/ ruin you

Elle était venue ici sans trop savoir pourquoi, peut-être mue par un instinct oublié et pourtant profondément implanté dans ses tripes, son esprit, son coeur. Ou peut-être espérait-elle recroiser sa belle Septenrê. Toujours est-il que Ruyn s'était de nouveau perdue dans le labyrinthe étrange. Pas vraiment inquiète, bien que le ciel soit gris, la noire avançant en frôlant les haies, ses naseaux survolant les plantes odorantes, l'air songeur. Et puis, se distinguant des odeurs fortes végétales, une odeur plus ténue, néanmoins non sortie de son imagination. Une odeur qui la ramena si brutalement en arrière qu'elle trébucha et s'arrêta, saisie, ses yeux bleus écarquillés. Serait-ce seulement possible ... ? Soudain frénétique, elle prit le galop, tournant à droite, à gauche, s'arrêtant devant les culs de sac, mais ne cessant de chercher ce qui était de plus cher à son coeur.

Des bruits. L'odeur. L'instinct. Un bruit. Un appel. Ruyn freine brutalement, dérapant dans le labyrinthe. Leva la tête, prit une respiration et répondit. Simplement, instinctivement. Et se remit à galoper aussitôt, frénétique, le coeur battant la chamade. Dieu qu'elle l'aimait ! Plus qu'elle, plus que Septenrê, plus que tout. Et puis, de nouveau une barrière végétale. Et l'odeur forte derrière. La rage au corps, elle déploya ses jambes immenses et sauta. S'élevant par dessus la haie, complètement folle, son regard bleu capta l'éclair doré à gauche d'elle, un peu en contrebas. Elle atterit maladroitement, envoyant son corps dans la haie en face, tournant immédiatement son regard illuminé de bonheur vers son frère. Son visage illuminé d'un sourire radieux, elle s'écria : Fenrir ! d'un ton joyeux.
Dire qu'il lui avait manqué aurait été réducteur. Il avait été la pièce manquante de son être.

D'un même geste, comme reliés par des fils invisibles, les jumeaux s'avancèrent l'un vers l'autre. Ruyn enlaça son frère avec une violence mal maîtrisée, souffrant presque de ce contact plus si familier. Simplement heureuse, soulagée, parce qu'enfin entière, sourit lorsque le tic particulier de son frère se signala contre son encolure. T'étais où ? murmura-t-elle, bien qu'elle se doutât qu'il n'avait pas de réponses précises.

Elle frissonna à peine, se reculant pour le dévisager de ses yeux pâles, nullement identiques aux siens. Peur ? répéta-t-elle, mais peur de quoi ? Au fond d'elle, elle connaissait la réponse. Elle aussi avait eut peur. De tout, tout le temps.

Nos vrais parents. Qu'il le dise à voir haute lui arracha une grimace amère, très prononcée, presque surjouée. Alors tu savais... murmura-t-elle, son regard voilé de nuages chagrins. Mais il lui en fallait plus pour en vouloir à son frère, surtout quand elle venait de le retrouver. Tu as peur d'eux ? questionna-t-elle, son regard brillant de nouveau de cet éclat malicieux et joyeux qui la caractérisait.

Elle aussi les avait aimé. Tout en se questionnant pourquoi elle différait tant de leur robe dorée, dont Fenrir avait pourtant hérité. Elle le laissa le dépasser, ne réagissant pas à son éclat de fureur. Ses mots était comme des épines de porc épic. Du moins c'est l'image mentale qu'elle s'en faisait lorsqu'il lui avait parlé de la sorte. Elle sourit d'un air effacé, et murmura, très bas : Ils me fascinent ... Puis se tourna vivement vers l'étalon, l'air honteuse de cet aveu qui la laissait assez perplexe. Ils étaient atroces. Et on n'avait pas élevé les jumeaux ainsi.

Lorsqu'il fit un pas sur le côté, le corps de Ruyn suivit le mouvement, se rattrapant d'un pas chancelant d'une chute qu'elle n'avait pas entrepris. Elle n'avait même pas réfléchi, son corps avait juste suivit, comme un miroir aurait représenté fidèlement son Narcisse. Mais une vague de confiance l'envahit lorsqu'il lui avoua qu'il les fascinait aussi. Mara est partie, dit-elle un peu plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu, baissant les yeux d'un air courroucé. Ils étaient tous partis en la laissant.