/ castle of glass

/ HORUS

Le mâle erre entre les ruines du château. Il s'imagine les tours, les murs vertigineux, les douves. Tout cela, il le voit grâce à son oeil-lune. Certains diront que c'est son imagination car son oeil est simplement aveugle. Depuis tout petit, Horus lui accorde le bénéfice du doute et ce handicap est devenu, au fil des mois puis des années, comme un don venu du ciel. Il rouvre son oeil valide, posant le cristal qu'il renferme sous ses paupières sur les ruines délabrées, continuant son exploration.

À peine une fraction de seconde avant d'entendre sa voix, il voit une grande masse sombre traverser son champ de vision. Puis, la voix. Il la trouve grave, un peu caverneuse. Avec un demi-sourire, il s'avance dans un rais de soleil terne, soulevant un peu de poussière sur son passage. Bonsoir, donne-t-il pour toute réponse, sans vraiment savoir dehors s'il fait nuit ou jour tant la luminosité est étrange, presque mystique. Il laisse son regard glisser sur le corps de la géante noire. Elle est imposante, bien plus que lui physiquement parlant et quelque chose chez elle le captive, l'impressionne presque. Elle a donc son intérêt et son attention. Lui est bien plus nerveux, plus fin. Il finit son exploration visuelle sans démontrer aucune gêne à le faire. Horus garde son oeil invalide dans un profil caché, sans le camoufler pour autant, comme pour créer plutôt un effet de surprise quand il en aura envie.

C'est lui aussi en se rapprochant qu'il peut sentir son odeur et que celle-ci lui dit quelque chose. Il se souvient l'avoir sentie au camp, quand les Shaans étaient encore debout. Mais il ne l'a pas beaucoup côtoyée il faut dire. Elle faisait sûrement partie de cette grande famille qui peuplait les Shaans et dont lui était exclu. Parce qu'il est fils de la traîtresse. Injustice quand tu nous tiens, parfois... Il sent sa méfiance mais n'en dit rien. D'ailleurs, rien dans son comportement n'est hostile ou froid, il est simplement neutre. Pardonne ma mémoire d'enfant, je ne me souviens plus vraiment du tien, souffle-t-il avec un hochement de tête accompagné d'un demi-sourire.

Bryséis. Il se souvient d'elle. C'est elle qui entraînait les enfants Shaans. Il n'a jamais eu l'occasion de profiter de son apprentissage, lui. Peut-être parce qu'elle savait de qui il était le fils et que cela le classait directement dans une catégorie ? Son sourire disparait lentement. Les Shaans n'existent plus. Il ne rajoute rien, même si parfois il éprouve de la rancoeur face à ceux qui ont quitté le clan et provoqué son extinction. Tu dois faire partie de ce nouveau clan, au désert, murmure-t-il sans préjugés, plus comme une simple constatation.

Il hoche la tête, retenant le nom de ce nouveau clan sans vraiment qu'il n'y trouve grand intérêt. Il n'est en conflit avec personne, lui. Du moins pour le moment. Que se passera-t-il quand il suivra son entraînement avec sa mère ? Quelle sera sa première cible à lui ? Ses yeux dépareillés voguent sur les ombres bleuâtres que forment l'obscurité et la clarté étranges qui règnent entre les murs des ruines. Il ne répond rien, serein.

Horus semble ne pas réagir. Pourtant, alors qu'elle n'a fait que quelques pas, il la rattrape en un bond agile et lui barre la route. Assuré, il enfonce son unique oeil valide dans ses yeux. Tout comme tu ne m'en voudras pas quand j'aurais tué un des tiens en guise de revanche, qnnonce-t-il d'une voix si calme que cela peut en être agaçant.

Il se laisse bousculer avec un fin sourire. Il attend qu'elle revienne, ce qu'elle fait quelques secondes après. Mais l'étalon secoue la tête. Non, ça ira, merci. Horus n'est pas un guerrier. Ce qu'il a appris avec sa mère va au-delà de simplement se battre. Il sait que la Bersek le battrait en quelques secondes seulement et il ne veut pas lui donner cette satisfaction. Il fait à son tour demi-tour, fouettant l'air de sa queue fine. On est tous confrontés à la tentation des mauvaises idées. Ce n'est parfois qu'après que l'on s'en rend compte.