la nuit du chasseur ► H

Il était désespéré. Seul. Froid. Détruit de l'intérieur et piétiné par une honte insurmontable. Il ne cessait de songer à son fils, qui devait être né désormais. L'ombre et le malheur planaient sur lui, il était lassé, et plongé dans une terrible colère sourde. Il voulait récupérer son fils, lui faire entendre raison, mais n'était-il pas déjà trop tard ?
La neige absorbait ses pas. Son désespoir sera à jamais encré dans l'éternel poudreuse de cette forêt. Ses yeux bleus, observaient sombrement le paysage, tous ces troncs identiques qui auraient pu le perdre. Seulement il semblait très bien savoir où il allait. Il allait chercher sa détermination.

Le dominant de ce territoire arrivait accompagné de son petit garçon et sentant une odeur qui ne lui était pas indifférente, il eut cet étrange sourire sur les lèvres. « Hekme. » murmura-t-il, tout bas en ne laissant de chance à Hermód d'entendre quoi que se soit. Le monstre se tourna vers son fiston et lui sourit doucement, sans plus.

Un simple murmure. Mais l'étalon est tellement attentif aux choses, tellement à cran, qu'il l'a entendu. Tout du moins perçu. Il fait volte-face, ses sabots faisant craquer la neige. Les oreilles couchées contre son échine, il contempla la racine de sa propre destruction : Kishin. Il le croisait un peu trop souvent, en ce moment, et cela était tout pour lui déplaire. Il n'avait pas remarqué la fine silhouette derrière lui.

Le mâle arriva avec son fils près du grand noir et sourit, calme. « Hekme. Un vieil ami à ton papa. » souffla-t-il, en lançant de bref regard amusé à celui qu'il considérait comme une merde et un soumis. Si l'étalon en face faisait une seule erreur, Kishin agirait en conséquence et ce, afin de montrer à son petit Hermód que chaque chose dans la vie peut-être difficile. Le rouan s'arrêta et s'écarta légèrement, laissant la silhouette du gamin à la vue. Son regard brillait d'une telle méchanceté et pourtant, il jouait désormais la comédie afin de prendre plaisir aux prochaines conversations. « C'est mon... meilleur ami, en vrai. » ajouta-t-il, pour pimenter le tout. Les choses risquaient d'être fortes amusantes, à partir de ce moment.

Il était impossible de décrire le sentiment qui envahissait Hekme à ce moment précis. La découverte de son enfant - et il savait instinctivement que c'était lui. Il aurait souhaité le rencontrer dans d'autres circonstances. Il aurait tellement souhaité.. Mais de savoir que son petit le considérait comme un simple inconnu, proche de son père, cela le répugnait plus que tout. Cet enfant était magnifique. Il avait les mêmes yeux que sa mère, et ceux-ci étaient totalement habités par la vie. Le coeur battant, Hekme en aurait presque oublié leur accord et eut une folle envie de serrer Hermod contre lui. Seulement il ne le pouvait pas et la souffrance n'en était que plus intense. Il jeta un regard à Kishin. Un regard qui voulait tout dire. Il aurait tellement aimé le voir, agonisant au sol, écraser son arrogance au-dessous de ses sabots. Quand son fils l'appela « monsieur » Hekme se sentit presque défaillir, et demeura muet pendant un moment. Puis, il trouva enfin la force de parler. « Bonjour Hermód. » Il y avait beaucoup de chaleur dans ses mots, et il ne le contrôlait absolument pas. Il avait face à lui le fruit de sa passion avec Siewka, et ne pouvait qu'aimer profondément ce petit. Mais il n'était pas à lui, officiellement. Officieusement, Hekme savait qu'il le sera toujours, mais cela peinait à panser la profonde blessure encrée dans son coeur. « Je suis.. » ton vrai papa, voulait-il dire, mais il du se retenir de toutes ses forces. « .. Hekme. »

Le rouan s'approcha et se plaça devant son enfant pour venir serrer son tendre meilleur ami dans une pression légèrement plus forte, sans pour autant l'étrangler. Il sourit doucement et recula, plongea son regard cruel dans le sien. « Mon fils. Ma chair de ma chair. N'est-il pas magnifique mon petit Hermód? » lâcha-t-il, en poussant amicalement le noir, amusé et doucement, le monstre revint auprès du jeune brun, le collant juste un peu, lui procurant une chaleur paternelle qu'il n'avait pas reçut la dernière fois et puis, là c'était l'exception. Juste face à ce merveilleux Hekme. Puis, complètement hypocrite et manipulateur, le dominant pencha la tête sur le côté et parut perplexe. « Que se passe-t-il, tu me sembles bien triste soudainement... Je peux faire quelque chose pour t'aider? » demanda-t-il, avec des éclairs dans son regard, jouant ainsi avec les sentiments de son pote, c'était ahurissant. C'était le démon incarné, le monstre complètement cruel et c'était véritablement un sans coeur. Jouer avec les coeurs. Démolir les familles, les relations amoureuses et tout ce qui se joingnait. Le père se retourna vers son fiston et lui fit un signe de tête, de ne pas s'inquiéter. Il lui demanda de se rapprocher de son papa et d'être près, assez pour rendre mal à l'aise le grand noir. Pour lui faire du mal. « Tu ressembles vraiment à ta maman, je suis certaine qu'elle aurait aimé voir Hekme aussi. On était un trio incroyable quand nous étions jeune. N'est-ce pas, Hekme? » Ce regard, cette attitude et ce comportement pouvaient le détruire de l'intérieur, le faisant bouillir d'une haine incroyable, mais pourtant c'était ce que Kishin recherchait depuis toujours. Le monstre de la banquise en voulait à Hekme d'avoir touché sa soeur et il payerait d'une autre façon, celle-ci. S'il osait simplement tenter de faire comprendre au poulain que c'était lui le véritable père, Kuro lui montrerait qu'il pourrait regretter grandement ce choix et qu'il serait condamné éternellement.

Hekme demeura silencieux. Il se sentait terriblement mal en point, tout à coup, et se rendit compte à quel point il était difficile de veiller au bonheur de toutes les personnes qu'il aimait. Il se rappela les paroles de son propre père, lui ayant dit qu'il fallait qu'il se batte de toutes ses forces si il voulait récupéré son enfant. Cela dit le noiraud avait été rangé beaucoup trop tôt dans la case du faible, du malheureux, du lâche, et il sera extrêmement difficile d'en sortir. Tsumi, son père, n'avait pas de pitié, et il lui rappelait Kishin par moment, bien qu'il savait qu'il faisait aussi ça pour son bien. « Je vais me débrouiller seul, ça ira. » Fit-il avec une douceur hypocrite, un doux sourire sur ses lèvres, qu'il adressa à son soi-disant meilleur ami. Il ne fallait pas qu'il se trahisse. Mine de rien, c'était aussi une question de fierté. Il acquiesça sans vraiment écouter le gris, à sa dernière question. Le petit demandait si il pourrait voir sa mère bientôt. Hekme lança discrètement un oeil tout à fait haineux à son ennemi, avant de regarder le petit. « Oh, et puis surtout que j'ai vu ta maman il y a peu, elle semblait bien remise, et très impatiente de te voir. » Il jeta un coup d'oeil à Kuro après cette phrase, savourant cette minuscule vengeance. Il s'agissait comme d'une guerre froide en ce moment même. Hekme ne voulait pas que le petit perdre le contact avec sa mère, il était vital. Pour lui donner au moins une petite chance de demeurer dans le bon monde, et de ne pas basculer dans celui du rouan.

L'étalon n'eut absolument aucune réaction face aux paroles du noir, le démon ronfla doucement des naseaux et porta son attention sur son fils. « Elle reviendra bientôt. Nous irons lui rendre visite tous les deux après. Ne t'inquiète pas. » Kishin était si mauvais et sans coeur. Il s'approcha de Hekme et plongea brutalement son regard dans le sien, une étincelle de sadisme se lisait en lui. Seulement pour le meilleur ami. « J'irai seul avec mon fils. En famille. » ajouta-t-il, pour que son enfant entende aussi et son sourire doux s'était lentement installé sur son visage. Manipulateur jusqu'aux os.

Hekme observait avec une excitation presque folle dans le regard son petit se rapprocher de lui. Il était si beau, il lui rappelait sa mère. Un parfait mélange d'eux. Hekme se retenait de toutes ses forces de sourire tant cela le rendait bêta. Il aimerait tellement pouvoir éduquer son fils comme il l'entendait. Mais après, peut-être en aurait-il fait un lâche ? Quoiqu'il en soit, il avait confiance en son fils : il deviendrait quelqu'un de bien. Cela dit, le noiraud se tendit aux paroles du petit. Qu'avait-il à avouer ? Savait-il qui il était réellement ? Hekme allait sûrement trop vite en besogne, mais il continuait d'espérer, toute son attention rivée sur la petite créature.

L'étalon rouan observait minutieusement son fils, patient et surtout très serein, lorsque le jeune s'approcha d'Hekme, étrangement le monstre n'eut aucune réaction. Il demeurait calme, simplement. « Tu veux me dire quoi, fiston? » Son ton de voix doux et rauque à la fois, le mâle n'était pas fou. Sur ces terres, il y avait tellement de ses enfants que les rencontres entre eux ne seraient pas impossible et si Hermod en avait rencontré un seulement, il saurait que Kishin ne serait pas son vrai père. Mais, sachant cela... Kuro ne changerait pas de comportements et opteraient pour un en particulier, l'hypocrisie. Le monstre s'était déjà préparé à une scène de ce genre et Hekme semblait si heureux de voir son petit collé contre lui, mais Kuro ne céderait jamais puisque c'était le démon. Il pencha la tête sur le côté, s'approchant de quelques pas pour mieux entendre ce qu'avait à dire son enfant et sourit. « Ne sois pas gêné et dis-le moi. » finit-il par dire en lançant un regard brûlant à son meilleur ami, s'il osait faire un faux mouvement... Hermod subirait une torture si brutale qu'il ne se pardonnerait jamais, ce pauvre Hekme. Il ferait mieux de faire attention à ses paroles ou même ses agissements, Kishin était un être dangereux, après tout. Tuer un de ces enfants ne lui feraient aucune peine.