The wild side ▬ H

C'est vrai, elle est un poil déçue de le voir si calme. Elle aurait bien aimé qu'il réagisse avec plus d'intensité. Mais qu'importe à vrai dire. Pour elle, ce n'est même pas un vrai baiser. Ils oublieront bien vite. Hirondelle n'en saisit même pas le sens. Ni même la symbolique.
- Je trouvais ça plus sympa que d'essayer de te noyer une énième fois, rigole-t-elle à son tour en laissant retomber sa tête au sol.

Le regard d'Hirondelle dérive lentement vers le ciel bleu lorsque Gaara se redresse enfin. Il était pas trop tôt. Un peu plus et elle allait finir par s'incruster dans le sol. De son côté, elle est bien au sol. Dos contre la pierre chauffée par le soleil.
- Yep. J'veux devenir guerrière, répond-elle en glissant de nouveau son regard dépareillé sur l'alezan.
D'ailleurs la vue est amusante. Il a vraiment une sale tête vu d'en bas.

Confortablement installée, Hirondelle observe les nuages qui défilent dans le ciel jusqu'à ce que Gaara l'aide à se relever. Ça, elle ne s'y attendait pas vraiment. Sagement, elle le laisse pourtant faire. Après tout... Ce serait bien malpoli de sa part de refuser une telle offre.
- C'est pour cette raison qu'il faut redoubler d'efforts, rétorque-t-elle en étirant ses muscles déjà douloureux.
La prochaine fois, elle sera meilleure. Parce qu'elle sera mieux entraînée.
- Tu veux qu'on aille voir un peu plus loin ? Demande-t-elle finalement.
De toutes manières, avec ou sans lui, elle compte visiter un peu avant de rentrer sur l'île.

Hirondelle se sent complètement relax. C'est assez rare. D'habitude, elle est plutôt du genre survoltée. Mais là, elle est épuisée et elle le ressent dans chacun de ses muscles. Même son pas, habituellement actif, manque d'énergie. Finalement son exploration sera certainement de courte durée. L'envie d'aller se rouler en boule dans son nid de mousse se fait de plus en plus forte.
- Non. Comme je t'ai dis... J'étais partie avec ma famille. Je connais pas beaucoup de terres du coup. Et pas grand monde non plus, répond-elle.
Mais à vrai dire, pour le fait de ne pas connaître beaucoup de monde, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Elle n'a besoin de personne pour exister.
- J'imagine que toi c'est tout le contraire.
Il avait certainement tissé des liens avec les autres gosses de leur âge. Et à vrai dire... Elle s'en fichait royalement.

Son regard dépareillé glisse sur lui. Quelques secondes, pas plus. Sa réflexion est intéressante. Sans le savoir, il lui dit ce qu'elle veut entendre. C'est parfait si ça ne semble pas la rendre triste. Parce que ça a pourtant été le cas. Comme quoi, ses petits cours avec son père ont l'air de bien fonctionner. Silencieuse, Hirondelle continue de marcher. De temps en temps, son regard revient sur lui. Toujours brièvement. Un léger sourire, très furtif, apparaît au coin de ses lèvres. Pas assez longtemps pour qu'il le remarque. C'est à peine si elle en a elle-même conscience.
- A quoi bon pleurer le passé ? Se contente-t-elle de répondre.
Elle n'a pas envie de le faire. Elle n'y voit aucun intérêt. Le passé c'est une chose ; le présent c'en est une autre. Et le passé est destructeur.
- J'avais oublié que tu étais un petit sauvageon, le taquine-t-elle en laissant enfin un sourire prendre place sur ses lèvres chocolatées.

Avec le temps, Hirondelle avait fait le deuil de plusieurs relations. Celle qui relie une fille à sa mère. Celle qui relie un ami d'enfance à un autre. Son enfance n'a pas été spécialement enrichissante d'un point de vue relationnel. Et si ça l'avait chagrinée au départ, ça ne lui faisait presque plus rien aujourd'hui. Elle avait appris à se construire seule. Et finalement, elle se sentait bien entourée. Aimée. Spéciale. Grâce à Foudre et Faucon, principalement. Mais aussi grâce à d'autres, bien plus discrets dans sa vie. De nouveau, un sourire s'inscrit sur ses lèvres lorsqu'il répond. Elle l'observe attentivement. Il aurait pu être un bon ami. Quelqu'un a qui elle aurait accordé sa confiance, pleine et entière. Si les choses avaient été autrement. S'ils avaient eu la chance d'évoluer dans le même monde.
- En tous cas tu n'es pas le pro des relations sociales, le taquine-t-elle gentiment.
Et pourtant, elle était bien mal placée pour le juger là-dessus.

Et pourtant, dans la bouche d'Hirondelle, cette remarque n'a rien de péjoratif. Ce n'est ni un reproche, ni une insulte. Loin de là. Et ce franc-parlé la caractérise. Elle a toujours dit ce qu'elle pensait à voix haute et elle le fera toujours.
- Pas encore, se contente-t-elle de répondre avec sérieux.
Elle est encore en apprentissage. Un jour, elle saura agir convenablement avec les autres. Pour le moment, elle se contente d'expérimenter et d'observer les autres.
Son regard glisse jusqu'à l'horizon. La lumière faiblit déjà. Signe que la soirée approche. Il ne faut pas qu'elle s'attarde ici au risque d'éveiller les soupçons de son père concernant ses petites explorations interdites.
- Tu auras peut-être la chance de le constater la prochaine fois qu'on se verra, souffle-t-elle finalement avant de lui tourner le dos et de s'éloigner de quelques pas.
- A la prochaine, Ga-a-ra, rajoute-t-elle avant de prendre le galop.
Elle rentre chez elle. Sur l'île.

( Out )