Bury a friend _A_

Aulia vagabondait dans la jungle, la terre attribuée aux Shaan. Une impression ne la quittait pas depuis quelques jours, depuis les quelques jours qu'elle n'avait pas vu Absinthe. Comme si ce qui sommeillait en elle allait finir par resurgir. Comme si les ténèbres contre lesquelles elle luttait allaient l'envahir. C'était tellement trop facile de se laisser y glisser parfois, quand elle se sentait perdue. Alors elle cherchait son point de repère, sa belle palomino.

La vérité. Il n'y a que ça qu'elle peut lui dire après tout. Ses mensonges ne tiendront pas, il faudra bien qu'elle les expose. Pauvre Aulia. Elle qui ne se doutait de rien. Elle qui pensait vivre une relation sincère et heureuse. Elle qui y avait cru si fort, après avoir longuement douté Comme quoi, lorsque nous sommes en haut, nous pouvons redescendre encore plus rapidement. L'ignorance pouvait être la plus douce consolation, mais le plus horrible supplice à la fois. Elle flottait encore sur son nuage, elle. La chute en allait être que bien plus terriblement douloureuse. Ainsi, lorsque la rouanne capta la douce odeur de sa belle palomino, son coeur bondit dans sa poitrine. Elle lui avait manqué. Être avec elle aurait pu être une des plus belles choses qui soit, hélas, cela prendra une tout autre tournure. Elle suivit son parfum pour finalement poser ses prunelles sur elle. Mais en la regardant, elle perdit son sourire vivant. Elle voyait bien dans son attitude que quelque chose n'allait pas.

Son pouls s'accéléra. Sans même que celle qu'elle croyait être sa copine ne lui adresse ces quelques mots, elle savait que quelque chose clochait. Que quelque chose risquait de les briser. Peut-être qu'au fond elle avait déjà compris. Qu'elle avait déjà compris qu'elle n'aurait peut-être pas dû enfouir ses craintes et ses méfiances loin en elle pour essayer de les faire disparaître. Elle aurait peut-être dû se protéger d'avance et se préparer au pire. Mais elle avait tant voulu y croire. Elle avait tant voulu se dire que ça allait marcher, qu'elle ne serait pas déçue, qu'Absinthe saurait prendre soin d'elle et la rendre heureuse. Elle avait tant voulu croire que leur amour serait possible et qu'Aulia aurait été suffisante à ses yeux, qu'elle aurait su la rendre heureuse. Uniquement elle. La garder que pour elle. Elle avait été si naïve, si idiote.
Son sang se glaça à ses quelques mots. Elle priait tant pour se convaincre que ce n'était rien. Que ce serait peut-être même une bonne nouvelle. Peut-être après tout s'était-elle rendue compte qu'elle était vraiment la bonne et qu'elle voulait venir la rejoindre parmi les Shaan ? Non, évidemment. Les choses ne seront jamais si simples, si paisibles. La vie semblait ne jamais vouloir se montrer rose avec elle, de toute façon. Quoi ? Sa voix avait été tremblante. Elle avait si peur. Elle aimerait tant se retrouver petite fille, bercée dans l'amour de ses parents et de sa soeur. Elle aimerait dans qu'Aegon soit à ses côtés pour lui donner des conseils stupides mais qui sauraient lui remonter le moral et lui donner le sourire. Elle aimerait tant ne pas se retrouver seule.

Elle vit le regard de la blonde s'humidifier alors qu'elle semblait songer à la formulation de sa phrase. Première fissure qui se forma dans son coeur. Ça n'avait rien de beau, tout ça. À quoi bon s'emplir d'illusion si ce n'est que pour tomber du centième étage ? Elle ne bougea pas, parfaitement immobile. Au fond, elle avait raison. Elle le savait depuis le début. Mais ça faisait tellement mal de savoir qu'on était que poussière aux yeux d'une personne qui avait eu son coeur et sa confiance en sa possession. Leur relation débutait et déjà la trahison lui enserrait le coeur à un point où elle avait même du mal à respirer. Pourquoi s'étaient-elles lancées si Absinthe savait pertinemment que la rouanne n'était pas assez bien pour ne lui faire voir qu'elle ? Pourquoi la bercer dans de faux espoirs ? On aurait presque pu croire que tout était parfaitement calculer pour la détruire. Pourtant, Aulia savait bien que ce n'était pas la cas.
À son tour, les larmes se mettent à couler sur ses joues, sans qu'elle ne le contrôle. Elle lui avait donné son coeur. Absinthe l'avait pris. Et elle l'avait broyé. Pourquoi... Pourquoi m'as-tu fait croire que tu m'aimais si je n'étais qu'un pion si facilement remplaçable ? murmura-t-elle tout de même, la voix brisée. Elle voulait savoir. Quand bien même qu'elle ne méritait pas d'être heureuse, apparemment, elle s'estimait mériter de savoir pourquoi. Aulia aurait tant aimé être celle qui lui faisait perdre la tête, celle qui faisait battre son coeur. Elle enviait tant Draggan pour cela. Elle voudrait être à sa place, obtenir son charme et le coeur de la blonde. Mais elle n'avait que les ruines d'un amour oublié.
Elle tituba. Ce n'était pas bon signe quand sa douleur atteignait un tel point. Elle avait du mal à respirer. Les ténèbres n'attendaient que ça. Que son coeur se fissure pour qu'elles puissent s'y infiltrer. Sois qui tu dois être. Ne te bride pas. Non. Non ! Elle veut garder les rênes en main. Mène la danse. Tant de contradictions, elle ne sait plus quoi croire. Elle tremblait de l'intérieur alors qu'elle s'appuyait contre un arbre. Elle avait si mal. Est-ce qu'abandonner la soulagerait. Est-ce qu'arrêter de résister t'as fait du bien, Absinthe ? Est-ce que ça t'as comblé ? Tout se mélange dans sa tête, formant des réalités tordues et étranges. Illusions, plutôt. Son sang tambourinait dans ses oreilles. C'était si puissant que ça aurait pu en être effrayant. Mais non. Elle va faire comme elle. Elle va se permettre de s'y abandonner. Les pleurs ont cessés, elle a fermé les yeux. Elle lâchait volontairement les guides et se laissait entraîner par cette force sombre qui sommeillait. Malgré tout, ce n'était pas quelqu'un d'autre. C'était bien Aulia, mais sa face cachée. Sa tête s'abaissa lentement au niveau de son encolure et ses oreilles vinrent se coller contre son crâne. Puis, brusquement, son regard s'ouvrit sur elle. Un regard étrange, sombre, anormal. Elle serra des dents alors qu'un colère sans nom montait en elle. Elle eut envie de se jeter à sa gorge. Mais elle l'aimait quand même, malgré tout. La rouanne s'avança d'un pas, en furie, poussant la blonde. Je t'ai servi à quoi, dans tout ça, hein ? Tu crois quoi ? Que je suis un jouet dont tu peux te débarrasser quand ça te chante ? Pourquoi m'as-tu fait croire que tu m'aimais ? Qu'est-ce que je n'ai pas qui ne te plait pas ? Pourquoi ne suis-je pas suffisante ? POURQUOI M'AS-TU DIT JE T'AIME SI TU NE L'AS JAMAIS PENSÉ ? Elle hurlait. On ne l'avait jamais vraiment vu comme ça. Et voilà pourquoi elle faisait tout pour s'enfermer dans une cage.

Today, I'm thinkin' about the things that are deadly
The way I'm drinkin' you down
Like I wanna drown, like I wanna end me.

Ses mots étaient crus, oui, mais il y avait un fond de vérité dans tout ça. Sûrement modifiait-elle un peu tout sous le coup de la colère, mais ce serait un mensonge que de dire qu'elle ne pensait rien de ce qu'elle disait. Elle était trop aveuglée par sa douleur pour tenter d'y voir clair. Là, l'ouragan, la tornade se déchaînait. Parce qu'elle avait de la peine, elle avait mal et elle était en rage. Et que les ténèbres se sont infiltrées dans son coeur déchiré. Alors elle se donnait le droit de lui dire ce qu'elle voulait. De la faire chier, de la briser comme elle l'avait brisée. Si elle réagissait comme ça, c'est bien parce qu'elle l'aimait. Passionnément, à la folie. Mais elle réagissait comme ça aussi parce qu'elle l'empêchait de l'aimait. Non mais tu t'entends ? Tu croyais que tu parviendrais à lui résister parce qu'on était ensemble. Je ne servais qu'à ça, au fond ? Ou alors je n'étais pas assez belle, pas assez séduisante pour te donner la force dont tu avais besoin ? cracha-t-elle, en vrai vipère. Elle se sentais si sale, si trahie, si mal dans sa peau qu'elle ne ressentait que le besoin d'évacuer tout ça. Elle avait envie de frapper, de tuer, de se faire du mal. Arrête de me mentir ! hurla-t-elle, les larmes perlant à nouveau sur ses joues rousses. J'aurais tant aimé être aussi bien que lui. J'aurais tant aimé pouvoir t'être suffisante, mais décidément, tu l'as toujours aimé plus que moi ! Pourquoi ne t'es-tu pas mise avec lui en premier dans ce cas, si tu tu savais très bien que t'allais finir par me jeter comme une vieille chaussette démodée ? Elle la bouscula à nouveau, les yeux incendiaires. Et comme elle ne se contrôlait plus, c'était à se demander si quelque chose ou quelqu'un finirait par venir à bout d'elle.

X A N D E R

X arpentait les abords du camp sans parvenir à y pénétrer. Depuis que Hekâ lui avait demandé d'en faire parti, il s'était toujours demandé si il y avait réellement sa place, s'il ne ferait mieux pas de continuer sa route seul, comme il l'avait toujours fait. Aventura lui manquait plus que tout en ce moment. Une fois encore il avait fauté et il ne savait pas s'il parviendrait à se pardonner un jour, s'il parviendrait à ne plus se sentir aussi mal et sale. Il fallait qu'il voit Hekâ, qu'il lui dise ce qu'il avait fait, l'atrocité qu'il avait commise. Il fallait qu'il quitte les Shaan.
Alors qu'il fixait l'entrée du camp, des éclats de voix l'interpellent. Il tourne la tête dans leur direction  fronce les sourcils en reconnaissant la voix vibrante de colère d'Aulia. X ne pense alors plus à ses problèmes, à son avenir, ses jambes le guident automatiquement vers les éclats de voix. Il est encore trop loin pour comprendre la nature de la dispute, il arrive juste au moment où Aulia semble être sur le point de frapper une jument dorée, qui finit par s'en aller. Aulia ? l'interpelle t-il. Mais elle semble sur le point de craquer, d'exploser ou de s'effondrer, ou bien même encore un mélange des deux. Il s'élance alors vers elle et lui fait face, peut être pour l'empêcher de suivre l'autre jument, peut être pour lui offrir aussi quelqu'un sur qui se défouler sans qu'elle ne le regrette par la suite. Aulia, hey Aulia, calme toi, ça va aller... Qui essaies tu de convaincre X ? Ta soeur ou toi même ?

Ouais c'est ça, casse-toi et fuis tes problèmes ! hurla-t-elle alors qu'Absinthe était déjà bien loin d'elle, comme si elle avait assimilé son départ un peu trop en retard, choquée par ses derniers mots. Cela ne faisait plus de sens. Elle qui n'avait que souhaité le départ de la palomino depuis un bon moment se sentait plus que frustrée de la voir partir ainsi, comme une lâche. Une foule d'insultes lui venait en tête à l'égard de celle qu'elle avait tant aimé. Et de celle qu'elle aimait encore tant, malgré tout ça. C'était pourquoi elle n'était pas tellement capable de les prononcer. Pourquoi tout devait être aussi compliqué ? Pourquoi n'avaient-elles pas pu simplement être heureuses, toutes les deux, sans personne pour se mettre entre elles ? Tu as raison. Ces trois mots tournaient en boucle dans sa tête et c'était toujours de nouveaux coups à encaisser pour son coeur. Les larmes dévalaient ses joues, à la fois de colère et d'un chagrin qui aurait pu en faire s'effondrer plusieurs. Mais cette part d'ombre en elle la faisait tenir debout. Et Absinthe l'avait laissée seule en proie avec elle-même.
La rouanne tremblait de fureur, sans pouvoir s'en empêcher. Elle avait si envie de frapper, frapper sans penser aux conséquences, frapper pour se défouler. Elle voulait faire mal, elle voulait avoir mal. Sûrement était-elle bien folle, mais plus rien n'avait de sens dans sa tête. Elle n'était juste pas encore capable de digérer le fait qu'on l'avait trompée. Que la personne en laquelle elle avait eu si confiance ait pu la laisser tomber de la sorte. Elle ne pouvait plus contenir toutes les émotions que ça créait en elle, il fallait que ça sorte. Elle tiquait à l'ours lorsque X apparut dans son champ de vision. Trop aveuglée par ce qui semblait la posséder, l'esprit trop obscurci, elle eut un peu de mal à le reconnaître et mit quelques secondes avant de réaliser que c'était bien son frère qui se tenait devant elle. Elle n'aimait pas trop avoir à le voir en ce moment où elle perdait complètement le contrôle d'elle-même tout en restant consciente de ce qu'elle faisait. Elle aurait préféré ne pas se retrouver devant un des membres de sa famille, par peur de leur faire du mal. Se mettre devant elle ne servait pas à grand chose, elle n'avait aucunement l'intention de suivre son ex. Aulia se mit à piaffer, les paroles de son frère ne l'atteignant qu'à moitié. Elle fit mine de vouloir le contourner pour s'en aller, mais il lui bloquait carrément le passage. Alors, dans un mouvement un peu aléatoire et désespéré, elle se jeta sur lui, son corps allant heurter le sien sans qu'elle ne contienne sa force. Mais, contre toute attente, elle ne se mit pas à le frapper comme elle aurait cru qu'elle l'aurait fait, elle ne le mordit pas non plus. Elle s'accrocha à lui, comme si elle avait besoin de lui pour ne pas s'écrouler. Sa tête s'enfouit dans sa crinière alors qu'elle se mettait à sangloter de plus belle. Elle avait l'air vulnérable tout d'un coup. Ça contrastait avec la Aulia prête à se battre d'il y avait à peine une dizaine de secondes. Sans doute avait-elle trouvé un moyen plus pacifique de se laisser aller, bien que c'était un peu blessant pour son orgueil.


edit : oh fuck, j'm'attendais pas à avoir écrit autant de marde. désolée mdrr

Elle semble déterminer, à lui passer dessus. Mais lui s'entête à lui bloquer le passage, à ne pas la laisser faire sans doute quelque chose qu'elle regretterait par la suite. X savait que Aulia était certainement plus forte que lui s'ils venaient à devoir échanger des coups, mais il était déjà décidé à ne pas répliquer, à encaisser et la laisser exprimer sa rage, sa frustration, sa colère, sa tristesse. Ils se heurtent l'un à l'autre, mais aucuns coups ne s'abat sur lui, au contraire, elle s'effondre contre lui. Le pie enroule son encolure autour de celle de la picotée, et il la serre contre lui, fort, peut être trop fort. Il la laisse s'effondrer, elle a le droit de s'effondrer, mais il est là pour la soutenir, pour la retenir et l'empêcher de sombrer. On peut parler comme on est pas obligé de le faire. murmure t-il doucement.

Il lui semblait que sa vision était plus floue, plus obscurcie. Qu'elle voyait noir tant sa rage et sa peine était forte. Son corps entier tremblait alors qu'elle se laissait aller dans ses pleurs, ses larmes mouillant la robe pie de son frère sans qu'elle ne s'en aperçoive vraiment. Elle se sentait si mal dans sa peau, dans son coeur, qu'elle croirait presque qu'elle avait reçu un coup de poignard qui lui avait ouvert le coeur. Et que maintenant son corps tout entier en saignait. Ça fait tellement mal... parvint-elle à articuler d'une voix faible. C'était vrai. Elle n'avait jamais autant souffert.