Back on the day //O//

En transe, l'étalon débarqua dans le cimetière le poil souillé de transpiration. Le souffle court et les yeux vitreux, il arpentait des sépultures dans l'espoir d'y trouver le nom de son père déchu. Mais comme à chaque fois, rien. Epuisé et à bout de souffle, les yeux cernés par la fatigue de cette folie qui le ronge un peu plus chaque jour. Ereinté de voir ce cauchemar se répéter à fréquence de plus en plus réduite sans pouvoir y mettre un terme, Osiris pousse un hennissement tranchant avant de se laisser choir au sol. Le prince du nord s'écroule, comme touché en plein cœur. Pour la première fois, il se laisse aller à son désespoir en abandonnant quelques larmes salés qui se dérobent en torrent sur ses ganaches. Etrangement cela le calme et l'apaise, il reste donc ainsi, la respiration sifflante, presque imperceptible, nul ne devinerait s'il était vivant ou bien mort.

SOLHEIM/MURPHY.
Le hennissement déchire le silence. Tu sursautes. Les démons tournent autour de ta carcasse comme des vautours. Avides de chair fraiche. Tu te relèves péniblement. Tu ne te souviens pas t'être endormi ici. Peut-être es-tu venu sans t'en rendre compte, à semi-conscient, peut-être avait-il déjà pris le contrôle. Tu t'ébroues, avant de mettre en marche tes muscles endoloris et engourdis.
Si tu prends le pas, si tu essaies de trouver la source de ce cri de détresse, c'est parce que tu as reconnu la voix. Osiris. Tu n'imaginais pas le revoir de si tôt. Le protégé de Nox. Comme il va te détester, lui aussi. Mais pour l'instant, le souvenir de ton affection pour le jeune pie te pousse à le chercher. Tu arpentes les allées désertes et effrayantes du cimetière avec une expression de glace. Au bout de longues minutes à errer comme un pantin, tu t'arrêtes et hennis doucement, comme pour ne pas réveiller les créatures des enfers qui pourraient t'avaler tout rond. « Osiris ? » appelles-tu alors d'une voix grave, teintée par l'inquiétude au même point que par l'incompréhension.

Mais cette voix, il ne l'entend pas. Trop étouffé par ses propres sanglots. Pourquoi pleurait il ? Pourquoi n'arrivait il pas à se relever ? Pourquoi ? Tout simplement. Ses iris océans semblent se vider de leur éclat bleuté, de leur lueur de vie. Ne laissant qu'une âme corrompue. Il perçoit enfin la présence de son dominant, mais cela n'était peut-être qu'un simple mirage comme d'habitude. Il semble ne pas réagir et reste à demi-conscient au sol, en plein état de démence.

Lorsque tu le reconnais, tu hésites.
Te reconnaîtra-t-il, lui ? Tu n'es plus Murphy, mon grand. Tu n'es plus le gentil petit confident et dominant qui régnait ici. Tu es devenu un lion, un prédateur, la marionnette préférée de Satan. Tu tressailles. Cette voix ne te quitte plus, elle est devenue ton quotidien.
Tu cesses d'hésiter et t'approches enfin. Plus fort, devant lui, tu répètes d'une voix forte : « Osiris ! »

Mais il ne réagit pas, ses démons le terrassent au sol. Pourquoi une voix si autoritaire ? Après tout il s'en fiche. Ses yeux se figent droit devant lui, des images lui parviennent comme un vidéoprojecteur qui lui projetait inlassablement ses cauchemars. Il frémit, tressaille, puis déglutit difficilement. Sa langue est pâteuse et laisse un goût amer dans sa gorge. Un goût âcre, du sang peut-être ? Certainement qu'il c'était mordu la lèvre sans s'en rendre compte si intensément qu'il se l'était mise à sang. A feu à sang.

Le pie ne réagit toujours pas. Tu le bouscules du museau, puis du sabot. Tu veux le réveiller, le secouer.
Tu aurais aimé qu'on le fasse pour toi, lorsque les démons essayaient d'entrer. À présent, il est trop tard, ils sont à l'intérieur et l'espace est trop étroit pour y être eux et toi. Mais tu peux encore sauver quelques-uns de tes congénères. Est-ce votre malédiction que le Diable s'attaque à vous ? « Osiris, parle-moi, arrête ça ! »

Mais ce n'est toujours pas suffisant pour sortir Osiris de sa torpeur. Le coup de sabot n'est que bénin comparé aux blessures que son cœur combattait chaque jours à travers son âme. Trop gentil, il avait été. Trop de fois, on l'avait bafoué. Bientôt il allait se révolter. Apophis avait voulu l'entrainer dans ce sentier sinueux, si tortueux que peu de personnes osent en franchir l'entrée. Jusque là, il avait toujours refusé mais là il semblait prêt à s'y engouffrer les yeux fermés.

Bien, alors je vais le réveiller moi. Tu sembles te grandir encore un peu, dominant la carcasse du pie tout entier. Tes yeux sont d'un noir d'encre, d'un de ces noirs qu'on ne décrit pas, la nuance la plus sombre, celle qu'on ne peut cerner. « Tu n'as pas le droit de m'ignorer, gamin, sauf si tu comptes bientôt me rejoindre là, en bas, où il fait chaud. Si c'est dans la fournaise que tu veux aller, alors ouvre les yeux, ingénu. » Le ton de ta voix s'est métamorphosé, lui aussi.

Les yeux du pie s'ouvrent brutalement, comme incontrôlable, il fixe alors le regard de son dominant, mais ce n'est pas vraiment à lui qu'il s'adresse mais plutôt à la présence qui le possède. " Qu'est ce que tu veux de moi ? " demande t il d'une voix glaciale, bien trop calme.

Un sourire odieux prend en otage tes lèvres qui ne savent pourtant plus sourire. Scène incrédule. Le Diable qui parle à son esclave. « Tout. Ton âme, ton corps... Tout, petit. Tout m'appartiendra. » Murphy n'existe plus. Solheim lutte. Tu n'as plus le contrôle. Sauf si...

Mais il ne réponds pas et se détourne de lui. Ses naseaux se dilatent, il capte sa présence. " Apprend moi " lâche t il brusquement en cherchant le palomino du regard. " Apprend moi alors à devenir comme toi " Et peut-être qu'ainsi tu retrouvera la paix. Ce n'était probablement qu'un tissus de mensonges mais le fils du nord voulait y croire. Il le regarde, méprisant. Sa peau devient bouillante comme s'il était sous l'emprise d'une fièvre, la chaleur des flammes de l'enfer." Dis moi ce que je dois faire " demande t il, les yeux plissés. Ses pupilles se dilatent et se rétractent subitement comme si une apparition soudaine était apparût devant ses yeux. Ses naseaux vrombissent et soufflent une buée si maléfique qu'elle semble tout droit sortie des décombres sataniques.

Mais la flamme des enfers est là devant lui; puisqu'il a le Diable en face des yeux. Peut-être Satan se cherche-t-il déjà un autre corps, un autre esprit, après avoir trop utilisé le tien, après l'avoir épuisé, après s'en être suffisamment amusé. De tes naseaux sort un souffle brûlant qui s'échoue comme des flammes sur le visage d'Osiris. Tu ne te contrôles plus, tu n'es plus qu'un spectateur tapi si profondément en toi que tu ne peux rien faire pour empêcher l'échange malsain qui s'établit entre vous deux. « Tu l'apprendras très vite. Ouvre-toi à l'enfer, et tout te sera accessible. » Un sourire carnassier s'affiche sur tes lèvres tandis que tes crins blancs viennent couvrir tes yeux un instant, bousculés par le vent mauvais qui souffle dans le cimetière.

Osiris

L'étalon semble prêt, prêt à s'abandonner au diable. Celui qui lui a promit tant de belles choses. Il fixe Murphy, droit dans les yeux et sent une présence malsaine tourner autour de lui. Un démon prêt à tout pour obtenir des âmes faibles, et lorsque le pacte est signé, impossible d'y échapper. Osiris se concentre et ses lèvres se mettent à trembler, il murmure une langue latine, une langue qu'il n'a jamais appris, ses incantations s'intensifient, il sent une puissance prendre part de son corps, ses yeux se révulsent et sa tête bascule vers l'arrière. C'est alors qu'une vision apparaît, une douce vision, il revoit le visage de sa mère. " Non.." souffle t il, mais il semble déjà trop tard. " NON !!! " hurle t il avant de briser le sortilège. Il se relève et s'enfuit plus loin, le souffle saccadé. Le démon ne me prendra pas aujourd'hui... Il ne me prendra jamais comme il a prit Murphy !

Tu ne te souviens même plus quand tu as signé ce pacte, toi. Ça s'est presque fait en douceur. À la pseudo-mort de Nox, peut-être ? Lorsque tu étais si faible. Qu'on t'avait révélé la noirceur de ta mère, le vrai nom qu'elle t'avait donné, et sa condamnation à mort par Ramsès. C'est sûrement à ce moment-là que le Diable a pris une emprise douce et enivrante sur toi. Sans même que tu t'en aperçoives. Au fil des mois et des années, il a su, de l'intérieur, briser chaque barrière. Ouvrir chaque porte, chaque coffre fort. Et aujourd'hui, il s'est tellement immiscé en toi que tu ne peux plus le repousser. Tu clignes des yeux plusieurs fois quand tonne la réponse de l'étalon pie. Une grimace effleure tes lèvres, déforme ton visage.

Puis elle s'efface. Ton expression devient perdue. Comme un enfant. Comme celui que tu étais, peut-être ? Tu tournes la tête – c'est la tête qui te tourne, plutôt – et aperçois Osiris, un peu plus loin. Tu fais un pas hésitant vers lui. « Osiris..? »
Et c'est ta voix. Celle de Murphy. Celle de celui qu'il a connu, de son dominant, de son protecteur. Mais Lucifer est rusé, vous savez.

Osiris

L'étalon était essoufflé et portait son encolure arquée vers le sol. Son pouls reprends bien vite une cadence normale, il relève la tête vers Murphy qui s'avance. Mais ce n'est pas Murphy, c'est son corps, juste son corps, son esprit n'est plus là. " Recules Satan ! " ordonna t il d'un ton sévère en grondant du fond de sa cage thoracique. Il est dur pour lui de prononcer ces mots devant cet étalon doré qu'il a tant estimé. Et pourtant aujourd'hui il lui fallait faire abstraction des sentiments, sinon il deviendrait son reflet, un corps sans vie dirigé par un monstre. Ses oreilles se rabattent vers sa nuque, il dresse son buste pour paraitre plus imposant. " Je n'ai pas peur de toi " lance t il assurément, car seul l'angoisse et la peur nourrissait l'appétit satanique du démon.

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