The wild side ▬ H

D'un pas mesuré, la yearling découvre le sommet embrumé. A chaque nouveau pas, elle s'étonne presque de ne jamais être venue jusqu'ici. Est-ce la présence toute proche des loups qui la freinait jusqu'alors dans la découverte de cette étrange forêt brumeuse ? Certainement pas. Delly n'est pas de ceux qui s'inquiètent pour un rien. Certains verront dans ce style de comportement un signe de courage voir même de bravoure. Certains autres la qualifieront d'imprudente. Mais qu'importe. Elle se fiche des avis des autres.

Une légère brume entourait les hauteurs du massif. Il arrivait que l'adolescent s'y perde, profitant de l'aura mystérieuse des lieux. Il appréciait le climat qui demeurait tempéré dans cette région. En dehors de celle du désert, il n'appréciait pas tant que ça la chaleur humide des autres régions de Luanera, même s'il s'en accommodait en temps normal. Calme, pensif, il errait parmi les volutes impalpables.

Plus elle s'enfonce vers le cœur de la forêt et plus la brume se densifie, l'obligeant à se fier davantage à son ouïe et moins à sa vue. Ce changement la perturbe légèrement ; elle n'a pas l'habitude d'être ainsi aveuglée. Hirondelle s'empêche de se perdre dans ses pensées comme elle a tendance à le faire d'habitude ; tant qu'elle est perdue dans ce territoire brumeux, il faut qu'elle soit prudente et concentrée. Delly finit par s'arrêter, un poil brusquement. Elle est certaine d'avoir vu une ombre glisser au loin, entre les arbres. Elle s'élance, toutes bonnes résolutions déjà oubliées, et sans même savoir de qui il s'agit, elle le percute avec violence.
- Si j'étais un tigre, tu serais mort, déclare-t-elle en se redressant, assez fière d'elle pour le coup.
Elle sera une bonne guerrière, lorsque le moment sera venu. C'est certain.

L'adolescent parvint à encaisser avec surprise cette bousculade, reprenant assez rapidement ses esprits, même si son cœur battait encore rapidement. « Peut-être. » fit-il après quelques instants, observant la nouvelle venue, une sorte de défiance dans le regard. Il était relativement rare de réellement surprendre Gaara, lui qui était d'un calme olympien la plupart du temps. « Mais ça n'a pas l'air d'être le cas, puisque je suis toujours en vie. » ajouta-t-il simplement, un peu cynique sans le vouloir vraiment, en observant la fille de son âge.

Un sourire éclaire brièvement son doux visage. Son visage encore enfantin. Ses prunelles luisent pourtant d'un tout autre éclat. D'une flamme ardente qui trahit sans peine son caractère volcanique. Peut-être. Non. Sûr et certain. Hirondelle ne transige pas sur ce genre de discussion. Son œil brun semble toujours se consumer sous les flammes de la provocation tandis que son œil bleu reste sans éclat, aussi froid que les glaciers. Regard tantôt enchantant, tantôt dérangeant. Toujours incroyablement étrange en revanche.
- Ça n'a pas l'air, réplique-t-elle en reprenant ses mots, tout en plantant son regard acéré sur lui.
Pourtant, peut-être qu'elle aurait pu le tuer aujourd'hui. Peut-être qu'elle aurait pu se sentir tigresse tout autant qu'elle se sentait jument. Peut-être que c'est dans ses gènes. Après tout... N'a-t-elle pas deux meurtriers comme géniteurs ? Et que dire de sa grand-mère paternelle... La sorcière ?

Il n'était pas certain de comprendre où elle venait en venir. L'adolescent était concentré sur son visage, reconnaissant rapidement ce regard qui ne lui avait jamais paru aussi bancal qu'en ces instants. Il n'aurait jamais oublié des yeux comme ceux-ci, se retrouvant bien des mois en arrière au lac thermal, son repaire. Il avait l'impression de voir des auras différentes s'entrechoquer en elle, cela ne fragilisant pas son image pour autant. Préférant s'attirer le silence plutôt que les foudres, il se tut, sans outrepasser les iris vairons de Pandia.

Contrairement à lui et malgré le fait qu'elle le dévisage maintenant depuis quelques minutes, Hirondelle n'a pas encore réalisé que l'adolescent qui se tient devant elle n'est autre que Gaara. Est-ce que le souvenir de leur rencontre au lac thermal est trop ancienne pour qu'elle s'en souvienne assez bien ? En tous cas, elle a bien vu qu'il s'est passé quelque chose dans son regard brun ; elle a saisit au vol cette drôle d'étincelle qui est brièvement passée dans son regard. Comme s'il avait trouvé la réponse d'une énigme. Son nom lui revient brusquement. Voilà pourquoi cet air de déjà vu.
- Tu as avalé ta langue Ga-a-ra ? Le provoque-t-elle, la voix mielleuse.

Comme taillées dans l'acier, ses iris aux reflets divers ne quittent pas celles de sa vieille connaissance, sans savoir réellement quel comportement adopter. « Non. » répondit-il avec pragmatisme, d'un ton naturellement froid, sans même pouvoir se douter que ses intonations pouvaient parfois être mal prises. « Je me demandais juste si tu attendais quelque chose de moi. » étant donné ton attitude. Il avait l'impression d'avoir loupé une occasion, une information, un détail.

Il semble ne pas savoir sur quel pied danser. Delly, elle, sait. Elle n'a jamais eu beaucoup d'hésitation face aux autres. Sauf peut-être lorsqu'elle n'était qu'une gosse. Elle en est toujours une, plus ou moins d'ailleurs. Bien qu'elle a toujours eu cette volonté d'être grande avant l'heure. C'est sans doute la raison de son comportement si mature alors qu'elle n'est qu'une jeune adolescente. Elle est pourtant bien plus proche du monde de l'enfance que du monde des adultes.
- Je crois que non. Que pourrais-je attendre de toi ? Répond-elle sur un ton tout aussi froid.
Que pourrait-il m'offrir ? Se demande-t-elle. Elle ignore et dénigre les possibilités. Il n'est pas un nayati. Il n'est pas son ami. Alors qu'est-ce qu'il est ? Et s'il n'était que lui ? Et s'il était plus ?

Il ne s'offusqua pas, se disant même qu'au final, c'était une bonne question. Qu'avait-il à offrir ? Pourquoi était-il né, pourquoi vivait-il encore ? Quel était son rôle ? « Rien. » répondit-il, d'un marbre froid, glacé. « Je crois. » Il ne pouvait être sûr de rien, après tout. Ce n'était pas par égo, mais Gaara tourna les talons. S'il n'avait rien à lui apporter, que faisait-il encore ici ?

La réponse ne tarde pas à tomber, telle une sentence ; Rien. Elle s'y attendait et pourtant cette réponse la dérange. Non pas qu'elle désirait la réponse inverse mais plutôt qu'elle est déçue par tant de simplicité. En plus de ça, il tourne les talons. C'est assez pour piquer Hirondelle même si elle ne le laisse pas paraître. Une partie d'elle se fiche de le voir partir mais une autre voudrait le voir rester. L'éternel combat du feu et de la glace. Son éternel combat intérieur.
- Si tu pars, on ne saura jamais, lance-t-elle finalement, sans défaire son regard de sa silhouette.
Il a pourtant le choix. Partir ou rester. Et peut-être bien que le choix le plus judicieux, c'est de poursuivre dans son choix initial. Parce qu'il ne pourra pas lui tourner les talons une seconde fois.

Il fit plusieurs pas, des pas qui semblaient le conforter dans sa décision de s'éclipser. Pandia, elle, dit quelque chose à laquelle il ne s'attendait pas vraiment. Finalement, voulait-elle le voir rester ? Malgré le temps, Gaara ne comprenait pas toute la complexité des réactions d'autrui. Même s'il était lui-même un maillage complexe de tissus émotionnels, de questions sans réponses, de réponses sans questions. « Alors viens. » fit-il en jetant un regard par-dessus son épaule, croisant furtivement son regard. Cette fois-ci, c'était à elle de prendre la décision.

Il s'éloigne, sans un mot. Hirondelle est prête à le laisser partir ; elle n'est pas de ceux qui ressentent le besoin d'être accompagné. Toujours statique, l'adolescente n'a pas quitté du regard l'alezan. Il s'est enfin arrêté, comme s'il ne voulait pas réellement partir. Alors viens. Son ton est toujours aussi froid et pourtant ses mots la caressent. Cette fois ci, c'est à elle de prendre une décision. Et contre toute attente, elle le rejoint, sans pour autant le coller. Elle n'a pas l'habitude des contacts sociaux et encore moins de sympathiser avec des personnes étrangères à sa famille ou à la tribu.

Les contacts sociaux, autant dire que Gaara n'était pas un grand habitué non plus. Il avait des connaissances, des personnes qu'il aimait, sans pour autant savoir quelle était sa place dans cette société. Même s'il le lui avait suggéré, il se demanda ce qui l'avait poussée à le suivre, soudainement. L'aurait-elle fait sans qu'il ne l'évoque ? « Est-ce que tu t'es habituée au lac thermal depuis le temps ? » tenta-t-il d'une voix qu'il voulait plus amicale.

L'aurait-elle suivit ? Peut-être. Parce que Gaara a cette part de mystère qui intrigue Hirondelle. Sans parler de son comportement particulier ; froid et entier, un peu à l'image de celui de son père. Petit à petit, elle se fait moins distante. Elle se sent plus à l'aise.
- Je n'ai pas eu l'occasion de réessayer. Mes parents ont décidé de s'éloigner un peu d'ici, ça ne fait pas tres longtemps que je suis de retour, avoue-t-elle.
Voila la raison pour laquelle ils ne se sont pas recroisés également.

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