head filled by betrayals [A]

"Nous ?" Relevai-je en emboitant le pas à la jolie jument qui avait piqué ma curiosité au vif.

C'était violent. Je me reçu les paroles de la jument comme on reçoit une claque. Je repensais au courage que j'aurais aimé avoir, à l'audace que je voulais me forger mais à cet instant, tout cela n'avait plus de sens pour moi. Je tentais de soutenir son regard, de rester droite, d'empêcher mes jambes de trembler mais le frémissement de ma lèvre me trahissait. "Pourquoi vous me traitez comme ça ?" Osai-je enfin articuler non sans parvenir à dissimuler le trémolo dans ma voix.

"Bon..." Je n'étais pas à l'aise ainsi soumise à ce regard ombrageux qu'on dardait sur moi. Ma gorge était serrée d'anxiété, je me demandais si je pouvais parvenir à émettre le moindre son. Je n'avais pas envie de continuer de m'enfoncer de toute manière alors je ne me forcerai pas dire à quoi que ce soit de plus.

Je retournai à la contemplation de la mer sur laquelle louvoyaient de pâles rayons de soleil, surtout afin de briser le contact visuel. Je finis par m'ébrouer, nerveuse. "Ciao alors..." parvins-je difficilement à souffler en faisant demi-tour. Je m'éloignai et tournai brièvement la tête pour lui jeter une œillade, j'avais peur qu'elle vienne me chiquer la croupe de colère.  

Je donnai un petit coup de cul précipité et m'éloignai sans demander mon reste. Si j'étais effrayée, ce n'était pas plus par le cri terrifiant que la jument m'adressa que par la souvenir enfouis que venait de raviver son odeur. J'avais été agressée, en compagnie de la guérisseuse de notre harde, par deux étalons qui portaient fièrement le même parfum sauvage. Et mes pensèrent retournèrent une fois de plus vers Taïga, faisant refluer ce puissant sentiment de trahison. Je ne comprenais rien à ce qui se passait mais je le découvrirai, par moi-même. Dissimulée dans la brume, j'observai la femelle agressive de loin, évitant soigneusement de me mettre dans le sens du vent. "Qui êtes-vous donc ?" Soufflai-je pour moi-même.

Ce sont mes oreilles qui me permirent de ne pas perdre la trace de la jument dans un premier temps. Je ne pouvais pas me permettre de la suivre au galop, le bruit de mes sabots sur la roche l'aurait immédiatement alerté. Je me déplaçai donc au pas, préférant arpenter les quelques bancs de neiges moelleuse. Les yeux plissés, j'observai la silhouette guerrière qui filait furieusement le long de la falaise. Le son de sa cavalcade s'élevait dans les airs, régulier, impérieux. Et puis...

Je me figeai, la surprise m'ayant littéralement clouée sur place. La bouche entre-ouverte, je haletai. Elle ne se relevait pas. Le rythme de mon coeur s'accéléra, elle s'était blessée, j'en étais sûre et j'étais la seule personne à pouvoir lui venir en aide. Nerveuse, je grattai le sol, incertaine.

Pourquoi lui viendrai-je en aide ? Elle mériterait sans doute que je la laisse à la merci du froid et de la douleur non ? Oui mais...Ce n'était pas ma philosophie, ce n'était pas comme ça que je voulais grandir. Devenir guérisseur, c'était accepté de soigner ceux qui en avaient besoin, quels qu'ils soient.

Je renâclai et, refoulant les craintes que m'inspiraient la jument, esquissai quelques foulées de trot pour la rejoindre. "Où avez-vous mal ?"  Demandai-je immédiatement en arrivant dans son dos. 

Je fis peu état de ce que me dit la jument crème, nous savions aussi bien l'une que l'autre que ce n'était qu'un vain sursaut d'orgueil et qu'elle avait besoin de moi. Dans l'immédiat tout du moins. Je constatai en effet que sa blessure n'était pas grave, bien que chaude et légèrement enflée, elle ne présentait pas les boursoufflures grossières d'une mauvaise fracture. "C'est une entorse." Déclarai-je en levant le regard vers elle. Mon cerveau turbinait à pleine puissance, j'essayais de me rappeler quels genres de soins ma mère me prodiguait quand je me faisais ce type de traumatisme. Il fallait déjà gérer la douleur et l'ecchymose qui se gorgeait de sang. Pour cela, je rassemblai un peu de neige environnante pour la déposer en douceur sur le pied de ma patiente. "Ca va endormir les sensations et dégonfler la jambe...Dès que vous vous en sentez capable, essayez de vous lever. Il vous faudrait un baume à l'Arnica..." Je soupirai. Rien ne poussait ici, nous devrions marcher un peu pour espérer trouver de quoi la soulager dans les jours à venir. "...Il faudra limiter vos déplacements, c'est très important. Sinon votre blessure va mal se soigner et vous aurez le pied fragile."