Et s'en vont...

La louve noire arpente le rivage du lac. Le climat est tellement aride ces derniers jours que la plupart des cours d'eau sont à sec. La jument s'approche de l'étang et constate avec dégoût qu'il n'est qu'un mélange de boue et de glaise. Ecoeurée, la jument fouaille de la queue pour éloigner les mouches et continue son expédition à la recherche d'un point d'eau potable.

Foudre n'a pas de temps à perdre à surveiller les environs. Ici la prédateur, c'est elle. En tout cas, elle se considère comme tel. Après de longues allées et venues infructueuses, la jument décide de rebrousser chemin. Ses iris sombre repèrent immédiatement une silhouette brune sur la rive. Ses yeux étudient rapidement : Une carrure large, une large liste blanche, ce ne peut être que Faucon. Elle dresse l'oreille, cela fait longtemps qu'elle ne l'a pas vu. Il lui avait dit qu'il partait quelques temps avec Boréale et les petites. Que faisait-il là ? Depuis combien de temps était-il revenu ? Et surtout, pourquoi n'était-il pas revenu le voir dès son retour ?!   Foudre se dirige tout droit vers lui, oreilles en arrière, avec sa mauvaise humeur habituelle. Elle compte bien lui tirer les oreilles. Durant les quelques foulées qui les séparent, sa colère se dissipe et la joie des retrouvailles prend le dessus. Elle sait qu'il n'est pas là par hasard, Faucon n'est pas du genre à se coucher près d'un bourbier. Elle le connait assez pour connaitre sa manière d'agir. Il est resté volontairement à découvert pour qu'elle l'a voit. Il est venu pour elle. Foudre se plante face a lui, tout dans son attitude montre qu'elle est courroucée. Dans sa tête c'est la tempête : Lui pardonner ou s'énerver pour la forme ? Dur dilemme. Au final, elle se retrouve devant lui, sans savoir quoi dire. Elle lui assène la seule chose qui lui passe par la tête. " J'ai soif.   " d'une voix accusatrice comme si c'était de la faute de l'étalon.

Foudre ne peut rester de marbre face à ce grand sourire provocateur. Un vrai chameur ce Faucon. La noiraude lui pardonne, mais ne peut s'empêcher de lui mâchouiller l'oreille par sympathie. Un peu plus fort que d'ordinaire. Histoire de lui faire payer son absence. " C'était bien les vacances ? La plage ? Les bananiers ? " Elle se recule un instant pour le considérer tout entier. " T'as pas beaucoup bronzé. " constate t elle en faisant la grimace. Elle entreprends de lui lécher le front, en bavant abondamment.  

Foudre renâcle bruyamment. " Tu ne sera jamais aussi bronzé que moi " fanfaronne t elle d'une voix mesquine. Lorsqu'il s'échappe de son emprise, la jument baisse les oreilles, comme un enfant à qui on retire son jouet. Mais sa question impromptue lui dissipe sa bouderie. " Oui. Il faut que je te parle de quelque chose. " dit elle d'une voix grave en se reculant pour le considérer tout entier. L'espionne inspire à fond comme pour rassembler ses idées. " En faisant mes rondes, j'ai senti l'odeur d'un prédateur. " lâche t elle de but en blanc. " Pour l'instant, je ne l'ai repéré qu'au massif de velours et au lac des vents. Il ne s'est pas approché de l'île, mais ça pourrait arriver. " La jument s'ébroue légèrement et gratte le sol avec frustration. " Ce qui est étrange, c'est que je n'ai pas trouvé d'empreintes. Chaque bribe d'odeur ne corresponds qu'à des sabots de chevaux. C'est étrange... " Existait-il un prédateur à sabots ?

Foudre relève un sourcil dubitatif. Comment Faucon pourrait-il faire plus de gardes que ce qu'il fait déjà ? Il passe déjà ses journées à patrouiller. Cependant la noiraude ne relève pas, par respect pour son nouveau chef et ami. " Envoies moi espionner les terres de l'Ouest, je veux découvrir quelles sont ces étranges créatures. " implore t elle. Pour une fois qu'il y avait du grabuge, Foudre allait enfin mettre ses talents d'espionne à profil.

Foudre hoche la tête positivement. Même si la noiraude aime garder son indépendance, elle reste loyale avant tout. Si Faucon avait préféré l'envoyer sur une autre mission, elle se serait exécuté, avec plus ou moins de docilité en fonction de ses humeurs. " Mais il y a un autre problème..." ronfle t elle en soupirant. " Hirondelle. Si elle sait que je vais espionner sur les terres de l'Ouest, elle me suivra c'est certain. Je ne veux pas qu'elle se mette en danger en tentant de me retrouver. " La louve noire se mord la lèvre supérieur, elle est bien embêtée.  

Les oreilles de Foudre se rabattent devant le ton hostile de l'étalon, mais elle ne réplique pas. Elle sait que cette colère n'est pas dirigé contre elle, c'est juste sa manière à lui d'évacuer son anxiété. " Evidemment que je ne vais pas aller lui dire ! " s'offusque t elle avec désinvolture. Il l'a prenait vraiment pour une débile. La jument vient se planter aux cotés de Faucon, face au lac. " Nous ne savons pas ce que veulent ces humains. " reprend t elle d'une voix plus posée. " J'espère qu'elle ne s'attirera pas d'ennuis. " Foudre laisse échapper un soupir résigné. Même si Hirondelle n'est pas sa propre fille, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour elle.  

Foudre affronte le regarde de braise de Faucon sans ciller. Même quand il la toise avec dureté, il n'arrive pas à l'impressionner. " Je ne laisserais personne l'enlever. " tonne t elle d'une voix sombre. Comme pour faire taire ses propres inquiétudes. " Mais si jamais ça devait arriver. Je veux que tu me promette de participer à la mission de libération. " ordonne t elle à son tour sans se démonter. Il a beau être son chef, il est avant tout son ami. Ce qui lui laisse un certain privilège. Celui de lui imposer son avis sans craindre les conséquences. " L'île a toujours été un lieu caché. Rares sont ceux qui connaissent le passage secret qui y mène. Il suffit d'être sans-cesse aux aguets, afin de ne pas ramener l'ennemi chez nous involontairement. "