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 Chroniques d'un cheval errant

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Redjim
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Chroniques d'un cheval errant Icon_minitimeJeu 22 Juin 2023 - 23:35


Le Vent et le Silence


Alghufran ! Laisse ta soeur tranq... Alghu !!
La fillette laisse filer l’oreille de Charlie d’entre ses dents et tire la langue à son père comme si elle pouvait en sortir des éclairs. Sa soeur gronde d’un air affligé et agite son oreille baveuse. Le temps que Redjim s’approche, sa palomino de fille s’enfuit de sa démarche claudiquante.
Laisse papa, dit Charlie en levant les yeux au ciel, prenant un air mature. Elle n’ira pas loin, de toutes façons.

Non, ce n’est pas ça. Ce n’est pas ce qu’elle a dit.

Laisse, papa. Pour une fois qu’elle avait le dessus.
Il avait sourit malgré lui à l’affront de sa dernière-née. Alghufran est sortie la première, mais c’est Charlie qui prend le rôle d’aînée.
Qu’est-ce que c’était, cette fois ?
- Elle m’a appelée Tulipe. Elle l’a fait exprès juste pour m’embêter. Alors moi je lui ai dit que si elle tenait à s’appeler Algue-qui-pue, on pouvait s’arranger. Mais c’était bien mérité, non ?

Plutôt que de la réprimander sur leurs échanges de méchanceté, ce qui n’aurait pas eu grand effet il le savait, il baissa l’encolure pour regarder sa fille à hauteur de ses beaux yeux bleus.
Ce sont les noms de votre clan de naissance. Ils font partie de vous, que vous le vouliez ou non. Algh essaie de lier son identité toute entière, et ça te ferait peut-être du bien d’en faire autant.
- C’est bien pratique pour elle, tu lui as donné un prénom presque pareil. Et puis c’est surtout le clan de notre mère, qui a tenté de nous tuer je te rappelle !

Sortie la première, attaquée la première. Alghufran avait encaissé les coups de Cristal avant que Redjim ne puisse intervenir. Elle en resterait éclopée à vie. Avant qu’il ne puisse répondre, Charlie continua :
Et puis, papa, as-tu déjà entendu parler du concept du deadname ? Je ne consens pas à ce qu’on m’appelle par ce prénom, c’est tout.
Il avait rendu les armes. Alghufran avait rendu les larmes, en réapparaissant peu après. Elles s’étaient réconciliées.

***

Elle n’ira pas loin, de toutes façons.
Redjim s’éveille en sursaut, le coeur battant et les tempes en sueur. L’image de sa fille en sang accompagne ses yeux papillonnant. Ses filles. Mortes. Toutes mortes.
Son cœur éclate en se recroquevillant sur lui-même, et il doit attendre que la douleur laisse de nouveau passer l’air dans sa gorge pour respirer. L’étalon se laisse retomber sur l’herbe, et regarde les nuages de l’aurore défiler mollement. Les souvenirs le survolent, eux aussi, brumeux. Il se laisse happer un instant, refusant de se complaire dans les bons, refusant de s’abîmer dans les mauvais. Il ne fait plus bien le tri.

Elles n’étaient pas allées loin.
J’irai loin, moi. Pour elles.
Il se relève. Et sa marche peut reprendre.

***

Ahanant, il se hisse par-delà la marche de pierre et sur la crête. La vue s’offre à lui, et le vent s’engouffre soudain dans ses crins. Salutations à toi aussi, le Vent. Il arrive comme un ami, bousculant la touffeur du zénith. Le paysage courre follement jusqu’au lointain ; Red ne pensait pas tomber sur si belle vallée. Depuis le temps qu’il marche, rien ne lui semblait beau. Mais cette vallée, comme toutes les autres, est vide.

Mortes. Toutes mortes. Tous morts. Tout le monde était mort. Sans doute. Sûrement. Pourquoi serait-il seul, sinon ? Il ne serait pas parti seul. Mais il ne pouvait plus rien affirmer avec certitude, depuis que sa mémoire dansait la sarabande. Pour une fois qu’elle avait le dessus. Il avait pris un coup à la tête. Comment savoir alors, comment regretter, comment s’en vouloir, comment espérer, comment désespérer. Une seule image était fixe. Celle qui rajoutait une troisième couleur, carmin, à la robe de Charlie. Une chose que, pour une fois, les deux sœurs avaient partagé à la perfection.

***

Le soleil en fin de course fait gagner les ombres sur le paysage. Elles gagnent toujours, songe l’errant en s’arrêtant un instant. Même si elles m’en voudraient de penser cela. C’est faire affront à leur opiniâtreté. A leur pari quotidien contre le soleil. Car, qui sait ? Un jour, le cycle peut prendre fin. C’était un énorme rocher tombé du ciel. Une météorite. Elle avait caché le soleil, toute la lumière, surtout après l’impact. La poussière. C’est la poussière qui a tout gagné, ce jour-là. Et quand elle est enfin retombée, il n’y avait plus rien à voir. Comment avait-il survécu, lui ?

Sa propre ombre se détache nettement sur le sol. Le cheval s'adresse à elle : Sais-tu comment je sais que je ne suis pas mort ? Si j’étais en enfer, je souffrirais plus que ça. Si j’étais au paradis, je souffrirais moins que ça.
Il garde un instant encore son attention portée sur son ombre, soupesant ses propos. Comme son interlocutrice reste silencieuse, il se donne raison d’un haussement d’épaule et reprend sa marche.

***

Il a fait une halte au bord d’un étang, étanchant sa soif en tête à tête avec le reflet d’une lune imparfaite. Son regard flotte à la surface de l'image que lui renvoie l’eau à peine troublée. Non. C’était un tsunami. Une vague comme jamais nos terres n’en avaient vu. Et tout avait été noyé. Les gens, les terres, l’histoire. Peut-être ? Ç’avait tout aussi bien pu être un tremblement de terre, un incendie, une épidémie. Mais le sang. Ai-je aussi rêvé le sang ?. C’était tout à la fois, et rien. La question ne le tourmente pas, cependant. Qu’importe, puisque tout est fait, et que rien ne peut changer. Est-il plus doux d’imaginer ses filles brûlées, noyées, ou ensevelies vivantes ? Il y avait tellement d’enfants. Peut-on lui en vouloir de ne pas les pleurer ? J’ai trop pleuré pour les miens.
Il boit encore un peu, la gorge aussi sèche que ses yeux.

***

Elles étaient 11. 11 ombres dans la nuit, 11 nuits dans l’ombre, apportant avec elles la fin de toute autre lumière. Silencieuses comme la mort qu’elles prodiguaient, et sourdes surtout, à toute pitié. Il y avait tellement d’enfants. Il en avait connu des deuils, il l’avait connu ce silence, du moins croyait-il le connaître. Mais les ombres assassines ne laissèrent aucun souffle après elles, et sans raison ni pardon s’en allèrent avec le silence lui-même. Ne restait que leur signature carmin.

*

Encore un réveil sans cri et sans bonheur.
Je préfère l’histoire de la météorite, se dit-il. S’il marche, la météorite reviendra, plus belle que les assassinats. Il oubliera, de nouveau, le visage ensanglanté de ses filles. Et de tous les autres.
Mais je crois que j’aime bien cette vallée. L’enfer, c’est de mourir mille morts. Il serait temps d’en sortir, alors, et de ne mourir qu’une fois. L’isabelle se fige, saisi. Au sortir d’un bois, il domine soudain une prairie mouchetées de couleurs. Un champ de tulipes sauvages.

Je ne vous laisserai plus mourir, promet-il. Le Vent, alors, fait bruisser la prairie, et le Silence disparaît.
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