‹ magnetic road ›

OROSZLÀN.
L'humidité hérisse les poils du Lion. Sa silhouette dorée se découpe nettement sur le sol d'émeraude, autant que sur le ciel sombre. Ses crins pâles sont agités par une brise nerveuse et électrice. Le regard fixe, il marche sans trembler.

Aslaug n'arrête pas de tourner en rond, à ravaler ses propres pas. Son esprit se perd tant la plaine lui plait et qu'elle aime y rester. Mais sa solitude touche à sa fin tandis que son regard se pose avec délicatesse sur la silhouette du fauve. Sans trop le reconnaître, elle s'arrête, ses crins fouettant vigoureusement son visage dont les traits sont sereins.

Le Lion a grandi. Sans avoir encore toutes les formes d'un adulte, il s'est affirmé. Le yearling blond déplore la perte du Nord. Il déplore l'inondation, il déplore qu'elle lui ait pris le bateau où est mort son père. Lui qui gardait ce lieu comme un emblème ultime...
Il sent dans l'atmosphère lourde l'odeur de la jument, qui lui semble familière. Oroszlàn se retourne lentement, hennissant un peu dans sa direction.

Maintenant qu'il a henni, Aslaug le reconnait parfaitement et s'approche de lui au petit galop. En s'arrêtant près de lui, elle fait mine de lui rentrer dedans, taquine.
« Alors petit soldat, on écume les terres libres ? » Les seules qui pouvaient encore tenir debout.. leur seul refuge.

Il la reconnait vite aussi. Il lui sourit, attendant son arrivée sans bouger, sage et docile. Puis enfin, il fait mine de l'esquiver avec un léger écart. S'il a grandi, elle, elle n'a pas beaucoup changé. « Je n'ai plus le choix ! Le Nord est détruit » déplore-t-il en baissant les yeux.

Aslaug ne vieillissait jamais, c'était bien connu. Sa naïveté lui permettait de rester aussi fraîche que la rosée du matin, elle gardait à vie ses faux airs de pouliche sans défense. Seule sa robe grise finissait par être gommée par le blanc de l'âge.
« C'est bien vrai.. » Elle se rembrunit; elle se souvenait d'en avoir parlé avec les étrangers, qu'elle ne voulait pas perdre son foyer. C'était chose faite.
« Tu sais s'il y a quelque chose à faire ? » Que cherchait-elle comme réponse ? Rien ne pouvait leur rendre leur territoire.

Il remarque sa tristesse à elle aussi. Il la ressent, peut-être plus intensément que la sienne. Elle vit ici depuis plus longtemps que lui. Peut-il donc s'imaginer ce qu'elle ressent, elle ? Difficilement, tant le chagrin du Lion est immense.
Il hausse les épaules, penaud. « Peut-être qu'il faudrait partir. Trouver d'autres terres. Du neuf. » Il dilate ses naseaux, captant toutes les saveurs se baladant dans l'air. Malheureusement, il n'y trouve pas grand chose sinon la chaleur lourde et sèche. « Mais quelque chose qui ressemble au Nord. Ça me semble inconcevable de vivre... ailleurs. »

« J'ai arpenté les nouvelles terres et tu as raison, rien ne ressemble au nord » Elle se tait, les lèvres closes, le regard éteint. Murphy aurait-il pu faire quelque chose ? Pour la première fois depuis sa disparition, son dominant lui manque.
« Y-a-t-il toujours des dominances ? » Demande-t-elle, sûrement intéressée.

Il hoche la tête, attristé. La question éveille la curiosité du yearling blond. « Je n'en sais rien. S'il n'y a plus de territoires, pourquoi y aurait-il des dominants ? Mais si l'on reste trop longtemps sur ces terres restreintes, sûrement bientôt se détachera un personnage pour nous commander tous. » Il frissonne. Bizarrement, l'idée d'être dominé par quelqu'un d'autre que son père ou bien Nox déplait au Lion.

Le frisson est partagé et parcourt le frêle corps de la nordique qui plante son regard dans celui du lion.
« Ce sera à nous de jouer, jeune soldat » Ses paroles sont fermes et sans équivoque. Le nord est un héritage qui coule dans les veines, elle en est persuadée et n'hésiterait pas à se battre pour que cela reste vrai.

Il sourit, fier d'avoir une alliée, une amie (?), qui l'aiderait à conserver le Nord. À en trouver un autre, à veiller à ce que l'héritage de Murphy soit respecté. « Quand je serai grand et fort, je vous protègerai. » clame-t-il, fier et haut.

Le rire crystallin d'Aslaug résonne sur la plaine; elle ne se veut pas moqueuse mais ne peut s'empêcher de s'attendrir devant l'esprit guerrier de l'héritier du nord.
« Merci de ta sollicitude. Mais je pense pouvoir me défendre » Fait-elle en lâchant un sourire taquin. Puis elle soupire. « Je pense que nous n'allons pas être les seuls à vouloir rassembler les troupes et diriger.. »

Ah ça, pour être audacieux, il l'est ! Peut-être trop, peut-être démesurément, pour son âge, en fin de compte. Peut-être tient-il ça de Murphy, déjà courageux et inconscient lorsqu'il venait d'avoir la dominance du Nord. Il hausse les épaules. « Je ne veux pas spécialement dominer. Je veux retrouver le Nord. Je veux retrouver... mon chez-moi. » confie-t-il en baissant lentement les yeux.

Aslaug est un peu déstabilisée par les paroles du mâle.
« Pour avoir notre chez nous il faut s'assurer qu'une tyrannie ne se mette pas en place.. » Elle ronfle doucement, les souvenirs du règne de Ramsès et Apophis n'était pas si loin.

Il n'a pas vécu la guerre et le règne terrifiant des deux jumeaux. Mais grâce aux souvenirs et paroles de son père, il sait. Il se souvient de la façon dont il en parlait, lui-même, surtout de Ramsès. Une haine obsessionnelle. « Je veillerai à ça. Je ne veux pas que le Nord soit victime d'une tyrannie. » Le Nord, encore et encore. Et le reste, dans tout ça ?