Ô doux espace créatif où s'évade un esprit vif.

La pouliche dort. Son esprit s'évade, se disperse à travers sa création mentale. Il laisse une marque à son réveil. Les rayons douloureux du soleil levant agressant ses yeux. Sous le poids, ses paupières lourdes referment et voilent son regard. Elle ne veut pas s'extirper de ce rêve dont elle était le guide de ce monde fictif. Le retour à la réalité est dur. Elle se trouve sur le récif, entendant les vagues qui se déchainent sous elle. Son corps qui se redresse et Runaway pose un regard froid sur l'étendue océanique au chant chaotique.

Ses yeux continuent à porter de l'attention à l'océan. Un intérêt soudain mis de côté quand vient une silhouette d'une pouliche égarée. La raison d'un regard sévère qui se plaque sur cette chose vivante. La solitude de Runaway qui est corrompue par la présence de cette inconnue. Un mépris qu'elle garde enfoui en elle dont ses yeux ne retranscrivent aucune pitié que le corbeau peut ressentir à ce moment-là. Il y a peu, son esprit s'évadant dans ce monde fictif dont elle tenait les rênes. La réalité qui s'encaisse difficilement, donnant la nausée à la brunette. L'horloge tourne, le temps passe et elle s'en lasse. Elle reste, tapie dans l'ombre, le regard sournois détaillant la chose qui avance.

Les hennissements de l'inconnue percent le silence et ce nom Raven claque comme une sentence. La petite ne bronche pas comme si des racines la maintiennent en place. Le corbeau ne change pas son regard de direction ; il s'écrase sur la silhouette dont les formes se dessinent plus en détail à chaque pas de la rousse. Tu te trompes. La voix souffle et se mêle au vent dans une parfaite harmonie.

Tu es qui, toi ? Une question qui se pose dans l'esprit de la jeune. Une question simple dont la réponse peut être spontanée. Pourtant, Runaway reste muette et ne donne pas l'impression qu'elle apportera une affirmation à l'inconnue. Ses yeux pèsent toujours sur la rousse et la brune réprime un soupir. Qui es-tu ? Elle tourne dans la tête de la petite, la torturant à se répéter inlassablement. Personne. La gorge qui articule ce mot en guise de réponse. Ce n'est pas un mensonge, voilà la vérité. Elle n'a livré aucun combat identitaire pour savoir qui elle est. Elle est un être insignifiant, essayant de forger son nom dans la roche par son ambition. Cette concupiscence masquée en elle fait voir au regard des autres une pouliche fragile.

Cette joie inexplicable, cette gaieté sans raison ; elle ne corrompt pas la jeune dont l'esprit corrosif semble s'adonner à une vertu sans bonheur. Ses yeux suivent les formes de la petite. Une analyse en profondeur quand le regard de Runaway perce celui de Maxine. Elle ne se lance aucun objectif d'amitié envers ses congénères. Elle est telle une roche, sans sentiment, qui reste cependant lourde. Tu cherches Raven ? Sa voix enchérit spontanément. Une intonation qui prouve son impartialité.

Tu le connais ? Cette question qui froisse l'esprit de la pouliche. Elle cherche mais pourtant la réponse est claire. Elle ne connait personne ; personne la remarque. Elle est une ombre insignifiante ; une pièce du décor dont l'utilité est à revoir. Ses yeux se tournent vers l'océan un bref instant avant de revenir sur la rouquine. Non. Les mots qui se formulent dans sa bouche semblent mettre le feu à sa langue. Ses yeux sont comme des flèches qui fusent vers leur cible. Elle ne lâche pas du regard la dénommée Maxine ; elle dévore chaque détail de sa silhouette. Elle noue un intérêt quelconque pour cette pouliche, qui pourtant, n'a rien de particulier.

Vous vous entendriez bien ! Elle réagit en redressant la tête. Comment cette pouliche qui ne la connaît pas peut avancer un tel propos ? Ses yeux ne la lâchent pas, il trahit la confusion de Runaway. Maxine s'est lancé dans un vrai défi. Celui d'apprivoiser la confiance de l'akhal. Une confiance meurtrie par le monde, damnée à n'avoir aucun lien de confidence avec autrui. Il peut y avoir une exception, mais pour l'instant la pouliche montre une incapacité à toute relation. Elle n'est pas forcément fermée d'esprit, mais elle n'accepte rien et personne. Pourtant sa rencontre avec ce poulain doré peut la faire revenir sur la question. Elle ne peut pas le nier, mais la rouquine exerce un pouvoir d'attraction sur Runaway. Tu souris toujours ? Cette question spontanée brise son mutisme et affirme son incompréhension au sujet de la joie de Maxine.

Non. Sa réponse est directe, prononcée dans une impartialité étonnante. L'éclat de joie fait briller la rousse. Le contraste entre elle et Runaway est flagrant. Ses lèvres ne s'étirent pas ; aucun sourire anime son expression. Elle donne l'impression d'être un simple cadavre dont l'âme s'est envolée depuis un moment. Elle met en application les conseils de son père en fermant les yeux pour ne pas être trahie.