head filled by betrayals [A]

J'avais atteint la falaise, enfin, ce n'était pas une mince affaire. Je restais prudente et évitais de me rapprocher trop du bord, la brume pouvait être traire dans un endroit comme celui-ci. Ici et là, des plaques de neiges s'étiraient, je m'amusais à y faire des dessins avec le bout de mon sabot.

Je reculai de quelques pas pour observer mes dessins. Bon, je n'avais pas l'âme d'une artiste, cette réflexion me fit sourire. C'est une brise chargée d'air iodé qui me porta aussi l'odeur d'une jument inconnue. Je notais qu'il y avait quelque chose dans son effluve de similaire à celui de Taïga, était-il de la même famille ? De la même harde ? Je décidais de signaler ma présence un émettant un bref hennissement.

On m'avait répondu en retour. Le hennissement venait de derrière moi. J'entrepris donc de me retourner pour faire face à l'inconnue. Elle se dessinait dans la brume et s'y dressait comme un fantôme. Sa robe s'y prêtait en tout cas parfaitement, pâle comme la lune. "Bonjour !" Lui lançai-je avec entrain.

Je m'arrêtai, perplexe d'entendre ce bruit étrange. Un grondement. Dans la brume épaisse, je ne distinguais que sa silhouette, vaguement. Je ne me doutais pas que cet avertissement m'était destiné mais j'ignorais aussi pour quelle raison elle l'avait émis. "Quelque chose ne va pas ?"

"Oh simplement une promenade..." Je ne me méfiais pas pour autant car je me rappelais ma rencontre avec le bougon Taïga. Il s'était montré plutôt mécontent de ma présence lorsque je menais mes expéditions scientifique dans les Bois des Spectres. Je ne pus m'empêcher cependant de réprimer un frisson. Du froid ? De l'inquiétude intériorisée ? Un cri d'alarme de mon instinct ? Je ne savais le dire.

Mes yeux se détournèrent un instant de la jument inconnue. Ils étaient attirés par la mer qui se mouvait, en contrebas. Nous pouvions entendre son rugissement, lointain, lorsque ses vagues intrépides se fracassaient contre la roche de la falaise. C'est la voix de cette dame impérieuse, sculptée dans le nacre, qui me ramena dans le monde réel. Mes yeux s'accrochèrent vivement aux siens, j'avais entendu sa question de façon assez lointaine et mis ainsi une poignée de secondes à y répondre. "Ha, heu oui, des Orosymal..." Puis, je repris contenance, curieuse de savoir pourquoi son odeur portait des fragrances similaires à celles de Taïga. "Et vous ? Je n'ai senti qu'une seule fois l'odeur que vous portez, sur un étalon. Mais ce n'est pas une harde que je connais..."

Et encore une solitaire, du moins le croyais-je, je me demandais sérieusement combien de mes semblables vivaient seuls avec eux-mêmes sur les terre de Lunaera et quelles étaient leur motivation, une enquête intéressante pour plus tard. "Esquisse." Me présentai-je simplement. "Il se méfait de moi au début lui aussi, je l'agaçais même un peu..." Précisai-je en laissant échapper un petit rire mutin en me remémorant ma rencontre avec les vieil étalon bai. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi on pouvait me témoigner la moindre défiance.