Tête à tête avec un ange.

( Tout d'abord un petit mot : je suis passionnée de lecture. De plus, j'adore écrire. J'écris très souvent, et je change souvent d'histoires. Je vous propose donc une commencée il y a très très peu et dont je n'ai encore écris que le prologue. Je vous posterais la suite à chaque fois quand elle sera écrite. J'aimerais beaucoup connaître vos avis, si vous avez du temps à perdre ou une subite envie de lecture. Merci d'avance à ceux qui liront. ♥ )

Tête à tête avec un ange.

Prologue.

La première fois qu’il s’est manifesté, j’avais huit ans. Je m’en souviens encore, tant cela m’a marqué. Je jouais avec ma sœur, de deux ans ma cadette. Nous étions dehors, dans le grand jardin que notre ancienne maison possédait. Au fond du jardin, il y avait un grillage. Un grillage rouillé et en piteux état. Et ce grillage avait un espace vide, un trou, une faille à la protection qu’il devait nous assurer. Jamais nous n’avions osé nous y faufiler ; les parents nous avaient formellement interdit de passer de l’autre côté. « Jamais, jamais, jamais ! » nous répétaient-ils sans cesse. Oui, on avait bien compris. Mais vous savez, quand on est gamin, ça nous rentre d’un côté et ça nous ressort de l’autre. Néanmoins, cela faisait deux années que nous habitions ici et jamais encore nous avions désobéi. Jusqu’à ce jour-là. Il faisait si beau, le printemps s’était déjà bien installé malgré que le mois d’avril ne soit à peine entamé. L’herbe était belle et douce sous nos pieds nus. Nous avions insistées toutes les deux pour mettre nos belles robes utilisées au mariage de nos parents, quelques semaines plus tôt. Ceux-ci avaient cédé, et nous avaient laissé les porter. Et nous étions-là, en train de jouer, inconscientes. On s’imaginait des histoires irréelles. Nous étions comme deux princesses, nos cheveux blonds tressés, dans nos belles robes d’été, pieds nus dans l’herbe d’émeraude. « Nina, Elena, on mange dans cinq minutes ! » cria une voix qui nous sembla lointaine. Aucune de nous deux n’avait répondu. Nous étions trop prises par nos histoires de princes, de chevaux blancs, et de royaumes flamboyants. Pourtant, quand les parents disparurent dans la cuisine et que nous fûmes seules dehors, nos prunelles d’un bleu magnifique se croisèrent et l’une comme l’autre, avons eu la même idée. Instinctivement, nos pas nous menèrent au grillage. C’était comme un passage secret. De princesses, nous devenions aventurières. C’était interdit. Donc terriblement excitant. En chuchotant quelques paroles angoissées, on parvint à se faufiler entre les mailles rouillées du grillage. Un pan de ma robe s’accrocha et se déchira. Je grimaçai. Maman ne serait pas contente, pas contente du tout. Mais pour le moment, l’heure du retour n’était pas encore là. Même si c’était dans cinq minutes, c’était, pour nous, comme des heures plus tard. Je laissais derrière-moi le morceau de tissu bleu pâle et continuai, à quatre pattes, suivie de ma sœur. Derrière ce grillage, nous découvrions alors une forêt magnifique. C’était la même que celle qui commençait à notre jardin, mais le fait que nous ne l’avions jamais vu, jamais visité encore, faisait de ce lieu un endroit incroyable, presque féerique. Nous reprenions notre aventure. Nos princes, nos chevaux blancs, nos royaumes flamboyants. Grâce à des fleurs blanches, nous nous fabriquâmes des couronnes de fortune. Elles étaient pitoyables, mais quand on a huit ans, elles ressemblaient à de véritables parures en argent serties de diamants. Posées sur nos têtes, elles devenaient le symbole d’une imagination que seules nous étions capables d’avoir. Enfin, peut-être pas. Quelle petite fille n’avait jamais imaginé un autre monde aux portes de sa maison, ou au travers d’un grillage ? Et nous continuions notre exploration. Nos rires se répercutaient contre les troncs gris des arbres, tandis que nous nous étions mises à courir, légères comme le vent. Les cailloux nous entaillaient les pieds, mais nous ne sentions rien ; nous étions pris dans ce jeu enivrant. Rien d’autre ne comptait que ce que nous voyions. Nos yeux pouvaient voir ce qui n’existait pas. Des elfes, des fleurs aussi grandes que des maisons, et le tout, symbole d’une imagination débordante. Nous tombâmes alors sur un arbre au tronc noueux, où les branches basses s’entremêlaient. Un croisement de regard nous suffit de nouveau ; on se comprenait mieux que quiconque, par ce lien qu’unit deux sœurs. Et quelques instants plus tard, nous voilà en haut de cet arbre. Perchées à un mètre cinquante du sol, nous étions comme deux souveraines. Et nous riions, nous prononcions des paroles dans une langue que nous venions d’inventer. Je regardai Eleva, qui, du haut de ses six ans, se dressait alors debout sur le tronc. J’aurais pu lui dire que c’était dangereux, mais j’étais aussi imprudente qu’elle. Je me mis debout et étendit les bras. Le vent souffla. Nous avions l’impression de voler. Nos tresses, mal attachées, se défirent et nos cheveux blonds vinrent se mêler. Nos regards océaniques posés quelque part, sur des collines que nous étions les seules à voir. Nos parents nous avaient toujours dis que nous avions une imagination hors de commun. Une rafale vint souffler dans nos cheveux, et elle nous déséquilibra, l’une comme l’autre. Je me rattrapai de justesse en parvenant à rester debout, sur notre branche. Mais Elena bascula. Un mètre cinquante, plus sa petite hauteur. Une distance qui me paraissait alors déraisonnable, inexistante ! Effarée, je ne voulais pas crier de peur d’alerter les parents – et là, ça serait la punition assurée. En hâte, je descendis de ma branche avec précipitation, manquant de tomber à mon tour. Etrangement, le ciel semblait s’être couvert ; du moins, il ne passait plus entre les feuilles des arbres et il me sembla faire bien sombre dans cette forêt. En regardant autour de moi, je voyais des ombres. C’était mon imagination qui me jouait des tours, même si petite, je le savais. Mais cette forêt, qui avait, m’avait parut si merveilleuse, me donnait l’impression d’être étrangère maintenant. N’y tenant plus, je m’approchai de ma sœur en criant « Elena ! ». Elle ne me répondit pas, et j’eus beau crier son nom plusieurs fois, aucune réponse ne me fut donnée. Je contournai le tronc pour la rejoindre. Au loin, sûrement dans notre jardin, des voix nous appelaient. Mais je ne les entendais pas. Je ne voyais que ma sœur, étendue par terre, comme une princesse morte. Morte. Je me souviens encore comment ce terme m’avait frappé. J’étais à présent à genoux par terre, je la secouais par les épaules pour la réveiller. Mais elle restait inerte. Comme dans les films, je mis ma tête contre sa poitrine. Aucun son ne me parvint. Seulement le silence et l’écho de ma respiration haletante. Je l’ai lâchée, soudain effrayée. Cela devait être un jeu, oui, elle s’amusait ! Une ruse, mais quelle ruse bien montée… Car j’y croyais. « Nina ! Elena ! Où êtes-vous ? ». Maman criait là-bas, mais je ne pus lui répondre. Tandis que je contemplais ma sœur, étendue par terre, le soleil sortit de nouveau. Je levai les yeux. Devant moi se tenait un petit garçon. Ses cheveux étaient d’un blond encore plus clairs que les nôtres, mais ses yeux à lui n’étaient pas bleus. Ils étaient d’un vert magnifique. Brillant, pétillant. Un vert clair comme la couleur des oliviers. Il ne devait guère être plus âgé que moi. Hésitante, je le regardais sans rien dire, partagée entre la curiosité et l’urgence de la situation. Mon regard se porta sur ma sœur, qui ne respirait plus. Les larmes me montèrent aux yeux. C’était comme si c’était moi qui l’avais tué. Près d’elle, sa couronne faite de fleurs blanches à présent froissées, sûrement tombée dans la chute. Je n’avais d’ailleurs plus la mienne sur la tête. Je me souviens que j’avais ensuite regardé l’arbre, sans trop savoir pourquoi. Il était grand, immense, et soudain, me parut inaccessible. Comment avions-nous fait pour y monter ? Quand je tournai la tête vers Elena, le jeune garçon était penché vers elle. Il avait posé sa main sur son cœur. Instinctivement, j’avais posé la mienne sur le mien, comme si cela pouvait l’aider. Comme s’il attendait ce geste, il avait de suite relevé la tête vers moi, me percutant de son regard d’émeraude. Il m’avait fait un clin d’œil, suivit d’un sourire. Puis soudain, Elena s’est mise à tousser. Immédiatement, j’ai couru vers elle. Le garçon s’est relevé et éloigné. Comment avait-il fait ? Je ne comprenais rien. « Elena, tu m’entends ? » lui ai-je alors demandé. Elle ne me répondit pas, et tourna la tête vers le petit garçon. Il commençait à partir, s’est retourné, a posé sa main sur son cœur une nouvelle fois et nous a fait un clin d’œil. Nous nous sommes regardées, et quand nous avons tourné la tête de nouveau dans la direction du garçon, il avait disparu. C’est à ce moment-là que les parents arrivèrent. Elena s’était relevée, et ne semblait rien avoir de grave. Pourtant je n’avais pas rêvé ; elle ne respirait plus. Tandis que nous nous faisions escortées jusqu’au grillage, et sermonnées, nous n’entendions pas les reproches des parents. Nous regardions toutes deux l’endroit où le garçon avait disparu. Aucune de nous deux n’en a jamais reparlé. Mais je n’ai jamais oublié. De même, nous ne sommes jamais repassées derrière ce grillage. Nous y avons laissé nos couronnes de fleurs, le pan de ma robe qui s’était déchiré, et les souvenirs qui y étaient liées. Nous n’avons pas pour autant cessé de jouer. Et dans nos histoires apparaissait souvent un étrange petit garçon qui ne parlait pas. Un petit garçon aux cheveux blonds et aux yeux verts. Un petit garçon qui n’existait pas mais que nous faisions exister, au travers de notre imagination.