Bain de mousse //L//

Les yeux de Byzantine s'allument comme des phares alors qu'elle avance les naseaux, hésitante, vers les flancs de Luciole. Le bout de son nez effleure le poil doux de la future mère. Le silence se fait, c'est comme si le monde venait de cesser de respirer. Le poulain donne un minuscule coup qui fait se redresser subitement la grise, estomaquée. Elle tourne un visage alerte vers la palomino, les yeux ronds comme des billes.  

Luciole

La dorée pousse un petit hennissement amusé en la voyant se reculer subitement, l'échine hérissée. « C'est la nature » dit elle simplement sans cesser de passer son nez sur son ventre. « Et toi ? Tu souhaites avoir des enfants plus tard ? » demande t elle avec curiosité.

En se détendant, Byzantine esquisse un sourire tendre. De nouveau, son visage est marqué par la perplexité. "Je...je ne crois pas. Pas encore en tout cas, je ne suis pas prête."

Luciole

La dorée songe. Elle se rappelle de cette crainte qui l'accablait avant de mettre au monde son premier poulain et elle comprenait parfaitement les angoisses de la grise. " Tu sais, Je crois qu'on est jamais prête avant d'être mit devant le fait accomplit "

Jamais prête ? Mais alors pourquoi se lancer là dedans quand on ne le sent pas ? Par amour ? Encore un truc qui la dépasse. Elle apprivoise à peine la liberté, elle ne veut pas se retrouver avec d'autres chaines aux pieds. Des obligations, des serments...tout ça, la grise préfère s'en tenir écartée. "L'amour n'est pas venu frappé à ma porte...mais je ne le veux pas pour l'instant." Elle craint d'aimer et pourtant, son esprit est troublé par un étalon blanc immaculé. Admiration ? Amitié ? Elle se perd dans ses pensées.

Luciole

La jeune dorée sort finalement de l'eau, ayant un sentiment d'oppression dans ces bains d'une profondeur inquiétante. Etrange sensation ? La jument sort de l'eau avec précaution sans risquer de glisser sur le sol humide et s'ébroue légèrement en faisant attention de ne pas éclabousser la grisette. " Je n'ai jamais voulu d'un enfant la première fois " Elle soupire, mais préférait parler avec franchise, elle avait essayé autrefois de se cacher. Trop honteuse qu'elle était. Mais maintenant elle l'assumait plus ou moins " Mon ainé est issu d'un viol " Ses muscles se raidissent involontairement. Qui a parlé d'amour ? Elle même ne l'avait jamais rencontré. Quelques attirances parfois, mais rien ne bien attrayant.

Violée. Forcée. Toutes expression quittent le visage de la grise. Elle a faillit passer par là. Oh bien sûre, les humains ne parlent pas de viol mais y a-t-il une différence ? Se faire saillir, à contre coeur, par un étalon inconnu...trouvez moi un autre mot et on en reparlera. Byzantine ne sait pas si elle doit la suivre hors de l'eau. "C'est terrible..." Son fils ainé ? Osiris donc ? Ses sabots trouvent les marches pour s'extirper du bain chaud. Sur la terre ferme, elle s'ébroue à son tour en faisant attention à ne pas éclabousser Luciole. "...Vous savez...j'ai failli être dans un cas similaire...et je suis écoeurée que cela ait pu vous arriver."

Luciole

La dorée fait quelques pas de cotés, laissant claquer ses sabots sur les pierres anciennes. L'écho de ses pieds se répètent sur les parois de la caverne comme une danseuse de claquettes. L'appaloosa laisse passer son museau par une des fenêtres de l'édifice pour respirer l'air frais estival. Toutes ces vapeurs lui donnaient des vertiges. " Vous y avez échapper.  C'est le principal " réponds t elle de sa voix douce maternelle. Elle tourne les yeux vers la grisette qu'elle observe intensément, comme si un déclic venait de se faire dans sa tête. " Les deux pattes ? " demande t elle avec certitude. Déconcertant n'est ce pas ? Comme le savait elle ? Au fils de toutes ces années, Luciole avait développé un certain sens de l'observation. Elle voyait des détails légers qui passaient inaperçus aux yeux des autres. Qu'est ce qui avait trahit Byzantine ? Simplement car la corne de ses sabots était fine et lisse, il paraissait que les bipèdes enjolivaient les pieds de leurs montures.  

Deux pattes ? Ho ! Byzantine a mis un petit temps avant de comprendre de qui elle veut parler. Elle acquiesce surprise par la déclaration de Luciole. Est-elle voyante ? . "Comment...?" Souffle-t-elle en se regardant sous toutes les coutures.

Luciole

La dorée laisse échapper un rire discret en voyant la grisette cligner des yeux plusieurs fois, signe de sa surprise. Elle s'approche d'un pas lent, laissant balloter son gros ventre de part et d'autre de ses flancs. " Tes sabots, ils sont aussi luisants qu'un miroir. Seul les bipèdes savent faire de si belles choses " Elle regarde ses propres pieds dont la corne s'effrite sur les rochers escarpés, enviant un peu les belles jambes que cela donnait à Byzantine.

"Oh..." Elle observe ses sabots, effectivement luisants et peu abimés. "C'est vrai qu'ils prenaient grand soin de nos pieds..." Bien qu'on puisse admirer la corne de ses sabots, ce n'est pas un atout important dans la nature. Tout ces soins sont même handicapants. "...mais de ce fait, ils sont beaucoup plus fragiles que les tiens...regarde." Elle tourne le dos à Luciole et lève une antérieure pour montrer les nombreuses blessures qui lardent la fourchette.

Luciole

La dorée considère le sabot de la jeunette avec minutie " Il faut savoir souffrir pour être belle " railla t elle en dandinant des épaules pour se donner un air coquet. " Mais je crois avoir la solution pour ton problème. La sève d'hêtre est parfaite pour soulager les maux de cette ampleur " dit elle plus sérieuse en guettant autour d'elle pour trouver un arbre mais dans un temple autant dire que la végétation n'était pas luxuriante.

Les railleries de Lucioles font rire la grise. Elle se permet même de tirer la langue en fronçant le nez. Puis son ainée l'intéresse soudainement en lui parlant d'un remède. Les oreilles pointées en avant, elle la questionne, un peu honteuse. "La sève d'hêtre ? C'est..." Elle se mord la lèvre. "...C'est un arbre ?" Elle a vécu enfermée, faut pas lui en vouloir...

Luciole

Luciole éclate de rire devant la mine hébétée de Byzantine. " Effectivement, c'est un arbre. " souligne t elle en rabattant froidement sa queue sur sa croupe pour faire fuir une mouche. " Il y en a pleins sur mes terres. La cité est propice au développement des arbres et buissons, il n'est pas rare de se retrouver envahit de végétaux. " Elle sourit aimablement en se dirigeant vers la sortie du temple, bien décidée à trouver le remède pour la grisette et ce malgré son gros ventre qui ballottait de part et d'autres de ses flancs. " D'ailleurs à ce propos j'ai rencontrée une jeune Tinker très sympathique qui m'aide à désherbée parfois, elle semble venir du camp des réfugiés. Elle se débrouille très bien, beaucoup plus vite que moi. A croire qu'elle a un don ! "

Hésitante, Byzantine fait quelques pas, ne sachant pas si elle devait suivre la palomino ou non. "C'est très gentil, merci." Elle pourra soulager la douleur qui, le soir, devient parfois insupportable. La révélation de Luciole lui met la puce à la l'oreille. Le souvenir de sa discussion avec Aslaug lui revient instantanément ; " Oh, tu as rencontré quelqu'un de ce troupeau ? Heu...t'aurais pas croisé un petit étalon appaloosa par hasard ?"