F - Nous nous sommes aimés, dis moi ce que ça faisait

La tour se dressait, immense. Forget était à son pied, les joues rayées des sillons de ses larmes. La tour des amoureux. La mélancolique amnésique savait. Un jour elle avait aimé, elle avait été aimé aussi. Plusieurs fois. Mais cela, elle n'en s'en souvient plus que part sensation, que par intuition. C'était terrible, d'avoir oublié, d'être condamné à tâtonner dans le noir, en devinant à peine ce que votre vie avait dessiné sur le mur de votre âme.

Le noiraud trottait en direction de la tour des amoureux. Ispahan l'avait déjà vu plusieurs fois et il voulait la voir de plus près. Il fût étonné de tombé face à une charmante créature, qui observait l'édifice. Une odeur connue flottait dans l'air, il eut l'impression de rêver. Ce n'était pas possible ! Il s'approcha, le regard pensif, perdu dans des vieux souvenirs. « Bonjour. » Souffla Ispahan à l'intention de la blanche.

Elle fit volte-face, et son regard noir d'encre plongea dans celui de celui qui l'avait interpellé. Un grand noir. « Bonjour. » Dit-elle dans un souffle, la voix serrée, comme prête à se briser, si fragile. Elle eut l'impression de l'avoir déjà vu, sans plus. Elle ne se souvenait plus.

La jument lui retourna son bonjour, des prunelles noir qui lui disait quelque chose, quelque chose d'impossible, elle était morte. « A qui ais-je l'honneur ? » Demanda Ispaa en redressant l'encolure, un sourire charmeur vint s'accrocher aux lèvres de l'étalon tandis que ces iris foncées se plantèrent dans celle de la jument.

Perturbée par ce regard qu'elle semblait connaître, ce sourire charmeur. « Forget, je m'appelle Forget. » Ses yeux noirs d'encre le scrutaient, lorsqu'une voix, presque imperceptible, vint lui souffler le nom de ce presque-inconnu. « Isaphan ? » Fit-t-elle, déstabilisée. Quelle était cette voix ? Et ce nom... C'est comme si ses lèvres étaient habituées à le prononcer.