{Dominant} River flows in you

Elle l'attendait, couchée en vache au pied d'un arbre chétif. Ses sabots effleuraient la surface du nil tandis que son regard bleu fixait l'horizon, pensif. Une fine pellicule de sueur se formait peu à peu, enveloppant les courbes de sa silhouette d'une humidité grasse et luisante; Si bien que ses crins diapahnes se collaient à son encolure de manière désagréable.

Un long soupir s'échappa de ses lèvres entrouvertes lorsqu'une goutte de sueur roula le long de sa nuque. Elle sentait son rythme cardiaque s'accélérer, sa respiration suivant le mouvement et lui donnant l'impression pesante que bientôt l'air ne suffirait plus à la maintenir en vie. Chaque inspiration lui brûlait les poumons, raclait sa gorge irritée à la manière de serres acérés, et Sohjo se surpris à prier pour que tout s'arrête soudainement. Mourir d'un arrêt cardiaque au bord du Nil. Quelle sympathique perspective. Mais un frisson désagréable lui parcourut l'échine, coupant la belle dans ses macabres pensées. Ses naseaux se dilatèrent longuement, émoustillés par l'identité olfactive du Léopard. Son léopard. Impossible de mettre fin à l'exquise sensation de l'air ainsi parfumé qui la remplissait de part en part, la gonflait de désir comme une caille que l'on engraisserait. Mais son impertinence lui couta une toux sèche et douloureuse. L'air était bien trop agressif en cette journée de canicule.

Les larmes aux yeux, la jument se racla la gorge, résistant tant bien que mal à la brûlure qui agressait sa gorge délicate. Retenant son souffle, elle sentait la présence du prédateur, impérieuse, de plus en plus forte. L'odeur musquée et profondément masculine, âcre et chaleureuse, était à présent si vibrante et claire que la belle semblait pouvoir la palper. Ses naseaux se dilatèrent de nouveau pour s'emplir de ce parfum empreint de douce violence. L' ombre massive du mâle s'étendit sur le corps blanc de Sohjo, s'étala ensuite jusqu'à quelques centimètres sur le sol devant elle. Le bandit porta sa bouche moqueuse à l'oreille attentive de la belle - qui n'avait pas esquissé un seul mouvement. Mon petit cygne.... Des crépitements semblèrent mordre sa chair tendrement rosée, bien cachée sous une robe pale comme un linceul. <<Me voilà de retour.>>

Elle se laissait caresser par le ronronnement grave de sa voix, les surnoms qu'il déposait sur elle, multiples étiquettes parfumées et tâchées de sang. Rien n'est bien propre quand il s'agit de désir. «Je suis partie pour mieux revenir.» Glissa-t-elle, sans plus ample explication. Comment expliquer l'inexplicable, puisque, de toute façon, elle s'était réveillée un beau matin et avait filé, comme une voleuse; Une voleuse aux ailes blanches comme la neige. Elle posa enfin son regard sur lui, pour la première fois depuis le début de leur retrouvailles et ses deux prunelles d'un bleu candide s'agrandirent, dévoilant leurs pupilles sombres dilatées sous l'effet du magnétisme qu'exerçait Ramsès sur les bas instincts du Cygne. Les mots lui auraient manqués si il avait fallu décrire le personnage face à elle, portrait fait d'absurdes contrastes et d'arêtes musculeuses. «Alors comme ça, vous êtes devenu dominant ?» Susurra-t-elle en employant un vouvoiement aussi délicat que froid, tandis que son regard aux couleurs glaciales s'avérait plus chaud qu'une flamme.