• made of stone

MURPHY.
Tu t'endors souvent dans cet endroit, en ce moment. Pourtant, il ne fait pas nuit. Mais tu ne dors plus la nuit, alors la fatigue finit toujours par te rattraper et te cloue au sol de force, lavant tes yeux délavés par les cernes et le manque de sommeil. Aujourd'hui, le soleil brille dehors. Mais tu es venu chercher refuge dans ce tunnel qui mène à ton territoire. Qui mène au Nord. Ton seul refuge.
Tes yeux et tes muscles tressaillent à intervalles irréguliers, seuls témoins de tes angoisses cauchemardesques, sans te douter un seul instant d'une autre présence dans le tunnel.

Soudainement, un léger rappel au monde réel t'arrache à tes songes, tes chimères, et les visages effrayants de tes cauchemars. Tu sursautes brusquement et bondis sur tes jambes engourdies, qui te font vaciller immédiatement. Ton épaule cogne contre la paroi de glace et le bruit qui en sort est sourd et confus. Tes yeux sombres tentent de fixer un instant la silhouette dorée qui t'a réveillée mais tu as du mal à fixer sa robe éclatante. Finalement, quand tu reprends tes esprits, un peu essoufflé comme si tu venais de te réveiller d'une course contre la montre, tu ne sais pas bien si tu es soulagé qu'elle t'ait tiré de tes cauchemars ou vexé d'avoir été surpris dans un moment de faiblesse. Bonjour, lances-tu alors d'un ton neutre mais d'une voix chaude, comme à ton habitude.

Alors que tu l'observes, elle te fait penser à quelqu'un et tu mets quelques secondes avant de comprendre que c'est à toi qu'elle te fait penser. Elle claque des dents dans l'air et tu tressailles, parce que tu le fais souvent et que ta sombre génitrice le faisait plus encore.
D'ailleurs, la voilà qui se présente. Tu tends les oreilles. Bras droit ? Alors c'est elle qu'a choisi Absalom ? Tu n'en dis mot, mais puisqu'elle se présente avec son grade, tu fais de même, sans aucune animosité pourtant. Solheim, dominant du Nord. Enchanté. Tes yeux sombres se fondent en elle, tu es fasciné par sa robe dorée et intrigué par son caractère, sa façon d'être. Mais tu ne le montres pas beaucoup, restant plutôt neutre, indifférent, comme si depuis des années tout t'avait déjà déserté.

Tu inclines la tête sur le côté. Connu pour être l'ennemi de. Et non pas l'ami de, ou le sauveur de, non, connu pour avoir été un pion de la guerre. Tu ne sais pas bien si tu es censé être fier ou culpabilisé de voir ceci. Je l'ignore. Mais Ramsès était, pour moi, mon meilleur ennemi, oui, déclares-tu d'une voix neutre, sans réelle confidence. Parce que ça n'est pas un secret, en fin de compte. Mais qu'il ait également été la figure d'une obsession malsaine, ça, par contre... Vous les connaissiez bien ? Aucune animosité dans ta voix. Après tout, la guerre est finie, non ?

Bien placé pour le savoir ? Sauf que tu l'ignorais. Tu ignorais même qu'Apophis avait des enfants, à part Elsa. Tu tressailles de tout ton long. Tu n'as jamais eu la moindre empathie ou intérêt pour le géant de glace. Tu restes interdit un moment, avant de secouer ton encolure, faisant dégringoler ta crinière blonde. Figurez-vous que leur vie personnelle m'est floue. J'ignorais que vous étiez sa file. Tu l'avoues simplement. Et je suis le fils de Brooklyn, qui était une des plus chères alliées de Ramsès et Apophis. Plutôt de Ramsès. Même si c'est ce dernier qui l'a exécutée. Peut-être ne la voulait-il pas en ennemie. Ton est resté plat aussi mais vibrant.

Pas d'Apophis ? J'mélange un peu tout alors c'est possible

Vous avez bien plus de ressemblances qu'on ne le croirait. Fils de grands souverains qui ont montré leurs dents aux démons. Un sourire sans joie s'affiche sur tes lèvres grises. Peut-être l'aurais-tu connue si elle n'avait pas été exécutée par son propre dominant. Et peut-être que je l'aurais connue aussi. Sombre exécution que celle de ta mère. Sans l'avoir jamais vue, c'est resté un trou béant dans ta poitrine. Tu admires chez la dorée la même capacité que tu as aussi à cet instant : cette neutralité à toute épreuve. Deux miroirs de glace qui ne laissent rien filtrer. Tu humes l'air, marquant son odeur dans ta tête.

Ah d'accord, alors j'ai confondu !

Tu te replonges douloureusement dans les souvenirs, dans les récits, dans ce que d'autres t'ont raconté à défaut d'avoir pu le savoir de tes propres yeux. On raconte que c'était un monstre sans coeur, une machine à tuer sans réelle conscience. Sauf que la machine a déraillé et qu'elle... a ressenti quelque chose pour un dominant ennemi. Ce que Ramsès n'a pas pu supporter, bien entendu, la croyant entièrement à lui sûrement. Tu fixes un point invisible dans le vide, plongé dans des réminiscences mouvementées.