I'm on the highway to hell ▬ R

Hey Mamma, look at me,
I'm on the way to the promised land

I'm on the highway to hell,
and I'm going down all the way.
I'm on the highway to hell,
don't stop me.

A bout de souffle, Rosie s'est arrêtée au beau milieu du désert. La douleur est devenue insupportable au point de la faire plier. Dans un râle de souffrance, elle tombe à genoux. Elle n'a jamais connu si forte douleur jusqu'à présent. Elle a simplement l'impression qu'un être microscopique s'amuse à filer des coups de pied à chacun de ses organes internes. Relèves toi Rose. La tachetée serre les dents et se redresse ; il ne faut pas qu'elle reste ici. Au beau milieu du désert, seule et en pleine mise bas, elle est une proie plus que facile. Elle fait quelques pas avant de sentir le liquide amniotique lui dégouliner entre les cuisses. Il arrive, Rose. Une nouvelle contraction, bien plus forte que les précédentes, l'empêche d'avancer davantage. Le destin l'a décidé, ce sera ici et pas ailleurs que son enfant verra le jour. Rosie n'apprécie pas de ne pas tout contrôler mais elle n'a pas le choix, cette fois ci, elle joue contre bien plus fort qu'elle. Son regard doré balaye rapidement les environs, pour s'assurer d'être seule. Elle n'a pas envie que quiconque se pointe pendant ce genre de moment. Une fois assurée d'être seule, elle se couche, le plus délicatement que possible - ce qui n'est pas si facile avec tout le poids qui pèse sur son ventre. Heureusement, le sable amortit énormément le choc. Courage jolie Rose, tu peux le faire, tu es forte. S'en suit alors la délivrance. Pour une raison qui lui échappe parfaitement, la mise bas est rapide. Tu l'as fait Rose, bravo. Une pellicule de sueur recouvre son corps tacheté. Rosie reprend son souffle. La douleur est encore présente mais s'efface petit à petit. Elle n'ose même pas regarder l'être minuscule qui vient de sortir de ses entrailles. Regarde-le Rose. Regarde ton fils, susurre la petite voix. Son regard doré glisse alors jusqu'au petit corps encore humide qui se trouve près d'elle. Ils sont encore reliés par le cordon ombilical. Sa robe d'un noir profond, exactement comme son père. Un léger sourire effleure ses lèvres. Guidée par cet instinct ancestral qu'est l'instinct maternel, elle commence à le lécher avec tendresse pour le réchauffer et stimuler sa respiration. Le poulain prend alors sa première inspiration. Il est vivant. Une lueur de surprise glisse dans le regard de la jument. Il est vivant. On dirait bien que tu as contré la malédiction, déclare la petite voix, sournoise. La tachetée laisse un léger grondement lui échapper. Qu'elle ferme sa gueule un peu. Elle se redresse ensuite et étire son corps endolori par cette épreuve qu'est la mise bas. Déjà, le poulain cherche à se mettre debout. Rosie l'aide. C'est que tu serais presque une bonne mère. Dommage que tu ne l'aies pas été plus tôt avec ton prince. La colère monte doucement. Elle fait battre son cœur et fait pulser le sang dans ses veines. Un horrible bourdonnement l'assourdie.
- NE PARLE PAS DU PASSÉ ! Gronde-t-elle en s'éloignant légèrement du nouveau-né.
Un ricanement sinistre résonne dans son crâne. Rosie couche les oreilles. La colère s'intensifie et menace de lui faire perdre pied. Son corps se met à trembler. Bon on arrête de jouer Rosie. Tue-le, ordonne la petite voix. La tachetée secoue vivement la tête pour signifier un non. Non, elle ne tuera pas son enfant. Elle ferme les yeux, essaye de contrôler sa respiration et d'apaiser les battements de son cœur devenu fou. Ecoute moi Rosie. C'est pour ton bien que je te dis ça. Il faut que tu le tue. Il n'a pas le droit de vivre. Rosie avale péniblement sa salive. Elle le sait que trop bien qu'elle n'est pas faite pour être mère. Pourtant, elle le désirait. Nos désirs ne sont pas toujours réalisables, murmure la petite voix avec un semblant de compassion. La gorge de la tachetée est serrée. Son cœur aussi. Elle rouvre les yeux pour observer le petit animal sombre qui s'est rapproché d'elle pour boire le précieux colostrum. Elle serre ses mâchoires, si fort que ses dents grincent. Son fils vient de trouver les mamelles. Si tu ne le tue pas, ce sera quelqu'un d'autre qui le fera, n'oublie pas les paroles de la reine, lui rappelle la petite voix. Enfin, les larmes de Rosie dévalent ses joues. Et si elle ignorait tout ça ? La malédiction lancée par la reine. Et si elle cachait à tout le monde l'existence de cet enfant ? L'idée s'installe dans son esprit. Rosie, ne joue pas à ça. Tue-le maintenant avant de t'attacher à lui. Peut-être est-ce même déjà trop tard. Tu n'es qu'une faiblarde. Une vulgaire contre-façon. Eulalie était tellement mieux que toi... Sa colère explose enfin. Sa vision devient floue et elle perd le contrôle. Elle revoit la détestable bouille d'Eulalie. Puis elle revit son meurtre. Elle revoit le sang de la gamine se répandre au sol et venir lécher le bout de ses sabots striés. Une lueur prédatrice glisse dans son regard et, d'un mouvement brusque et inattendu, elle attrape le poulain à la jugulaire. La peau fine se déchire aussitôt sous ses dents et le sang se met à gicler dans toutes les directions. Son poitrail s'en retrouve pleinement arrosé. Lorsqu'elle relâche le nouveau-né, son petit corps frêle tombe mollement au sol. Il est mort. Et bah voilà, c'était pas si dur ! S'exclame la petite voix avec satisfaction. Le sang de sa victime se répand sur le sable doré avec un air de déjà vu. La folie de Rosie retombe quelques minutes plus tard. Horrifiée par l'acte qu'elle vient de commettre, elle se recule de plusieurs pas.
- Je... Je ne... Je ne voulais pas... Hoquette-t-elle alors que ses larmes reprennent.
Il ne faut pas que tu restes ici Rose. La tachetée attrape précautionneusement la dépouille de son fils. Elle ne compte pas le laisser à la vue de tout le monde et encore moins aux prédateurs. Un peu plus loin, elle l'enterre, puis elle quitte les lieux avec précipitation.

Hey maman, regarde-moi,
Je suis sur la route pour la terre promise...

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