# Le couloir des ombres

Le vent agitait les branches tombantes d'une apaisante mélodie. La température restait douce, malgré la nuit. Sheik était seul, et en paix. Une tige vint soudain voler près du nez de l'étalon, jusqu'à le toucher. Il resta immobile. Il y avait quelque chose d'étrange. Là où la feuille l'avait effleuré, une sensation de brulure le prit. Un mal qu'il sentait monter le long de son chanfrein, rapidement, et qui lui coupa le souffle. Ce n'est qu'alors qu'il remarqua que les branches étaient faites de sable. Tandis que la douleur s'étendait dans tout son corps petit à petit, lui mordant le dos et les membres, il vit avec stupeur les branches s'effriter et le sable prendre la forme d'une tornade, qui tournoyait sauvagement en lui griffant le visage. Perdu dans le désert, il vit dans la tempête une silhouette équine danser follement. Les yeux plissés pour les épargner du sable volant, il chercha à mieux voir... Sautant de ci, de là, le cheval n'avait que faire de la pesanteur et semblait jouer avec le vent. Attiré par tant de joie, Sheik s'approcha. Il découvrit alors avec effroi que le cheval avait la chair à vif, et qu'il ne dansait pas le moins du monde, mais se débattait avec sa douleur, sa peur, et contre tout ce sable qui lui avait volé sa peau. Déjà, les muscles se désagrégeaient dans le vent, comme si tout n'était que poussière volatile. Tout était condamné à disparaitre. L'écorché tourna alors la tête vers lui. Ces yeux-là...
~ Sid ! ~

Sheik s'éveilla dans une jungle. Non... Non, ce n'était que les branches du saule, agitées par le vent, qui glissaient partout autour de lui. Il s'était redressé, la bouche ouverte, mais aucun son n'en était sortit. Le souffle court, il sentit l'odeur de sa propre sueur. Un rêve... Rien qu'un mauvais rêve... Il revenait du couloir des ombres.

Sheik se ressaisit rapidement en entendant quelqu'un venir. Il se mit debout, avec un peu de raideur due à son récent état de sommeil, et chercha à s'éloigner. Mais confus, il recula dans le mauvais sens et, à travers les branches, heurta quelque chose ; ou vraisemblablement quelqu'un.

Sheik se tourna rapidement face à l'autre cheval. Une femelle.
~ Il n'y en aura pas ~, répondit-il le souffle court. Avec son air débraillé, il ne devait pas être très convainquant.

~ Je ne pense pas revenir dans le coin ~, ajouta-t-il en regardant l'arbre aux branches qui se balançaient dans le vent, avec une expression de dépit. Puis il retourna son regard sur la brune. ~ Navré pour l'incident. ~ Ce n'était rien d'important, mais elle avait l'air dans un mauvais jour, et peut-être cela aiderait son humeur.

Un peu surprit par sa question, il lui jeta un regard étonné.
~ Heu... non, enfin... Je parlais de cet arbre lugubre. Mais sinon, je n'ai nulle part où aller. Ici ou ailleurs... Ça à l'air assez confortable, dans le coin. Vous connaissez bien ? ~

~ Là où ailleurs, on ne trouve jamais refuge ; à quoi bon partir ? ~ modifia-t-il pour son propre compte. Puis il fit un léger sourire à la jument. Ils n'avaient vraisemblablement pas la même histoire, pas le même point de vue, mais de peu ou de loin le même problème. ~ Vous vous ennuyez ? Pas de... connaissances qui vivent ici ? ~

~ Faites de nouvelles connaissances ~, conseilla-t-il un peu à l'aveuglette, sans conviction, étant lui-même mal placé pour aider les autres.