Alors, on danse ? | Miu

Miu se donnait sur la piste de danse. Malgré le début de sa grossesse et ses nombreuses cicatrices, elle arrivait à se mouvoir au rythme de la musique.

Et sa tête se balançait, faisant valser sa crinière de feu au rythme des basses. Les yeux clos, elle s'imprégnait de la musique, s'oubliait sur la piste. Ses sabots claquaient sur le sol, elle sentait la chaleur des autres danseurs qui la frôlait. Elle effectua un tour sur elle même et, lorsque ses paupières se rouvrirent, son regard accrocha celui d'une de ses consoeurs à la robe blanche. Avec légèreté, alors qu'elle s'immobilisa en voyant l'inconnue se glisser jusqu'à elle, sa crinière se déposa sur son encolure luisante.

Un déclic retentissant raisonne dans l'esprit embrumé de Miu. L'alcool ? L'ambiance ? Elle l'ignore mais ce regard qu'elle vient d'accrocher lui a, à la fois, glacé le sang et réchauffé le coeur. Que se passe-t-il ? "Bonsoir..." Souffle-t-elle à son tour. Ses jambes s'actionnent, elle réduit la distance entre les deux juments ; "Vous dansez ?" Le regard de l'alezane suit les contours de ce visage inconnue.

La sensation qui lui serre le coeur et châtouille son estomac...est-ce seulement possible ? Elle préfère mettre cela sur le compte de la boisson ou des minutes endiablées qu'elle a vécu sur le dancefloor. Pourtant, aussi étrange que cela puisse être, elle se sent attirée, irrémédiablement. "Moi non plus..." Troublée, beaucoup trop troublée pour que son regard ne s'arrête pas de suivre chaque ligne de son corps. Hé Miu ?! What's happen ? "Mais j'suis sûre qu'on va faire des étincelles..." A reculons, les yeux dardés sur elle, elle l'attend au milieu des danseurs.

A quoi joue Miu ? A rien..elle se laisse hypnotisée par un corps aux lignes fines. Elle veut capter ce regard, voir ce qui se cache derrière les pupilles fuyantes de sa cavalière. Un peu mal à l'aise au début de leur danse, la douce dominante de la Banquise essaye d'oublier le monde, de faire abstractions des autres. Sa concentration n'est destinée qu'à leurs pas qui s’enchaînent alors que les baffles s'égosillent, aux ondulations de son corps dans la tourmente mélancolique d'une musique qui se radoucit. Son souffle est bouillant, ses yeux parlent d'eux-même. Pas besoin de mots, leur chorégraphie et leurs gestes sont plus précis que si leurs langues se délient. Douce inconnue mais qui es-tu ? Que veux-tu ? Que ressens-tu ?

Son coeur qui se serre. Les papillons qui tournent dans son ventre. Les jambes en feu. Elle voudrait s'asseoir mais les sentiments qui tournent follement dans son esprit lui interdisent de quitter la piste. Pense au petit Miu...L'autre, l'inconnue, elle virevolte. Une fleur d'une rare beauté. Son regard brille. Le balais de ses crins hypnotise la rouquine. "Vous dansez délicieusement bien..." Murmura-t-elle, la voix rendue rauque, ignorant même si elle a pu l'entendre.

Les autres danseurs les voient mais ils s'en foutent. De toute manière, ils n'existent plus aux yeux de Miu. Ils sont insignifiants, sans importance, si fade comparés à la jument blanche qui partageait sa danse. Que dire de plus ? Tout et rien à la fois. C'est une rencontre. Certains aurait dit ; une simple rencontre. Mais elle n'avait rien de banale. De la passion, du feu, du froid, de l'exaltation, un peu de crainte, du bruit, du silence. Elle venait de se déconnecter de la réalité où elle dansait sur une piste éclairée. Elle ne voyait que la blanche qui pris la parole. Un frisson la secoua et un sourire illumina tendrement son visage ; "Quelle importance ? On est là pour s'amuser après tout !  :youpiii: 

La chaleur, au creux de son ventre, elle avait grandi à chaque regard, à chaque parole, à chaque geste. Ce contact, si bref, l'avait consumé. Un ange ? Etait-ce un ange ? Elle y ressemblait en tout cas. Avec les yeux d'une passionnée, Miu ne pouvait plus s'empêcher de la détailler, de la déshabiller. Pure comme la neige qui tombait dehors. Chaude comme les jours d'été. Si elle n'avait pas su se tenir, l'alezane aurait peut-être déjà laissé ses bas instincts agir pour elle. Hors, la demoiselle fauve n'était pas de ce genre-là. Une goutte de sueur perla sur son encolure qui luisait sous les spots. L'encolure arquée, leurs joues se caressèrent, leurs souffles se mélangèrent...irradiant.