#gold.

Quelques souvenirs refont surface. Ma mère, cette horrible jument. Et les autres. Ils étaient dangereux les autres. Ils m'ont ruiné les autres. Ils m'ont fait devenir quelqu'un que je ne voulais pas devenir. J'aurais pu être tellement quelqu'un de mieux, physiquement. Mes yeux se remplissent d'eau, non pas à cause du vent qui s'amuse à me faire chanceler à l'aide des vagues, mais à cause de la tristesse qui m'envahit. Je baisse la tête et frappe soudain la vague qui arrive sur moi avec une force que je ne me soupçonnais pas. La colère m'anime. Je regarde mon maigre reflet dans les remous de l'eau et je ne perçois presque rien ... Tant mieux. Je n'ai pas fait attention à cette nouvelle présence non loin de moi, trop occupé à me noyer dans mes pensées.

Décidé à chasser ces mauvaises pensées et ce sombre passé, je secoue nerveusement la tête. Plongeant mon regard une dernière fois dans les yeux de l'océan, je décide enfin à reprendre la marche. C'est à ce moment-là que cette étrangère entre dans mon champ de vision. A peine avais-je exécuté une volte face que je m'arrêtai à nouveau. Elle était là, plantée, à m'observer. Un regard interrogateur lui fut lancé et, moi-même, je me retrouvai à ne plus bouger. Immobile, les sabots s'enfonçant à nouveau dans le sable imbibé d'eau. Qu'attendait-elle là ? L'espionnait-elle ? Dans quel but ?

Un instant, je me sentais comme dépourvu et mis à nu. Comme si on m'avait surpris à faire quelque chose que je n'avais pas le droit de faire. Tiraillé par une certaine timidité, je reste planté là, à observer cette silhouette aux couleurs grisâtres. < ... Bonjour ! > réussis-je à articuler. Me sentant empêtrer dans le sable humide, je tente avec maladresse de m'avancer sur la zone sèche. Lourdement et un par un, mes sabots se retirent de leur piège. Je m'avance près de la nouvelle venue, en gardant une certaine distance. < Vous êtes là depuis longtemps ? > demandé-je enfin. Je priais pour que la réponse soit non.

Pourquoi recule-t-elle ainsi ? Lui fais-je peur ? Je m'accorde un instant pour observer ma misérable silhouette. Elle n'est pas changée; elle est toujours la même que lorsque je suis arrivé. C'est peut-être pour cela qu'elle s'éloigne ; elle ne doit pas apprécier ceux qui font peur, ceux qui ont cet aspect cadavérique et malade. Je décide de ne plus bouger pour ne pas l'effrayer. Je ne voudrais pas la voir fuir, la voir me fuir. Je ne sais que répondre à ça alors je me contente simplement de l'observer. Après de longues secondes, il me vient à l'esprit quelque chose. < Au fait, moi, c'est Hunchback. >

Blessé au plus profond de mon être, mes yeux s'écarquillent comme des billes. Mes pupilles se dilatent et j'ai comme l'impression qu'on vient de m'enfoncer un pieux, droit dans le coeur. Mes oreilles se baissent et me donnent l'air penaud et triste. Au fil des secondes, ma tête se baisse et je ne peux m'empêcher de déclarer < Quand on s'en tient à mon physique ; en effet, il me correspond ... > Une longue expiration s'en suit. Je redresse la tête et écoute son prénom qui n'a plus d'importance pour moi. A quoi bon rester avec quelqu'un qui s'attache au physique ? Lentement, je décide de prendre le pas et de m'échapper de cette jument.

Je baisse les oreilles en voyant que la grise me suit. Elle veut en rajouter une couche, c'est ça ? Ils sont bien tous pareils, ces persécuteurs. Je ronfle nerveusement et laisse ma queue chasser l'air. Puis, j'entends ses paroles qui se mêlent au vent. Je m'arrête et je m'aperçois de mon erreur. Elle ne savait pas ... Gêné de m'être emporté de la sorte, je reste muet alors que je me tourne pour lui faire face.