cette fois

Couchée en vache, l'encolure tournée comme si elle avait voulu se lover tel un loup, Suenka dormait dans la caverne. Son sommeil était profond, la fatigue pesant sur ses épaules après son -pourtant court- voyage. Elle se trouvait très près de l'entrée, n'ayant pas eu le courage d'aller se tapir plus loin.

Soudain, l'encolure de la jument se dressa, ses oreilles de biche toutes droites, ses yeux pétillants. Comme un chaton, réveillé par l'appel du jeu. Mais ce n'était pas le jeu qui l'avait réveillée, ni l'étalon, qu'elle n'avait pas les moyens de remarquer. D'ailleurs... Était-elle vraiment réveillée ? La femelle restait immobile, figée, tout en débordant de vie. Un contraste dans l'ombre de la grotte, dans l'ombre de la nuit.

La jument sembla rester insensible aux bruits émis par l'étalon, mais peu après, elle sursauta et tomba au sol, si c'était possible vu qu'elle y était déjà. -Ah ! Comme un ressort, elle se leva d'un bond, s'appuyant contre la paroi de pierre pour acquérir son équilibre du réveil. Ses yeux grands ouverts de surprise sondèrent son environnement, avant qu'elle ne se rappelle où elle était. Elle sembla de détendre... Puis sursauta de nouveau en discernant une silhouette sombre, plus loin, tournée vers elle. -Ah ! répéta-t-elle, en se décollant du mur. Droite, elle le fixa, cherchant ses yeux dans l'obscurité.

- ... hello ?
La voix de la femelle, basse, ne reçut aucun écho. Mais même sans attendre de réponse, elle savait qu'il y avait bien quelqu'un, c'est pourquoi elle s'avançait déjà vers l'autre cheval. Pourquoi restait-il immobile ? La regardait-il dormir depuis longtemps ? La brune s'arrêta à bonne distance, et baissa la tête pour observer la grande ombre sous un autre angle. Quasi-immobile -elle n'était même plus sûre d'avoir vu une oreille bouger, l'ombre avait l'allure d'une statue. Une grande statue d'onyx noire. Mais une statue sans fraicheur. Il y avait de la chair, là-dedans. Du sang chaud, alimentant un lot d'organes palpitants, de grands muscles qui se pliaient et se tendaient tous les jours, dont un, le roi, le cœur. Si lui seul flanchait, le royaume entier s'effondrait. Comme pour tout le monde. Un corps bien vivant. Ils ne pouvaient pas être si différents.