i don't wanna go to bed ~Hou.

Coeur de Pirate leva la tête vers la toison argentée. De multiples étoiles y brillaient de mille feux, n'égalant aucunement la lumière de la pleine lune de ce soir d'hiver. Une brise glaciale balaya l'endroit : il frissonna. Il avait l'impression de marcher des heures et était toujours aussi perdu - son image de petit nouveau lui collait encore à la peau. Il soupira, trébuchant maladroitement sur on ne sait quoi : ses naseaux frôlèrent quelque chose de dur, fin.
Relevant la tête de surprise, il resta un moment immobile devant le spectacle qui s'offrait à lui : des dizaines de cadavres, aussi énormes qu'un cheval pour certains, jonchaient le sol, à demi enterrés dans la roche. Il frissonna - non pas cette fois-ci de froid, mais de peur. Qu'est ce qu'il avait bien pût arriver à ces pauvres bêtes ?
Un bruit de course effrénée le tira soudainement de ses pensées et il pivota, inquiet.

Il se détendit lorsqu'il put distinguer une odeur équine - une jument. Pourtant l’atmosphère était toujours si inquiétante : le brouillard qui y régnait ne faisait qu'empirer les choses. Coeur de Pirate se remit en route, n'ayant ni l'envie de croiser un équidé, ni celle de croiser un prédateur - ce qu'il redoutait le plus. Ses sens aux aguets, les membres tendus, il se préparait à fuire ou à combattre à tout instant.

Le grand blanc s'arrêta lorsqu'il aperçut une silhouette fine se rapprocher rapidement de lui. Elle s'arrêta subitement, les oreilles en arrières. Lui aussi avait entendu une sorte de grognement et ne tenait vraiment pas à finir en pâté : même si ses sens lui disaient de prendre ses jambes à son coup il resta immobile, curieux, si tendu qu'il suffisait d'un simple bruit pour le faire détaler.
Des crocs luisirent face à la lune : ils disparurent aussitôt dans le brouillard épais de l'endroit. Nerveux, Coeur de Pirate lança un regard inquiet vers l'inconnue.

Il fut gêné du contact avec la jument mais n'en fit rien paraître : il avait d'autres priorités, comme celle d'éviter de se faire dévorer par exemple.
Rapidement plusieurs yeux scintillèrent ; les équidés étaient encerclés par des animaux dont ils ne voyaient même pas la tête.
L'envie de fuir était forte, mais il n'osa faire aucun mouvement brusque. L'odeur de la peur imprégnait l'air. Il se décida à demander, en chuchotant :
« Vous avez un quelconque plan ? »

Coeur de Pirate imita la jument, se cabrant de toute sa hauteur - même s'il savait ce qu'il risquait en exposant la peau fragile de son ventre. Il fit claquer ses dents plusieurs fois près de l'oreille des loups, pendant que la grise poussait des hennissements déchirants.
Plongé dans l'adrénaline du combat, poussé par un instinct de survie intact, il chargea plusieurs fois les bêtes, ignorant leurs morsures qui déchiraient sa peau, qui tachaient le sol de sang. La respiration rapide, il tenta d’assommer quelques bêtes et se tourna vers la jument, cherchant à voir si tout allait bien pour elle.

" VIENS ! "
S'il avait été en situation de se plaindre il aurait surement marmonner 'pas besoin de crier, je suis juste à côté !' mais il n'était pas en situation de se plaindre. S'élançant à la suite de la belle grise, il vira d'un coup d'épaule un loup un peu trop tenace avant de partir dans une course effrénée, martelant le sol de ses sabots. Il jeta un coup d'oeil rapide derrière lui. Les loups ne semblaient pas renoncer facilement ..
Rattrapant la femelle, il lui glissa à l'oreille :
« Bien joué, mais ils semblent tenaces »
Son souffle était rapide, ses fins membres tremblaient tant il était nerveux. Le brouillard était épais et il ne voyait même pas où il posait les sabots. Il priait juste pour ne pas tomber dans un ravin ou dans un cul-de-sac. Il entendait toujours les aboiements des carnivores. Il avisa soudainement que la piste se divisait en deux chemins bien séparés.
« Il serrait mieux de nous séparer non ? »
A vrai dire, il n'attendit pas que la grise acquiesce et s'écarta soudainement vers la droite, peinant à avancer dans la boue du sentier.

L'étalon sentit la jument à ses côtés. Surpris, il se retourna vers elle mais ne dit rien ; le moment était mal choisit et il n'allait pas lui faire la morale - il n'avait aucune autorité à exercer sur elle, après tout. Leurs sabots soulevèrent des gouttes de boue à chaque fois qu'ils martelèrent le sol, si bien que la robe uniforme du Pirate en fut bientôt trempée, le transformant presque en sabino.
Il allongea son encolure, commençant à fatiguer : pourtant, s'il ralentissait, c'est comme s'il donnait la clé de sa maison à la Faucheuse.