It’s hard to breathe sometimes ▬ A

I know you can’t remember how to shine
Your heart’s a bird without the wings to fly

La nuit est calme. Tous les membres du clan dorment à poings fermés. Tous à l'exception de la petite jument palomino. Elle s'est encore réveillée en sursaut en plein milieu de la nuit. Encore pour la même raison. Et puisqu'elle est incapable de retrouver le sommeil elle décide de quitter le clan. Elle s'arrête un instant devant le lagon pour y prendre quelques gorgées d'eau mais se stoppe lorsqu'elle aperçoit son reflet et plus particulièrement l'arrondi de ses flancs. Ce qu'elle redoutait le plus s'était produit ; elle attendait un enfant. Issu d'une bien mauvaise union. Cette fois ci, elle n'a pas fait de déni. Elle est consciente de sa condition. Pourtant, ce n'est pas pour autant qu'elle se sent prête à être mère. Elle se déteste. Elle a encore merdé. A croire qu'elle est destinée au malheur.
Ses pas la guident finalement devant l'arbre aux âmes. Un souvenir l'effleure, la faisant enfin sourire. C'est ici qu'elle a rencontré Filao pour la première fois.

Le vent chante quelques paroles incompréhensibles, amène avec lui l'effluve des ancêtres qui ont jadis peuplé les terres de Luanera. Chaque frémissement de feuilles est un murmure étouffé, une ode aux personnes aimées.
Le regard braqué sur les flancs ronds de sa fille, Sueño attend patiemment que sa présence soit remarquée. Depuis attendait-il qu'elle daigne se montrer ici ? Lui qui avait tant envie de lui parler, de la revoir. Ce n'était peut-être pas dans les conditions optimales, mais au moins, il la voyait, la sentait près de lui. Il est immobile à ses côtés, pâle fantôme qui veille sur sa plus grande fille et son plus grand trésor. Ses crins ébènes s'agitent légèrement sous la légère brise de printemps, et il n'a jamais été aussi beau qu'il ne l'est maintenant. Le poids des années reste visible, mais la souffrance et la douleur ont déserté son visage. Il est en paix maintenant, il a rejoint Bailey, et il veut le partager avec la palomino. Absinthe, souffle-t-il finalement, la gorge serrée par l'émotion.

Le vent joue avec ses crins blonds, dévoilant parfois la cicatrice qui zèbre son front. Jolie balafre rosâtre s'étalant dans le blanc de sa liste. Triste souvenir d'une bien mauvaise journée. Une parmi tant d'autres.
Une feuille de l'arbre tombe lentement pour finalement se déposer devant ses sabots. Absinthe la suit du regard puis relève le regard pour croiser celui de son père. Une lueur surprise éclaire son regard furtivement avant que ses larmes ne se mettent à couler. Parce qu'elle a comprit.
Lorsqu'il murmure son nom c'est un poids de plus qui s'abat sur son cœur. Ses antérieurs fléchissent instantanément et ses genoux rencontrent le sol sans aucune douceur. Pourtant elle ne ressent aucune douleur hormis celle qui enserre son cœur si violemment.
- Non pas toi... S'étouffe-t-elle presque, entre deux sanglots.

Il voit rapidement lorsqu'elle l'a enfin remarqué. Son attitude change du tout au tout et fait beaucoup de peine au père au cœur d'artichaut qu'il est. Sa gorge se serre et il fait un pas vers sa fille, le souffle coupé par l'émotion. Il la regarde tomber à genoux sans pouvoir rien faire, incapable de l'aider à se relever ou affronter la douleur. Parce qu'il n'est plus là, et qu'il ne sera plus jamais à ses côtés. La douleur étreint son cœur et quelques larmes s’agglutinent aux coins des yeux de l'isabelle tandis qu'il tend les naseaux pour inspirer l'odeur si familière de sa précieuse fille. Absinthe.. Mon Absinthe.. Si tu savais à quel point je suis désolé, souffle-t-il en secouant la tête. La mort de Bailey n'a été que le début de la mienne, et j'ai fini par la rejoindre. Mais tout va bien, je vais bien. Il ne passe pas un jour sans que je ne pense à toi, ma petite fille... Il aimerait pouvoir la serrer contre lui, jouer avec ses crins, mais il ne le peut pas, il ne le peut plus. Ce constat lui laisse un goût amer en bouche, un goût de défaite.

La douleur est si vive qu'elle lui en donne le tournis. Le cœur au bord des lèvres, elle s'interdit pourtant de rendre le contenu de son estomac. Elle est plus forte que ça... N'est-ce pas ?
Lentement, douloureusement, elle se redresse. Ses larmes coulent toujours à flot. Une vraie rivière. Elle aurait presque pu remplir le lagon.
- J'espérais tellement que tu reviendrais... Que tu étais simplement partis te changer les idées... Pleure-t-elle.
Il l'avait déjà fait. Il était déjà parti. Mais il était revenu. Et cette fois, il ne reviendra pas. Non... Il ne reviendra pas.
- Mais si tu as trouvé la paix... Je suis heureuse pour toi... Souffle-t-elle d'une voix éraillée.

Sueño a mal, parce qu'il ne peut rien faire si ce n'est assister à ce triste spectacle. Son cœur se serre sous la douleur mais il ne dit plus rien, il se contente de l'observer, de lui sourire aussi, pour tenter de la calmer, de lui montrer que tout va bien, qu'il va bien. Je suis désolé que ce ne soit pas le cas, mais comprends-moi, je ne pouvais rester ici tout en sachant qu'elle était partie, vraiment partie, lui souffle-t-il en se mordillant la lèvre inférieure, un peu mal à l'aise. Il prend une profonde inspiration, hésite quelques instants, et ancre son regard dans celui de sa fille. Je ne sais pas si tu étais au courant, mais Bee attendait un enfant, et cet enfant, il n'est pas avec nous, il ne veille pas sur toi à nos côtés. Ce qui veut dire qu'il est encore en vie quelque part. Je sais que je t'en demande beaucoup, mais je veux que tu le trouves, et que tu l'amènes ici, je veux lui parler, lui dire qui sont ses vrais parents... l'implore-t-il alors en faisant un pas vers elle, incertain.

Invité

C'est douloureux à entendre. Presque impossible à comprendre aussi. Pourtant, elle n'a pas le choix. Elle ne peut qu'accepter. Et lorsqu'elle se met à la place de son père... Elle comprend. Elle comprend qu'elle non plus, elle ne pourrait pas vivre dans un monde sans Aulia. Cette simple pensée lui donne le vertige.
Elle se reprend pourtant bien vite. Elle n'a pas le droit de s'abandonner à ses pensées sombres. D'autant plus avec l'annonce que vient de lui faire son père. Non, évidemment que non, elle ne savait rien de tout ça...
- Je... J'ai peut-être un petit frère ou une petite sœur ? Souffle-t-elle en reculant d'un pas.
C'est la seule chose qu'elle trouve à dire. Parce qu'elle est choquée. Où est-il, cet enfant ? Le retrouver c'est... Mission impossible...

L'imposant ibérique hoche doucement, douloureusement, la tête en guise de réponse. Oui, il a dû se faire adopter pour survivre. Ce que je peux te dire, c'est que Nyveèn était là, et il y avait un autre avec elle, un jeune étalon bai. C'est ce que m'a dit Bee en tout cas, lui souffle-t-il en fermant les yeux, comme pour se convaincre que ce n'était qu'un cauchemar.
Quoi qu'il arrive, je ne veux pas que tu prennes de risques. Enquêtes sur cet enfant, essaies de le trouver, mais au moindre problème, à la moindre menace, arrête tout de suite, je ne veux pas que tu me rejoignes ici, il est encore trop tôt pour cela, lui dit-il en suite, tout à sérieux. Je suis conscient que ce n'est pas une tâche facile, mais cet enfant, c'était le rêve de notre vie, et savoir qu'il est peut-être entre les répugnantes mains de Nyveèn... Je ne le supporte pas. L'étalon marque une pause et fait un pas vers sa fille. Ne parle à personne de ce que je t'ai dis, ni à Njörd, ni à ta mère, ni à Aulia. Personne ne doit être au courant, pour ta sécurité et la leur, compris ?

Invité

Toutes ces informations lui font tourner la tête. Il. C'est un mâle. La gorge d'Absinthe se serre. Elle a un petit frère qu'elle ne connait même pas. Un petit frère qu'on lui a enlevé. Une pointe de colère naît en elle. D'autant plus lorsqu'elle apprend que Nyveèn est de la partie. Et... Un mâle bai. Là, c'est son cœur qui se serre douloureusement. Elle pense immédiatement à Faucon, le demi-frère de Toundra. Le fils de Draggan. Son cœur est poignardé. D'une façon ou d'une autre, le sang de Draggan parvient à la blesser.
Lorsqu'il l'implore de ne pas prendre de risques, elle lui sourit faiblement. S'il savait... S'il savait qu'elle ne comptait pas une seule seconde lui obéir. Et si seulement il pouvait se douter que leurs retrouvailles seront bien moins longues à attendre que prévu...
- C'est promis, lui souffle-t-elle.
Promis qu'elle ne dira rien. Pour le reste, elle ne promet rien. Parce qu'elle compte bien retrouver cet enfant. Et pour ce faire, elle a déjà dans l'idée de rejoindre Faucon. Il faut qu'elle lui parle.
- Et... On ne se parle plus vraiment avec Aulia, confie-t-elle à son père en glissant son regard vers le sol.
Et chaque jour de plus qu'elle passait loin d'elle suffisait à lui faire abandonner tout espoir de la retrouver un jour. J'ai besoin de temps, qu'elle avait dit... Sans savoir que le temps de la dorée était compté. Tic, tac, tic, tac... Le compte a rebours est déjà lancé depuis bien longtemps...

Personne ne doit savoir. Tu ne m'as pas vu, jamais, lui répète-t-il subitement. Ça la mettrait en danger, et c'est une très très mauvaise idée, il ne peut pas se permettre de la perdre. Il ne veut pas qu'elle le rejoigne, pas maintenant, pas alors qu'elle a encore toute la vie devant elle. Si seulement il savait.. Tic, Tac, Tic, Tac.
Lorsqu'elle promet, l'ibérique est immédiatement soulagé. Il ne remet pas en doute sa parole, jamais elle ne lui a menti, jamais elle n'oserait le faire. N'est-ce pas..?
Sueño apprend qu'elle ne parle plus à Aulia, et il hausse un sourcil, curieux. Il se demande ce qui a bien pu se passer, mais si elle ne parle pas maintenant, c'est qu'elle n'a pas envie de lui raconter, et il comprend et respecte cela. Je ne savais pas, lui dit-il finalement en faisant une légère grimace.
Son regard se pose sur le corps de sa fille, et immédiatement, il remarque quelque chose d'étrange. Ses flans sont ronds, trop ronds pour qu'elle ait trop mangé. Ca le frappe soudainement et il recule d'un pas, perdu. Tu.. Tu es enceinte ? lui demande-t-il avec une légère appréhension. Qui ?

Invité

- Promis, répète-t-elle.
Personne ne saura... Cette promesse n'est de toutes façons pas bien difficile à tenir ; elle n'a personne à qui raconter ça. Sauf peut-être sa mère et Njörd... Mais elle n'y compte pas une seule seconde. Ils sont déjà bien assez occupés avec les récents événements. Il est hors de question qu'elle leur rajoute un problème à gérer.
Et en effet, pour ce qui est d'Aulia... Elle n'a pas envie d'en parler. Parce que, putain, ça fait un mal de chien. Et même si, dans le fond, elle aurait aimé en parler avec son père... Elle est aussi soulagée qu'il ne cherche pas à en savoir davantage.
Lorsqu'il réalise enfin qu'elle attend un heureux événement, elle se mord la lèvre.
- Fléau... Le demi-frère de Njörd... Souffle-t-elle à voix basse, honteuse.

Sueño hoche doucement la tête lorsqu'elle lui promet. Il ne veut pas que ses porches sachent qu'il est mort. Ils ont déjà assez de problèmes à gérer, surtout Njörd. S'il s'est montré devant Absinthe, c'est seulement parce qu'il en ressentait le besoin, rien de plus.
L'étalon doré préfère respecter le silence de sa fille concernant Aulia, et il voit rapidement le soulagement qui l'étreint. Il n'a pas envie de la forcer à se confier, parce qu'il savait parfaitement qu'elle se braquerait plus qu'autre chose. D'après lui, il devait laisser faire le temps, et lorsqu'elle serait prête à en parler, elle le ferait.
Il remarque finalement les flancs ronds de sa fille et il hausse un sourcil avant de lui poser la question, bien curieux, et un peu stressé il faut l'avouer. Rien que le nom du personnage lui fout des frissons, mais il se garde bien de le dire. Il observe sa fille avant de percuter.
Njörd... Njörd a un frère ? s'exclama-t-il bruyamment. Pourquoi je suis toujours le dernier au courant moi, ronchonna l'ibérique en levant les yeux au ciel. Et puis finalement, il reprend tout son sérieux et pose son regard sur sa fille. Tu l'aimes ? lui demanda-t-il avec une légère appréhension.

Invité

La réaction de son père l'amuse un instant. Au point qu'un sourire éphémère vient étirer ses lèvres.
- Ne t'inquiète pas... On l'a tous apprit il y a peu... Lorsqu'il est arrivé sur Luanera en fait, soupire Absinthe.
Et même s'ils ne partageaient pas leur sang... La palomino se trouvait un peu écœurée d'avoir couché avec... Son oncle. Par alliance certes, mais son oncle tout de même.
Lorsqu'il lui demande si elle l'aime, elle manque de s'étouffer. D'autant plus lorsqu'elle ressent son appréhension. Décidément... Il est loin de comprendre.
- Papa... C'est Aulia que j'aime, répond-elle avec lassitude.
Et à côté d'elle, les autres n'avaient aucune saveur. Aucune.

Oh.. Je vois, souffla l'ibérique d'une voix un peu déçue. Il aurait bien aimé le connaître c'est vrai. Il ne se doutait absolument pas du personnage que Fléau était, et il valait mieux pour lui qu'il ne soit pas au courant au risque de faire un crise cardiaque.
Lorsqu'il vit l'attitude d'Absinthe changer, il sut qu'il avait fais une gaffe. Son visage se tordit en une grimace désolée tandis qu'il observait sa fille sans rien dire, conscient que rien n'apaisait un chagrin d'amour.
Bon. Au risque de paraître méchant, ce que je vais te dire va être honnête, lâcha Sueño en observant sa fille et en faisant un pas vers elle. Aulia a tourné la page Absinthe. Tu le sais parfaitement, comme moi je le savais. Me mettre avec ta mère a apaisé mon cœur meurtri par le chagrin et la guerre. Alors, arrête de te morfondre, et trouve ton ou ta Myosotis. Ce n'est pas facile à faire, et on en a tous été blessé, mais mon histoire avec Myosotis a permis de me guérir, de me relever. Il faut que tu fasses pareil. Sans oublier, parce qu'on ne peut pas, simplement panser ses plaies du mieux que l'on peut, avec un autre, c'est plus facile.

Invité

Sur le coup, Absinthe ne comprend pas pourquoi son père semble déçu. Est-il... Déçu d'elle ? Se désespère-t-il de la voir se diriger vers de bien mauvaises mœurs ? D'abandonner tout espoir en l'amour qu'on prône dans les contes de fée au profit d'amours éphémères ? Qu'importe. Elle sait déjà qu'elle va détester la discussion qui va s'en suivre. Aulia a tourné la page. Cette seule phrase suffit à faire imploser son cœur. Absinthe n'est pas naïve, elle sait que c'est le cas. Mais l'entendre de vive-voix et d'une autre personne... C'est autre chose. Sa vision se trouble légèrement, sa tristesse veut sortir de son corps. Les oreilles de la palomino pointent vers l'arrière. Elle n'a pas envie d'en entendre davantage. Non, vraiment pas.
- Parce que maman n'était que ça... ? Un pansement ? S'énerve-t-elle.
Elle cède à la colère parce qu'elle n'a pas le choix. Elle préfère encore la colère à la tristesse. D'autant plus qu'il dit ça alors que, lui, il a retrouvé son âme sœur. Alors peut-il vraiment la conseiller sur sa manière d'aimer et de vivre avec l'absence de l'être aimé ? Elle n'en est pas certaine mais pourtant, elle s'efforce de se calmer. Elle n'a pas envie de faire une crise devant lui.
- Ne me réponds pas pour maman. Vous n'étiez pas fait l'un pour l'autre de toutes façons, vos âmes-sœurs respectifs vous attendaient.
Njörd d'un côté, Bailey de l'autre. Et c'est peut-être ça, la véritable force de l'amour. D'assembler les cœurs promis l'un à l'autre. De son côté, Absinthe est persuadée que son âme-sœur est Aulia. Et si elle se trompait ?
- Personne n'arrive à panser mes plaies papa. Elles sont trop profondes, lâche-t-elle, un peu trop froidement.
Personne. Et pourtant, elle a essayé.
- Tu sais que je vais encore être grande sœur ? Glisse-t-elle comme ça, presque brutalement.
Elle veut voir. Elle veut voir ce qu'il ressentira en apprenant ce qu'il s'est réellement passé ici.

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