/ heartbreak hotel

Le sable lui était tellement réconfortant, même lorsqu'il lui était projeté dans les yeux par le vent. Le sable et cette sécheresse sans fin lui rappelait son berceau, et même si les années qu'elle avait vécu au sein de La Famille n'avait pas été heureuses, il s'agissait de ses repères, de son héritage, de son histoire. Sur Galop Sauvage, tout ce qu'elle avait connu avait disparu. Il était l'heure de se créer de nouveaux repères.

( Dis-moi si c'était réservé ♥ )

Cette vallée était synonyme de frisson, d'épouvante. Chez Caspian, elle ne nourrissait qu'un désir d'inconnu. Le brun s'y était aventuré par curiosité, par témérité aussi, pensant s'y trouver tôt ou tard dramatiquement seul face à une bande de carnassiers. Pour l'instant, seul le vent et le sable accompagnaient son périple.

( Du tout ♥ )

Le grande jument noire errait plus ou moins sans but, jusqu'à apercevoir- yeux plissés pour contrer les grains de sables qui la châtiaient - la construction étrange au fond de la vallée. Dubitative, elle s'en approcha, peu désireuse de s'aventurer à l'intérieur, mais plutôt de trouver un coin travail pour se réfugier du plus gros de la tempête, qui nuisait à ses sens, rendant la détection de l'étalon dans son dos impossible.

  

Le brun plissait les yeux, tentant de voir à travers les gifles que le sable lui envoyait à répétition, l'aveuglant presque. Une silhouette osseuse, noire comme la nuit, se trouvait à quelques centaines de mètres de lui - non, s'éloignait de lui, à un rythme rapide. Le Prince hésita à continuer sa route - ils finiraient par se croiser -, puis reprit la marche de plus belle, trop intrigué. Trébuchant sur des racines invisibles au premier abord, il accéléra, apercevant enfin le fond de la vallée et son étrange monument.

Arrivée à l'entrée principale du tombeau, Amalfi le contourna, trouvant une niche dans les flancs de la falaise, et s'y engouffra, soupirant lorsqu'elle put enfin s'y immobiliser sans être assaillie par tout le sable du désert. Elle se secoua d'ailleurs, délogeant les derniers crins qui avaient pris résidence dans ses crins et sur son dos osseux.

Au petit trot, le bai parvint au monument. La pierre, grise au départ, était colorée par le sable qui s'y infiltrait depuis plusieurs centaines d'années. Les reflets ocres fascinaient Caspian. Curieux, il s'engouffra à l'intérieur du tombeau, ignorant tout de la nature de la construction. De temps à autre, un filet de sable tombait non loin de lui. La lumière, trop faible, n'éclairait pas l'intérieur du tombeau. Des craquements résonnaient dans la pénombre. Un bruit équin le fit sursauter, et il se retourna vers la paroi d'où il provenait, loin de se douter de la présence d'Amalfi de l'autre côté.

Posée à l'ombre, Amalfi pouvait enfin respirer normalement, et un peu drainée, elle s'adossa contre une paroi, poussant un soupir. Ce ne fut qu'à ce moment là qu'elle entendit un bruit de pas dans son dos, et une odeur équine. Se tournant vers le mur qui la séparait de l'intérieur du tombeau et y colla une oreille, ses sens ne faisant que confirmer ses suspicions.

Quelques pas de l'autre côté de la cloison, puis plus rien. Caspian s'adossa au mur froid, hésitant à sortir et rencontrer l'inconnue. L'endroit dans lequel il se trouvait était sec, peu chaleureux, et de nombreuses bestioles semblaient ramper autour de ses sabots. Ravalant ses doutes, le brun fit quelques pas en dehors du tombeau, plissant les yeux pour comprendre où pouvait être passée l'inconnue.

Au même moment que l'étalon, Amalfi se questionnait, envieuse d'aller à la rencontre de l'importun qui la traquait sans doute. Elle était d'autant plus agacée que ses sens de chasseuse l'avaient trahis, ou du moins avaient étés moins efficaces que le vent et le sable. Soufflant bruyamment des naseaux, elle s'extirpa de sa cachette, se rapprocha de l'entrée du tombeau, rencontrant ainsi l'étalon brun à mi-chemin.

Une forme étrangement squelettique se détacha soudain de la paroi, semblable à une gargouille animée. Laissant échapper un bruit étrange, à mi-chemin entre le hoquet d'effroi et l'éternuement, Caspian se retrouva nez-à-nez avec l'inconnue au physique atypique. Un silence s'établit entre eux, alors qu'ils se toisaient mutuellement. " Bonjour, " Tenta le brun, engageant sans être trop familier. Une aura presque dérangeante se dégageait du corps effilé d'Amalfi.

Plissant ses yeux pour éviter le sable qui coursait encore dans l'air, Amalfi toisa l'inconnu brun avec impassibilité, l'ennui éternel qui couvrait son visage, elle qui avait tout vu, elle qui savait déjà tout, plus rien ne l'intéressait. Il tentait de lui parler. C'était mignon. Son visage eut un bref spasme indescriptible et elle toussota. " Au r'voir. " grogna-t-elle difficilement, s'écartant autour de lui en le dépassant avant de disparaître dans l'entrée du tombeau, là d'où il venait d’apparaître.

Une fascination maladive avait déjà insidieusement pénétré l'esprit de Caspian. Cet être aussi fin qu'un rasoir et aussi revêche qu'un ours ne pouvait être que mystérieux, intéressant, peut-être même dangereux - mais c'était un aléa qu'il était prêt à risquer. S'accrochant comme une moule à son rocher, il attendit quelques secondes et suivit la noire dans le tombeau, s'arrêtant sur le seuil, nimbé d'une lumière spectrale. " Vous alors, vous personnifiez l'ours, " Commenta-t-il avec un sourire, se croyant avenant et spirituel.

Elle n'avait avancé, de son pas boitillant, que de quelques mètres lorsque le chant des sabots sur la pierre se décuplèrent et elle se tourna discrètement, jetant un coup derrière elle pour toiser le blond qui la suivait. Son visage dans l'ombre, elle s'immobilisa de nouveau, fixant le mur comme s'il n'y avait rien de plus intéressant. " Et toi l'mouton. " dit-elle rapidement, sa voix grave grinçant à travers sa machoire cassée.

La réponse avait claqué, plus sèche encore que l'atmosphère aride qui les enveloppait, faisant perler de grosses gouttes de sueur sur l'encolure du brun. Visiblement mouché, Caspian se tint coi quelques minutes, sans avoir été pour autant découragé. Il suivit le regard de la noire durant ce court silence. Comme si le mur pouvait révéler ses secrets au non-initié qu'il était. Comme si tout ce qu'elle touchait de son regard ou de son pied se révélait empreint d'un caractère mystique. Peut-être qu'elle était juste un peu grossière. " Cela supposerait que vous me dévoriez, " Grinça-t-il, tout de suite moins enthousiaste.

La ténacité du petit jeune ne lui échappait pas, et l'étonnait même. Elle qui avait été fuit et rejetée, ici trouvait des admirateurs. Ou était-ce juste que tous les habitants de GS étaient cinglés ? Amalfi soupira, tournant son regard mort vers le blond, l'analysant en profondeur tout en ayant l'air d'être sur le point de mourir d'ennui. " Tu veux quoi ? " Elle n'avait pas une répartie hors pair, et preferait savoir à qui elle avait affaire immédiatement, plutôt que de jouer à leur petit jeux. Elle en avait eu sa dose de jouer. La grande noiraude fouilla sa queue, qui claqua contre ses flancs et ses cuisses, attentive, soudainement alerte, plissa ses yeux vers l'inconnu. S'apprêtant à le dévorer.