frôler. Fais gaffe. Il y a certains arbres que je mange, fait-elle avec un sourire carnassier.

Elle frissonne toute entière à son contact. Il prendra peut-être ça pour du plaisir simple ; c'est bien plus mitigé en réalité chez la lionne. Elle n'a pas connu de contact physique depuis... Depuis Asmund.
Depuis la chute.
Elle sent ses muscles se crisper, comme prêts à attaquer. Elle n'en fait rien, pourtant. Elle se demande où est-ce que ça peut la mener. Où est-ce qu'il est prêt à aller avec une dégénérée comme elle. Sans prévenir, elle bondit sur le côté, attrapant son oreille gauche entre ses dents. La gauche, c'est qu'elle lui a enlevé, à elle. Elle la lâche rapidement mais conserve la proximité. Ne sois pas trop sûr de toi, inconnu. Elle se décale juste assez en arrière pour plonger de nouveau son regard brûlant et glacial à la fois dans ceux de l'étalon. Il veut jouer ?
Ça tombe plutôt bien. Elle adore ça.

Elle esquisse un simple sourire en coin, sans répondre. Il est sûr de lui, elle le voit. Elle ne saurait dire si cela l'agace ou lui plait. Les deux, sûrement. À sa question, elle hausse les épaules, l'air innocente. Comment saurais-tu que ma réponse serait vraie ? demande-t-elle, sans savoir qu'il le saurait. Et qu'il le sait déjà.