memories -

La tachetée s'était aventuré sur ces terres, un peu par hasard, avide de découvertes. Paisible malgré les nuages chargés d'eau qui bourdonnaient au dessus d'elle, elle marchait énergiquement, balayant le paysage de ses yeux sombres.

Le prince trottait avec légèreté et souplesse, effleurant à peine le terrain fertile qui commençait à lui donner l'eau à la bouche. S'arrêtant délicatement, il baisse son visage sévère vers le sol, et y arrache avec gourmandise quelques brins d'herbes. Il relève la tête et mâchouille, aussi silencieux qu'un mort.

Au loin, elle aperçoit une silhouette. Naturellement enjouée, elle s'en va à la rencontre de l'équidé à la robe luisante, souriante comme à son habitude. Adoptant un trot ample et fluide, elle ralentit une fois arrivée à une distance raisonnable de l'étalon et laisse ses cordes vocales jouer de leur mélodie : Bonsoir, jeune homme Son naturel charmeur revenait au galop, faisant pétiller son regard plein de malice.

Il reste insensible face aux belles paroles de la jument, et à sa ravissante apparence. Ce n'est pas si facilement qu'un prince se laisse séduire. Implacable, il rétorque calmement. « salut »

Nullement déstabilisée par la froideur de l'individu, elle se présente elle même : " Je suis Leonor. Malgré le fait que je ne sois ici que depuis peu, et le fait que je ne sois que de passage, votre robe ne me dit rien. Qui êtes vous, et d'où venez vous ? " L'appaloosa ne quitte pas son sourire coquin et se laisse bercer par la brise qui se fait un peu plus agressive à chaque souffles. Le ciel gronde et se zèbre rapidement de lueurs éblouissantes. Fascinée, telle une enfant, elle lève les yeux au ciel, la bouche entre ouverte.

« enchanté leonor. » malgré qu'il soit loin d'être chaleureux, il en reste tout de même poli. « mon nom est priam. » l'étalon marque une pause, comme si il hésite à dévoiler quelque chose de plus. « prince du royaume d'hécla. » elle ne doit très certainement pas connaître cet endroit, au grand soulagement du doré. Personne ici ne doit être au courant du combat des Six Frères.

Elle le jugea suffisamment prétentieux pour se dire prince, mais n'en tient pas rigueur, peu intéressée par l’extravagance de celui ci. A vrai dire, elle appartenait à ceux qui étaient poursuivi par les Dieux et qui possédaient un pouvoir dont seuls eux avaient la connaissance : elle aurait bien pu rencontrer le roi de la terre bleue, elle ne se serait pas senti inférieure. " Enchantée ", se contenta-t-elle de répondre en décrochant ses prunelles des nuages rugissants.

Elle lui demande d'où il vient et qui il est, il se contente de lui répondre. Rien de plus simple. Elle semblait pourtant bavarde, voilà que Priam remarque qu'elle a perdue sa langue. Il n'y prends pas garde et se remet à brouter, loin d'être soucieux de l'avis de Leonor.

La lune tentait de pointer le bout de son nez entre les cotons de fumée, éclairant brièvement le ciel noir de colère. La candide restait admirative, mais ne laissa guère place au silence : " Quel âge avez vous, Priam ? "

L'étalon relève son visage doré vers la jument et répond calmement. « 3 ans, et toi ? »

Elle apprit qu'elle avait à faire à un jeunot, encore expérimenté et peu soucieux du monde qui l'entourait. " Le double ! " elle échappa le son d'un rire timide.

Elle ne les parait pas. Priam semble plus mature qu'elle. Peut-être est-ce à cause de son statut et de l'éducation qu'il a subit. « ça m'étonne. » rétorque le prince sournoisement.

Naturellement optimiste, elle prit la remarque comme un compliment, ne jugeant pas que sa joie de vivre faisait d'elle une ingénue. Secrètement, elle avait même l'impression d'avoir un contrôle sur ce qui l'entourait : elle aurait aimé pouvoir l'afficher aux yeux des autres, elle en mourrait d'envie, mais la colère des Dieux l'inquiétait : ainsi, elle n'avait encore jamais usé de ses pouvoirs, ni de guérison psychique, ni de sa capacité à faire lever le jour à sa guise.

N'ayant aucune réponse, Priam ne cherche pas à poursuivre la conversation. Il tend l'encolure vers le sol et arrache quelques brins d'herbe.

Subissant le silence de l'animal à la robe cuivrée, elle soupira sur un ton à la fois provocateur mais plein de vérité : " Vous ne semblez pas plus à votre place ici que moi. "