des astres

Si seulement ça pouvait être aussi beau, chuchote-t-elle en rouvrant les yeux et en tournant sa tête vers l'araignée. Et pourtant, ce n'est pas beau, ça ne l'a jamais été. Elle serre les dents. Mygale est tellement déphasée du monde, tellement flottante au-dessus du fleuve de sang qu'elle a créé, comme une entité divine. Est-ce que tu y as pensé, à mon amour ? demande-t-elle avec la même voix acerbe. Son amour pour Nyveèn, pour la grande ombre, mystérieuse dans ses mots et dans ses silences. Maintenant, Mygale n'a plus rien de mystérieux.

Quand on était jeunes, oui. Il me terrifiait. J'avais l'impression ... de ne pas le mériter. avoue t-elle sans quitter son regard à un seul instant. Elle y pose son ancre et déverse son encre vénéneuse et ô combien sincère Je t'aimais, pas comme tu m'aimais. Tu voulais du contact, et au final j'ai toujours détesté ça. Aujourd'hui, c'est différent. Bien qu'aucun désir charnel ne l'anime, pour ce qui était des embrassades et cajoleries avec ses fils, elle était présente. Et je m'excuse d'avoir disloqué ton clan.

Mais Tsunami ne veut plus de son venin. Elle y a échappé et ne plus y être confrontée, encore et encore. Son regard quitte celui de Mygale et vient glisser sur le chemin à peine visible tracée par les visites. Elle ne peut s'empêcher d'avoir un sourire amer, ironique en entendant les mots de l'akhal de ses rêves et de ses cauchemars. Elle ne veut pas la regarder en face. Parce que ses yeux deviennent vitreux. Parce que les commissures de ses lèvres se tordent. Parce que c'est du foutage de gueule, et pourtant, Tsunami, elle ne peut s'empêcher de plonger en plein dedans. Elle ne peut tarir cet amour qu'elle a toujours eu pour Nyveèn, et qui grandissait en même temps que sa haine envers elle. Elle retient un soupir, et serre les mâchoires. C'est bien trop facile, de s'excuser. Qu'est-ce que tu veux de moi, alors ? Qu'est-ce qui est différent ? Tout est différent en réalité. Elle a tout détruit.

Je ne veux pas quelque chose de toi, je veux tout. Toi avec tes directives, tes reproches, tes envies, ton ambition ... toi, Hekâ. Pas mince à faire, de récupérer le dessert tombé par terre à la petite cuillère. Mais si c'était simple; ça n'aurait pas de saveur. Pas d'importance. Je peux me projeter, je peux comprendre, je peux m'effacer ou rester à tout jamais à tes côtés. Je suis prête à faire tous les efforts nécessaires.

Tsunami serre les dents, harponnant l'araignée de sa vie avec un regard assassin. Elle ose. Et pourtant, elle a réussi. Elle a réussi à lui injecter son étrange venin. Et la peau de l'ancienne Alpha est fine entre les crochets de Mygale et sa propre veine. Un sourire sinistre étire ses lèvres. C'est pour ça que tu as tué Tsunami, grince l'isabelle. Elle prend une grande inspiration. Elle a l'impression que sa tête et son corps sont en train de se dissoudre, de fondre devant l'énorme incendie qui vient de s'allumer. Est-ce que c'est physiquement possible pour l'ancienne Alpha de faire revenir Nyveèn comme si de rien n'était ? C'est comme si on étirait son cerveau dans deux directions différentes. Comme si on écartelait son putain de cerveau. Ses beaux yeux dorés sont teintés d'une lueur de destruction.

Elle aime ce contact. Voilà, ce contact délicat, cet équilibre de danger et peau de soie. Alors ses pensées s'illuminent. Je n'aime pas batifoler. C'est pas mon truc. Dans mon idéal, on serait en couple, et tu irais faire des prouesses sexuelles avec qui tu l'entends, tant que ton amour m'est entièrement dédié. Elle marque un temps, savoure la douceur des dents de son alter-ego. Mais Tsunami, c'était une tâche sur notre histoire. Comme Asmund.

nan tsunami ne la touche pas, elle la harponne avec son regard, genre elle la regarde mal mdr

Les oreilles de l'ancienne Alpha s'aplatissent sur sa nuque. Elle n'arrive pas à croire ce qu'elle entend. Donc tout ça, toute sa plongée dans les ténèbres de solitude et de rancœur, de sang et de haine, est causée par son alter-ego qui veut façonner le monde et l'amour selon son idéal ? Mais tu l'avais, ton idéal ! Tu l'avais et tu as tout détruit. Pour le bonheur de qui ? Pour quel bénéfice ? C'est ce qu'on était, Mygale, je t'aimais et je n'aimais que toi. Maintenant, je n'aime personne. Ce qu'elle offrait à Asmund ou à Tsunami, c'était loin d'être ce qui liait Nyveèn et Hekâ.

Elle a eu cette lueur d'espoir que tout s’apaise. Le plus grand de ses maux est celui de ne plus être liée à Hekâ. Elle prend ses distances, recule de quelques pas. Tu construisais, je détruisais. Je ne faisais que ça, je ne savais faire que ça. Maintenant je sais bâtir, une famille par exemple. Elle sentait ses émotions se diriger totalement vers sa tête, comme si elles quittaient son coeur via ses artères. Elle allait craquer. T'étais la préférée de ma mère, alors que c'était moi sa fille biologique. Je vivais dans ton ombre, et même si ça me plaisait, c'était destructeur. T'étais comme une drogue, mais j'ai dû arrêter. On va dire que je suis sevrée, mais n'imagine pas que dans cette histoire tu es la seule à avoir souffert. Les larmes ne coulent pas encore, mais elle sent qu'elles sont prêtes à déferler par torrent.

Tsunami observe son alter-ego parler, avec le même regard infiniment sombre et meurtrier. A l'intérieur, en réalité, elle est totalement déchirée et paralysée. Elle croit en les paroles de Mygale : une partie d'elle aimerait l'accepter, mais l'autre est tout simplement, physiquement incapable de lui pardonner. Une partie d'elle voudrait s'approcher et la toucher, mais l'autre ne ressent rien d'autre que du dégoût. J'ai envie de te tuer, Nyvèen. J'ai envie que tu n'existes plus, crache-t-elle entre ses dents. La seule chose que tu aies réussi à faire, c'est de construire sur mes ruines. Est-ce que c'est ça, notre destinée ? De ne pouvoir construire qu'en détruisant l'autre ? Elle finit par s'approcher, contrôlant le monstre en elle - celui qui est mort, celui qui détruit - qui ne demande qu'à sortir pour enlacer ou étrangler Nyveèn. L'ultimatum se fait de plus en plus pressant, de plus en plus intense. C'est céder à son instinct de survie, ou céder à son instinct d'auto-destruction. Je ne vais pas te laisser me détruire encore, Nyveèn. Je ne vais pas te laisser construire, elle susurre, la poignardant de ses yeux sauvages.

Elle ne la lâche pas du regard, elle arrêterait presque de cligner des yeux. Ruines ... c'est ça. Tsunami visait juste et bien. Nyveèn n'était pas assez élaborer pour élever des montagnes. Elle ne serait que bassesse au final ? La voilà qui doute d'elle-même. Elle se décale, finit par s'évader de ce contact à distance. C'est pas mon but. Lâche t-elle prête à s'en aller, à moins que Tsunami n'ait encore quelque chose à lui rabâcher.

Mais Nyveèn ne comprend pas. Rien. C'est comme si les deux alter-ego ne parlaient plus la même langue. Ce n'est pas son but. Bien. Alors leurs buts sont encore une fois différents. Elle aurait sûrement dû dire j'ai envie que nous n'existions plus. Voilà, c'est plutôt ça. Elle aurait voulu avoir des choses à lui dire et que les choses soient différentes, mais rien d'autre n'existe que le présent dur et descendant. Mais elle a juste envie de lui dire d'aller se faire foutre. Et pourtant, elle serait toujours là. A faire saigner les Tsöldur pour les empêcher de la toucher. A faire couler le sang des plaies déjà ouvertes. Tsunami reste muette, son regard agressif toujours obstinément attaché à elle.