This is Halloween

La défunte flottait paisiblement au dessus du sol. Quelques autres fantômes et équidés étaient là aussi, mais malheureusement, elle ne reconnaissait personne.

♥ ...

Une voix, sa voix s'éleva, pus forte que le brouhaha de la salle. Elle sentit comme une vague de chaleur dans son ventre, et si son coeur pouvait encore battre, il se serait affolé. Elle tourna la tête, et ses prunelles d'un bleu polaire, encore plus délavées qu'avant, s'écarquillèrent devant la silhouette immaculé de celui qu'elle aimait. Elle plongea vers lui, et s'arrêta, flottant face à lui. Elle garda un instant le silence, émue au plus haut point. Puis, elle finit par murmurer, tandis que ses naseaux l'effleuraient tendrement. -Shiiro...

Elle se pencha, tel l'ange bénissant le nouveau né, et dans sa grâce d'un autre âge, la lueur argentée frôla ses naseaux empourprés de surprise. Shiiro trembla à en devenir malade, parcouru d'un frisson électrique. Vala, son fantôme du moins, l'avait traversé. « Vala, oh Vala ! » Répéta le malheureux, hébété, d'une voix étranglée de sanglots contenus. Pas un seul sourire, même pas un soupçon de rire. Pourquoi cet afflux de sentiments provoquaient sur ses joues tant de rivières déchaînées ?

Elle aurait voulu le serrer contre elle, et l'embrasser, tant ils en avaient été privés. Mais elle n'était plus. Elle n'était plus qu'un fantôme, atrocement translucide. Elle lui sourit pauvrement. Ne pas pouvoir le toucher était une douleur presque physique. -C'est bien moi, je suis là. Souffla -t- elle, comme une mère rassure son enfant. Un sourire éclaira son visage. Elle était fantôme, et par conséquent avait tout suivi des retrouvailles entre Caliente et Shiiro, depuis l'Haut Delà. Naïvement, et bien qu'elle lui ait recommandé de tourner la page, elle avait espéré secrètement qu'il lui reste attaché. Un temps seulement. Puis, son réalisme avait prit le dessus. Il était vivant et elle morte, ce n'était pas possible. -Au fait... Félicitation, pour toi et Caliente. Autant passer le sujet le plus vite possible.

Privés, ils l'avaient bien été. Privés par la vie. « Oui c'est bien toi, c'est bien toi. C'est inespéré… » Un bonheur douloureux irritait tendrement son cœur battant. Tout son corps tendu tentait sauvagement de la serrer, de lui apporter tout cet amour refoulé si profondément, mais pas assez pour être oublié. A la mention de son histoire avec Caliente, le mâle fut blessé, et son regard bleu azur piqua vers le sol, brûlant de regret. « Il n'y a aucunes félicitations à me faire Vala. Tu le sais peut-être mais ce… » Il se mordit la lèvre, immensément déçu par les mots qu'il allait prononcer. Mais il fallait être franc, n'est-ce pas ? « Ce n'est qu'une bien maigre consolation. » Shiiro posa de nouveau ses prunelles sur sa belle, toujours et encore plus fascinante même par delà la mort. « Je m'en rend compte à présent; Pourtant, à l'instant où je l'ai embrassé, j'y ai cru. Je me souviens encore de la brûlure de ses lèvres contre les miennes. » Il grimaça. « Mais… J'y repense et à chaque fois, Caliente te ressemble de plus en plus jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que toi. Toi et toi seule. Tu l'éclipse. » Même au travers d'un amour réel, il continuait désespérément de vivre sa romance, l'unique et la seule, pour toujours.

-Inespéré et inattendu, oui... Souffla -t- elle. Elle détaillait avidement les traits du visage aimé, les gravant dans sa mémoire tout aussi fantomatique qu'elle. Elle soupira profondément. Caliente et Shiiro. Elle avait du mal à s'y faire, quelle égoïste. Mais elle refoulait ce sentiment de jalousie au plus profond d'elle-même. C'était injuste et elle le savait. Elle n'avait pas le droit. Shiiro ne lui appartenait pas, ne lui avait jamais appartenu, et ne lui appartiendrait jamais. Elle était morte, et c'était ainsi. Lorsqu'elle le vit, honteux et blessé, Vala eut la furieuse envie de lui redresser le visage. Mais cela ne ferait que le rafraîchir de l'intérieur, alors autant éviter. -Oh mais si... Ce n'était ni ironique, ni hypocrite. Tu as trouvé quelqu'un. C'est mieux ainsi je pense. Son regard se fit plus sévère en entendant la suite. Mais quelque part, il avait raison. Ils n'avaient pas pu profiter, ni poser un point final à leur histoire. Alors indéniablement, ils restaient attachés l'un à l'autre. -Je ne sais pas quoi dire... Souffla -t- elle, déboussolée avant de reprendre plus vivement. -Tu l'aime oui ou merde ? Elle grimaça. -Parce que si tu ne sais pas, pire si comme tu dis, ce n'est qu'un lot de consolation... Par pitié, fais quelque chose avant que vous ne souffriez tous les deux. Enfin... Je sais pas, j'ai jamais été très douée en amour.

Il savait bien qu'elle n'avait pas voulu le mettre à mal, mais c'était ainsi. Un léger souffle de vent suffit à lever les flots déjà tourmentés par la tempête précédente. « Si je l'aime ? » Que diable ! Allait-t-il répondre non ? Il ne devait pourtant pas manquer à son devoir. « Oui, je l'aime. Elle m'aime. Que demander de mieux ? Hm ? » Son regard fuyant, tel un oiseau bleu imprenable, semblait attendre l'approbation de la défunte aimée pour enfin s'apaiser, y croire. Cette rencontre avait ravivé tellement de choses en lui, alors que l'agitation commençait à retomber grâce à Caliente. Voilà que toutes ces fragiles certitudes étaient mise à dure épreuve : Pouvait-t-il seulement aimer deux êtres en même temps ? Car voilà, Shiiro était resté entiché de cette jument, pour toujours et à jamais. « Vala… Je… Je suis désolé de te faire souffrir. »

Elle soupira doucement. Au moins, elle n'était pas tombé sur le premier des goujats, et même si elle le savait depuis longtemps, le voir ainsi confirmé, dans une situation aussi difficile que la leur, était toujours bon à prendre. -Rien. Il n'y a rien de mieux. Vis ta vie avec elle, sois heureux... Et moi j'attendrais patiemment que tu vienne me rejoindre. Une lueur malicieuse perça dans ses prunelles. -Mais pas trop tôt, hein ? Sinon tu peux compter sur moi pour te renvoyer de là d'où tu viens avec de grands coups de pieds aux fesses, vu ? Elle sourit. C'était la phrase exacte qu'elle avait déjà servi à Enzo, un de ses amis proches, un peu plus tôt dans la journée. Elle ne voulait voir aucun de ses proches mourir, mais puisqu'elle ne pouvait pas faire grand chose pour eux, sa seule consolation était bien qu'ils viennent la rejoindre par la suite. -Souffrir ? Pourquoi je souffrirais ? Je t'aime, mais je suis morte. C'est un peu étrange comme relation, n'est-ce pas ? Enfin, cette Caliente semble très bien, pour quelqu'un de parfait comme toi. Enfin, je l'espère. Sinon, compte sur moi pour la hanter jusqu'à la fin de sa vie.

Il soupira, toute la tension évacuée dans un seul souffle. Vala avait toujours eut l'art de l'apaiser. « Un jour, oui, on se retrouvera. » Une lueur éclaira ses yeux, son visage angélique s'éclaira. Tout paraissait beaucoup mieux ainsi, il lui suffirait de graver en lui les sages paroles de son ancienne compagne et tout se déroulerait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. « Je tâcherais de vivre le plus longtemps que je pourrai. » Finalement, il sourit, pour la première fois depuis le début de la conversation. D'un sourire un peu usé, pâlichon, mais quel sourire alors ! Il semblait être heureux. Peut-être l'était-il vraiment, au fond. « Tu n'auras pas à la hanter tu sais. »

Pourtant elle n'avait jamais été la plus calme ni la plus diplomate. Plutôt du genre à hurler sur tout le monde et à foncer dans le tas. De son vivant. Après, elle s'était un peu calmée. Un peu, seulement. Elle lui sourit avec tendresse. -J'espère pour toi ! Fit-elle en riant. Puis ajouta, taquine. -Vraiment, y'a pas besoin ? Dommage, je m'ennuie un peu moi là-haut !

« Hantes-moi, alors. » Répliqua-t-il, enjôleur tout à coup. Si seulement il pouvait la toucher, la serrer contre lui, comme lors de cette fameuse nuit de noël. Mais il n'avait que le droit de regard, ce qui se révélait être un supplice pour un être tactile comme lui.

( ... )

-Alors ça pas de problème mon vieux ! Fit-elle en riant, ses prunelles délavées pétillant de malice. Elle le fixa d'un regard de nouveau chargé d'un amour et d'une tendresse infinis. Jamais elle n'avait aimé quelqu'un aussi fort, pas même le fameux Quadenz. Et ne pas pouvoir profiter de cet amour qui les liait la rendait comme folle. Elle soupira, et murmura doucement. -Il semble loin le jour de notre première rencontre. Elle rit, ne sachant pas vraiment pourquoi elle revenait sur cette journée. -Depuis cette journée, je savais que tu étais spécial. Je ne me doutais pas de la suite. Mais il y avait un truc. C'est pour ça que j'avais inventé un prétexte bidon pour te revoir, et aussi pour cette raison que j'avais tenté de draguer Ahoru devant toi. Tu t'en souviens, dis ? Vala, le regard rêveur, se remémorait encore et encore, les seuls souvenirs qu'ils avaient partagés tous deux dans le monde des vivants.

Il se sentit électrisé par ce regard, regorgé de cette sensation délicieuse et frémissante qu'est la passion. Passionné par un fantôme. Les mots de la jument l'emplirent alors d'une douce nostalgie. « Oui, tellement loin… » Les propos qui suivirent apportèrent une lueur malicieuse au bleu intense des prunelles de l'ange. « Comme si c'était hier ! » Et pourtant, il était parti, sûr d'être battu, sûr de n'avoir aucun avenir dans le cœur de sa belle. Il avait renoncé tellement tôt, trop tôt, et cela avait tout brisé. Shiiro garda cela pour lui, ne désirant pas faire part de sa rancœur. Finalement, pour s'évader de ces pensées peu heureuses, il proposa une danse à la revenante. Un slow passait justement.