le désarroi des anges / LUNAIO

La jument vagabondait, sans but précis, songeuse. Les années l'avaient usée, et son mental était chaque jour mit à rude épreuve. Elle sentait que l'heure des jumeaux approchait. Bientôt sa vengeance sera faite.
Pour le moment, elle foulait ces terres recouvertes de poudreuse, lasse de cette couleur stérile depuis plusieurs mois.

Quand elle l'aperçut, elle sentit un frisson parcourir son échine. Elle ne l'avait plus vu depuis la dernière fois, à la crique, quand il avait eu ce qu'il voulait. Cependant, où était ce que elle, elle avait voulu ? Sa vengeance était tout ce qu'il lui restait de raison de vivre. Elle avait sa fille, mais n'était pas douée pour être mère. Elle saura se débrouiller seule une fois que tout sera fini. Lunaio eut envie de partir, juste pour ne pas lui accorder la satisfaction de la voir venir à lui. Cependant, elle s'avança tout de même mécaniquement vers lui. « Pas encore mort ? » souffla-t-elle, acerbe, entre ses dents quand elle fut à portée.

Lunaio haussa un sourcil, se mettant au pas à côté du grand mâle picoté, indifférente. « Tu as rencontré la gamine. » souffla-t-elle d'une voix froide, monotone. Complètement désintéressée. « Que veux-tu que je fasse. L'aimer ? On peut pas tout avoir dans la vie. » grinça-t-elle en orientant ses oreilles vers son échine.

« Je devrais ? » fit-elle en plissant les yeux, agacée du comportement du mâle. Elle n'en voulait pas de cette gamine, bon sang.

« Y'a aucune clause du contrat m'obligeant à garder cette gamine en vie. Encore moins à l'aimer. » fit-elle en haussant un sourcil imaginaire. Elle observait le picoté avant de soupirer lourdement, lasse de son comportement.

Quand elle l'entendit parler de Budapest, Lunaio crut qu'elle allait complètement péter un câble. Elle se laissa même agacer par le sourire du picoté. Elle se jeta sur lui, de tout son poids, mordant et frappant tout ce qu'elle trouvait de chaire et d'os. « On avait un marché ! C'est pas sa souffrance que je veux, c'est sa mort ! » cria-t-elle, folle de rage.

Elle avait le coeur encore battant la chamade, et elle sentait la haine circuler dans ses veines comme un poison mortel. Elle l'observa avec un regard un peu fou. Toute sa vie tournait autour de cette vengeance. Elle avait placé ses espoirs en celui qui pourrait les honorer comme les bafouer. Quelle vie décidera-t-il vraiment de gâcher ? La sienne ou celle de Budapest ? Elle ne dit rien durant plusieurs longues secondes, lui adressant un regard méfiant.

« Je ne te croirais que quand tout ça sera terminé. » fit-elle simplement, d'une voix plate et froide, ses yeux comparable à un océan orageux. Elle ne le lâchait pas des yeux. Elle n'avait rien à perdre, alors le provoquer ne l'effrayait pas du tout.