ghost adventure

Aby s'était faufilée en toute discrétion. Elle avait déjà fait le tour et les moindres recoins de la grotte abritant le nid des Nayatis, elle avait besoin d'explorer autre chose, de découvrir le monde extérieur, ses beautés et ses dangers. Elle profita que Nébuleuse somnole et qu'Océan soit distrait pour échapper à sa surveillance avant de disparaitre dans les sous bois jouxtant la taverne.

Elle déambule sur des sentiers qui n'existent pas, qui ne semblent attendre qu'elle, par leur étroitesse et petitesse. Elle croise toute sorte de vie, de l'insecte au petit mammifère, en passant du rongeur au petit carnivore. Etrangement, elle a la sensation de ne rien craindre. Elle est en communion avec eux tous, comme s'ils veillaient tous les uns sur les autres, faisant partis de la même famille, faisant partis de l'Île.
Ses pas finissent par la guider sur un chemin plus large, découvert, même les arbres et les buissons s'en sont écartés. Abysse reste immobile, les oreilles légèrement basculer par l'arrière, appréhendant comme elle le peut cette sensation d'immensité et de vulnérabilité qui la dérange.

Elle entend des pas rapides et … Furieux ? S'approcher. Elle ne bouge cependant pas. S'il s'agit d'un prédateur, elle ne fera qu'exciter son intérêt et sa soif de sang si elle prend la fuite. Alors les oreilles toujours basculées vers l'arrière, elle continue d'observer autour d'elle, les oreilles pivotantes dans toutes les directions. Elle tient le contrôle de son souffle, prend de grandes inspirations calmes. Elle sursaute néanmoins légèrement lorsque son père surgit brusquement à côté d'elle, sévère de sa voix à ses yeux. Abysse a soif d'apprendre, de découvrir, autant le monde qu'elle même. De bien des manières, pas toujours les bonnes. En désobéissant, elle ne peut que s'attendre à s'attirer les foudres de son père, mais elle est persuadée qu'en restant cloitrée à la taverne, elle n'apprendra pas grand chose, alors que l'appel est là, hurlant en elle. L'enfant pince légèrement les lèvres en affichant une mine désolée mais elle ne se dérobe pas, affronte le courroux du grand mâle brun. Elle comprend sa réaction, c'est pourquoi elle ne cherche pas à le mettre d'avantage en colère en le confrontant, mais son absence de revendications ne signifie pas qu'elle ne recommencera pas.

Pas de gestes tendres, pas de gestes doux, pas de gestes complices. Mais il l'invite néanmoins à aller se balader ensemble. Ces moments sont rares, et elle les apprécie, alors elle ne se fait pas prier. Aby s'empresse de le rejoindre, trottinant jusqu'à arriver à la hauteur de sa puissante épaule, dont les traces de cette terrible nuit jonchent encore sa peau. Aby évite de regarder les plaies et les cicatrices, alors elle pose les yeux droit devant elle. Là aussi, les arbres et les buissons ont laissé place au chemin qu'ils suivent. Pourquoi la nature cède sa place au sentier ?

Nous ? Donc, à cause d'elle aussi ? Aby ne comprend pas le sens large du terme, elle se sent directement concernée ce qui la laisse perplexe. Elle porte alors sur les arbres, les cailloux, les buissons, sur la nature globale qui les entourre, un regard contri et désolé. Son père reprend la parole, ce qui lui fait instinctivement lever le visage vers le sien. Ses yeux sombres se heurtent sur son œil opaque et alors elle n'écoute plus qu'à moitié ce qu'il lui dit, bien que cela l'intéressait. Cet œil, il fait naître en elle bien des interrogations. Elle a cru comprendre qu'il était mort, alors, peut il voir les fantômes et les esprits avec ? Peut-il voir Maman ? Cet œil ne l'effraie pas, ne la rebute pas, elle le trouve plutôt fascinant. Aby parvient néanmoins à se reconcentrer lorsqu'il lui désigne le chemin face à eux. Elle obéit, repose ses iris noires dessus. Marcher sur plus faible que nous, jusqu'à l'anéantir. Il n'y a qu'une règle dans l'existence, malgré ce que l'on en dise. La loi du plus fort. Ces mots résonnent en boucle dans sa tête. Abysse n'en connait pas tous leur sens mais ils pèsent si lourds sur sa poitrine, tout son être lui crie déjà à son jeune âge qu'elle est en désaccord avec ça, qu'elle ne veut pas être comme ça. Mais elle ne comprend pas pourquoi. Cela viendra avec le temps. Elle se contente alors de répondre un bref et rauque : D'accord Papa … Ils marchent le long de se sentier en silence quelques instants, chaque foulée la fait se rendre un peu plus coupable de s'y balader. Le ciel finit par faire une apparition entre les branchages, et elle en profite pour penser à autre chose. Resteras tu ce soir pour regarder les étoiles avec moi ? Resteras tu avec moi ce soir pour parler à Maman ?

Aby se laisse aller à abaisser les barrières du contrôle de ses émotions et fait ainsi naitre un large sourire sur ses lèvres ébènes. Elle est heureuse d'avoir son père rien que pour elle un peu plus longtemps aujourd'hui. C'était rare. C'était même la première fois. Elle ferait en sorte d'être sage pour ne pas qu'il revienne sur sa décision. Elle était jeune mais pas stupide, elle l'en savait capable.
Abysse observe la clarière dans laquelle il pénètre avec un regard curieux et admiratif. Même si elle est avide d'explorer au delà de l'Île, elle se rend compte qu'elle est loin de l'avoir exploré en entier et qu'elle a encore bien des secrets qu'elle se doit de découvrir. Elle tressaille mais ne sursaute pas au contact de la caresse timide de son père, elle n'ose pas lever un regard surpris vers lui, se contente de savourer l'instant, risquant même à appuyer un peu plus le contact. Non. Répond t-elle finalement, se décidant enfin à lever ses yeux sombres vers lui, avides d'apprentissage.

Abysse émet un petit Oh .. surpris, s'attendant à ce qu'il lui révèle tout de suite le mystère du nom de la forêt. Cela fait naître plusieurs choses en elle, des émotions qu'elle ne connait pas très bien encore. De la frustration. De l'excitation. Alors elle ne tire de cette attente que du bon et se met à suivre son père avec entrain, la queue en panache, commençant à trottiner gaiement à ses côtés. Dans l'ivresse du moment, elle se laisse même aller à revenir de manière espiègle vers lui et lui toucher rapidement l'épaule avant de décamper au galop. C'est toi l'chaaat ! Et elle déguerpit, sans se dire cette fois qu'il pourrait ne pas la suivre, oubliant le fossé qui pouvait exister entre eux.

Abysse sort de la clarière à ce qu'elle pense être vive allure mais c'est simplement un galop d'enfant enthousiasmé. Elle virevolte, zigzague, mais elle ne connait pas encore assez bien la forêt. Elle manque de trébucher, une fois, puis deux, se rattrape de justesse. Mais cela lui importe peu, de tomber. Elle se sent heureuse, c'est tout ce qui compte en cet instant. Si bien qu'elle en oublie de se concentrer sur ses sens, elle en oublie pleins de choses, savoure simplement ce moment de jeu inespéré avec son père. Et elle finit par se laisser surprendre, rattraper, sursaute lorsqu'il la touche, la faisant devenir chat à son tour. Mais elle rit, elle espère une seconde un échange de regard complice, mais son père détale rapidement. Cela n'entache pas sa joie et elle se lance à sa poursuite. Une nouvelle fois, trop euphorique, elle se laisse emporter par ses émotions et ne se concentre pas assez, et au bout de quelques minutes, elle finit par ralentir et même s'immobiliser. Elle n'entend plus son père, tout est calme autour d'elle, trop calme. Sa respiration est a
haletante d'avoir tant couru mais peu à peu, elle se fait inquiète. Abysse pose son regard sombre un peu partout autour d'elle, essaie d'écouter, de sentir... Mais rien. Papa ? Appelle t-elle. Rien. PAPA ? Appelle t-elle alors plus fort. Ses oreilles tombent sur le côté, penaude. Est-elle perdue ? Les arbres qui l'entourrent lui semblent si grands soudainement.

Aby sursaute lorsque la voix de son père se met à raisonner partout autour d'elle. Elle a l'impression qu'il est partout et pourtant, elle ne le voit nul part. Sa petite poitrine se soulève à de rapides intervalles, angoissée, mais elle finit par obtempérer et ferme les yeux. Déjà, elle se concentre pour reprendre le contrôle d'elle même. Elle y parvient assez rapidement, c'est un exercice qu'elle fait souvent, se laissant souvent entrainer par ses vives et fortes émotions.
Abysse se concentre ensuite sur tout le reste et s'efforce de faire le tri. D'abord l'ouïe. Elle entend le vent, le bruissement des feuilles, les branches qui craquent. Encore, plus approfondir. Elle fouille, cherche, fronce les sourcils tant elle se concentre. Enfin, elle capte le bruit fugace d'une respiration, elle pivote son oreille dans la direction mais cela reste encore confus. Alors vint l'odorat. Toujours yeux fermés, elle pivote la tête dans la direction qu'avait prise son oreille. Aby dilate ses petits naseaux et finit par les froncer lorsque tout un lot d'odeur y afflue. Elle en éternue même. L'exercice est plus difficile. Le tri est plus long, cela lui demande d'avantages d'efforts et de travail. Enfin son petit corps bicolore se met en mouvement vers une direction, mais lorsqu'elle rouvre les yeux avec un sourire, son père ne se trouve pas là. Elle a échoué... Son sourire s'efface, un voile de tristesse apparaît dans son regard sombre. Durant quelques secondes à peine. Aby frappe le sol de son petit sabot et ferme de nouveau les yeux, l'air plus déterminée que jamais. Elle reprend tout depuis le début, et cette fois, lorsqu'elle rouvre de nouveau les yeux, elle fait face à son père. Mais aucun sourire n'orne ses lèvres, elle attend son jugement.

Sans doute c'était-elle préparée à tout les mots sauf ceux là. Elle reste quelques secondes surprise, choquée même, observant son père avec de grands yeux ronds. Elle se répète les mots dans sa tête, plusieurs fois, pour être sure de ne pas les avoir rêvé. Une fois qu'elle en est certaine, un large sourire se dessine sur son visage enfantin, Aby fait même un petit bond de joie, la queue en panache, puis elle se dandine sur place, toute fière. La joie redescend d'un brusque pallier quand son père appelle cet instant passé exercice. Au fond d'elle, elle sait qu'il a raison, et c'est bien aussi qu'il l'entraine, mais à la base, n'étaient-ils pas entrain .. de jouer ? Elle secoue la tête pour ne pas laisser le temps à la déception de s'installer, elle devait apprendre à se contenter du peu que son père lui offrait car c'était au final déjà beaucoup. C'était trop cool ! Un peu dur mais trop cool ! Je veux être en osmose avec mes sens et la nature, comme toi Elle se risque à venir lover son visage contre son fort poitrail, avant de lever timidement les yeux vers son visage. Là elle aperçoit que le jour commence à décliner, là haut dans le ciel. Papa, les étoiles vont bientôt s'allumer.