✖ Pour être subversif, il faut être subjectif.

Aavie s'était retrouvée par hasard au Jardin Secret. Si elle l'avait décidé, elle n'aurait jamais rejoint cette terre. Les couleurs joviales lui piquent les yeux et l'atmosphère romantique qui ondule dans l'air lui fait éprouver un certain dégoût. Elle essaie de garder son mouvement sur le sentier principal. Elle finira par sortir d'ici. Pour le moment, le jardin s'éternise et elle a l'impression qu'on la tient prisonnière malgré elle à l'intérieur de cette localité.

Leith atterrit à l'entrée du jardin. Il resta un moment immobile, n'aimant pas cet endroit qu'il avait déjà eu la malchance de visiter. Mais dans ce jardin se trouverait sûrement de délicieuses victimes, n'est-ce pas ? Encouragé par cette idée, l'overo prit le trot et y entra, rapidement entouré de haies parfaitement bien taillées et de topiaires qu'il jugea pathétique. Il s'arrêta lentement quand ses pupilles couleur glace se posèrent sur une jolie pouliche, au loin. Il n'était pas du genre à s'en prendre à une petite - mais ça faisait un moment qu'il n'avait pas eu quelqu'un sur qui passer ses nerfs. Il s'approcha d'elle avec cet air blasé sur le visage et avec cette flamme inquiétante qui régnait constamment dans son regard.

Elle s'impatiente. Les cents pas s'allongeant, elle commence à avoir en elle cette irritation. Elle lui brûle le corps, la tiraille et l'oblige à haleter. Ses yeux se perdent et s'arrêtent sur une silhouette qui grandit parmi le paysage séraphique qui la rend pourtant sulfureuse. Elle l'observe, un côté en lui la fascine et l'empêche de tourner ses prunelles autre part. De plus, il n'y a pas grand-chose d'intéressant sur cette terre qui ont de l'intérêt. « Tu n'aimes pas cette terre, toi aussi ? »

Il dilata ses naseaux, la laissant briser ce silence pesant. Il s'arrêta quand il fut à la hauteur de la petite, et baissa sa tête blanche, plongeant son regard dans celui de la pie. Il jugea la question de la pouliche plutôt inutile ; il avait l'air de s'y plaire, ici ? Ses longs crins noirs se placèrent sur le côté droit quand il releva brusquement sa tête, afin de regarder derrière la bicolore. Il lâcha avec ironie :
« Perspicace, la petite »

« J'ai un bon sens de l'observation. » Ses yeux le scrutent et perçoivent le détail qui lui montre que le regard du mâle s'évade ailleurs. Son encolure pivote et elle observe ce qui peut intriguer l'inconnu. De simples arbres fléchissants au gré du vent ainsi que les ombres réfléchies par le soleil s'amusent derrière elle. Elle retourne ses prunelles sur l'autre. « Tu recherches une distraction ? »

Leith baissa le regard, plantant ses pupilles bleues dans celles de la pouliche. Il la trouvait un peu trop curieuse à son goût. Mais il n'était pas assez lâche pour frapper une petite. Qu'est-ce que ça lui apporterait ? Il ronflotta doucement, et reprit avec un sourire malin :
« Ouais. Elle est où ta mère ? »

« Morte. » Elle n'a pas hésité. Elle maintient son regard sur l'étalon bicolore, attendant sa réaction. « Et la tienne ? »

Apparemment, elle n'avait pas comprit le sous-entendus... tant pis.
« j'ai pas envie d'le savoir »
Le pie s'ébroua vivement, avant de continuer son chemin, bousculant la petite au passage.

« Ne pose pas de telles questions alors. » Elle s'en fiche royalement d'être arrogante. Volontairement poussée par l'épaule de l'étalon, sa seule réaction est un soupir las. « Je vois. Monsieur veut se montrer fort. » Elle se glisse à côté de lui, elle prend même le devant.