Map of the soul ▬ P

Plusieurs jours ont passé avant qu'elle ne revienne enfin sur cette immense plage de sable noir. Le cœur serré elle s'est approchée du rocher titan mais ne s'y est pas arrêtée. Elle a poursuivi sa route vers la baie des trois frères. La falaise brumeuse se dessine au loin, majestueuse. Pandia n'a pas le courage d'y aller. Elle a peur d'être déçue si elle n'y retrouve pas sa mère. Elle ira sans doute plus tard. Dans quelques semaines, ou peut-être quelques mois ? Lorsqu'elle se sentira prête. En attendant, elle trottine sur la plage et joue avec les vagues qui viennent jusqu'à elle. Et son rire conquiert rapidement la plage.

Dès qu'une vague vient s'échouer à ses pieds, Pandia cherche à l'éviter. Parfois en bondissant comme une biche, parfois en reculant. Elle s'arrête uniquement lorsqu'une voix s'élève non loin d'elle. Son échine se hérisse légèrement parce qu'elle a été surprise. Son regard dépareillé glisse sur un étalon gris à la carrure impressionnante. A côté, son père c'est presque un poney.
- Euh... Bonjour, souffle-t-elle après un court moment d'hésitation.

Pandia ne voit pas le danger que pourrait représenter la mer pour un poulain de son âge. Elle a encore beaucoup de choses à apprendre. Heureusement, il y a toujours quelqu'un pour veiller sur elle, d'une manière ou d'une autre. Lorsqu'il lui demande pour ses parents, la pouliche observe rapidement les environs. Son père ne l'a pas encore retrouvée, non.
- Non. J'ai décidé de me balader toute seule. Maman m'a amenée pas très loin d'ici avant de partir très loin alors je voulais revenir, souffle-t-elle avec innocence.
Avec les mots d'un enfant.

Pour une fois, Pandia aime bien discuter. Cet inconnu semble gentil. Elle le préfère presque aux autres poulains. Elle le détaille du regard, analysant principalement son visage aux traits doux. Voilà une ribambelle de questions sur sa mère. Pourquoi ne demande-t-il rien sur son père ? C'est au tour de Pandia de froncer le nez.
- Je ne sais pas où elle est partie. Elle m'a laissée au pied du rocher titan puis elle est partie en me disant qu'elle reviendrait vite, explique sagement Pandia.
Son regard glisse ensuite vers la falaise. Le regard de son père s'y était attardé lorsqu'il était revenu la chercher.
- Sauf qu'elle n'est jamais revenue. C'est mon père qui est venu me chercher, lui confie-t-elle. Il m'a dit qu'elle avait eu un accident et qu'elle ne reviendra pas.
Elle n'a maintenant plus trop de mal à en parler. Elle s'est faite à l'absence de sa mère. Elle a comprit qu'elle ne reviendra pas.
- Elle s'appelle Séléné. Et mon père s'appelle Faucon.
Le mâle se rapproche et la pouliche ne bouge pas. Elle n'est plus vraiment impressionné par sa carrure, elle sait qu'il est gentil.
- Moi je m'appelle Pandia ! S'exclame-t-elle.
Du moins pour l'instant. Parce que Faucon lui avait expliqué qu'elle devrait bientôt être rebaptisée vu que désormais elle appartient à la tribu Nayati.

Dans un premier temps, elle s'est sentie triste d'apprendre que sa mère ne reviendrait pas. Une fois la tristesse estompée, elle a refusé de voir la réalité. Et finalement, elle a accepté. Bien qu'elle garde l'espoir secret de voir sa silhouette se découper dans l'horizon. Elle sait que si ça doit arriver, ce sera ici. Elle le ressent ; l'âme de sa mère est férocement attachée à cet endroit. Pandia ignore pourquoi mais elle compte bien le découvrir.
- Bah oui il va bien, répond-elle en le regardant bizarrement.
Elles sont bizarres ses questions. Ses réactions aussi d'ailleurs. Pandia s'écarte légèrement de lui alors qu'il fait des pas de côté comme s'il était bourré. En plus il se met à rire étrangement. Qu'est-ce qui lui prend ? Il est entrain de faire un malaise ou quoi ? Elle le suit du regard, curieuse de savoir s'il va finir par tomber ou pas. La réponse est non. Mais nouvelle surprise ; il se met à pleurer. Elle aussi elle a pleuré lorsqu'elle a réalisé que son père ne mentait pas. La tristesse du grand mâle ne l'émeu pas. Elle se sent simplement désolée pour lui. Elle manque de répondre "je sais" lorsqu'il lui dit qu'elle est magnifique. Sa maman lui disait souvent. Son papa le lui dit aussi. C'est forcément vrai du coup. Un petit détail suffit à attirer son attention.
- Tu connais ma maman ? Demande-t-elle subitement.

Certaines choses ne s'expliquent pas. Pandia l'a compris très vite. Le monde est complexe. L'univers l'est tout autant. Il arrive que parfois, certaines failles s'ouvrent. Que les règles soient brisées. C'est parfois bénéfique et d'autres fois non. C'est la roulette russe.
La brunette retourne son sourire au grand gris. Ce n'est pas tellement dans ses habitudes mais elle veut bien faire un effort parce qu'elle ne veut pas qu'il continue de pleurer.
- Parle moi d'elle, dit-elle sans aucune once d'hésitation.
Elle ignore si elle apprendra quelque chose d'intéressant avec lui mais elle aime bien l'idée qu'on puisse lui parler de sa mère. Juste pour la faire revivre à travers les souvenirs encrés dans la mémoire de ceux qui l'ont connue.

Elle a beau être petite, elle ressent sa tristesse avec autant de puissance que si elle était sienne. C'est une vraie tempête qui se débat dans son corps. Presque naturellement, Pandia assimile cette profonde tristesse à une sorte de faiblesse. La faiblesse du cœur. Inconsciemment, l'envie de le rendre plus fort s'éveille en elle. Pour le moment elle n'est pas capable de l'endurcir mais elle se promet d'être comme son ombre durant un petit temps. Et pour l'instant présent, elle se contente de déroger à sa règle principale et vient se blottir contre son poitrail en mode petite chose trop mignonne. Parce que c'est ce qu'elle est, à vrai dire. Il ne résistera pas, c'est certain. Qui pourrait ?
- Elle aimait bien la Lune. Elle m'a dit qu'elle veillera toujours sur moi. Et que la nuit elle guidera mes pas. Toi tu as la couleur de la Lune, rétorque-t-elle en s'écartant enfin de lui, un sourire aux lèvres.

Dans mon cœur, pense Pandia au moment même où les naseaux de l'étalon glissent sur son poitrail. Dans le cœur des autres aussi. De ceux qui l'ont aimée un jour, peu importe la façon. Pour l'instant, la brunette n'a pas eu l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes qui connaissaient sa mère mais elle compte bien y remédier. Cette plage, c'est son premier lieu de recherche, puisqu'elle aurait dû rejoindre le clan qui vivait dans la une grotte nichée au pied de la falaise brumeuse. Son attention revient sur le grand mâle gris. Elle l'inspecte rapidement avant de pencher sa tête sur le côté.
- Tu n'es pas sale pourtant, répond-elle, n'ayant pas compris sa petite blague.
Elle s'écarte ensuite de quelques pas, balade un peu de sable tout autour d'elle puis revient vers l'étalon avant de repartir pour sauter dans les vaguelettes qui arrivent vers eux. Elle se fige uniquement lorsqu'il reprend la parole. Son regard dépareillé s'est légèrement humidifié.
- Moi aussi j'aurai bien aimé, lui avoue-t-elle en posant son regard sur la falaise.