Flirt avec la mort

Quoi de mieux qu'un cimetière pour se sentir revivre ? Cette question pourra vous paraître surprenante, mais pas pour elle. Non, rien de plus naturel, vraiment. Elle marche entre les tombes, le vent glacé faisant fouetter ses crins d'ébène sur sa robe. La tête basse, elle sentait le sol : l'odeur du sang, de la décomposition, de la mort. Que de bons souvenirs... Mais trêve de plaisanteries, elle était là pour chercher. Elle regarda autour d'elle. Personne. Elle continuait sa fouille, se méfiant quand même des alentours. Soudain, elle s'arrêta net. Quelqu'un approchait. L'air de rien elle se mit à brouter, à quelques mètres des tombes, scrutant du coin de l'oeil les alentours. Qui pouvait bien venir la déranger ?

#Delgado
Le frison vient rarement dans le cimetière, c'est d'ailleurs sans doute la première fois qu'il y met les pieds. Cet endroit ne lui inspire pas de peur mais bien un peu de tristesse puisque c'est une amie qui y est maintenant enterrée.

Entre temps, un brouillard par nappes épaisses s'est installé. Le vent le pousse, ne laissant jamais les mêmes endroits cachés. Elle dresse ses oreilles, écoutant le bruit d'une démarche imposante. L'odeur d'un mâle vient titiller ses naseaux. Elle reste immobile, quelques minutes encore, jusqu'à ce que le brouillard lui permette de le voir. Elle l'observe, de bas en haut d'un regard calme et épris d'une étrange douceur. Sa soif de sang semble loin désormais, et son côté ange reprend le pas sur sa noirceur. Elle se met à sourire, d'un air franc, sympathique.
"Que faîtes-vous dans un lieu comme celui-ci ?"

Le sage étalon laisse le brouillard le draper de toute sa douceur. Il doit parfois se baisser et plisser les yeux pour lire les noms sur les pierres, ne sachant pas exactement où repose maintenant la petite jument pie qu'il avait un jour connu.

Il finit par se rendre compte qu'il n'est pas seul, une odeur lui indique la présence d'un inconnu. Delgado reprend sa marche avant qu'une jument ne se présente à lui. D'un signe poli de la tête, il la salut avant de répondre à sa question ; "Je rends visite à une amie." Souffle-t-il avec toute sa douceur habituelle, teintée d'un brin de chagrin.

Elle hoche la tête, compatissante. Elle se glisse furtivement à quelques mètres de l'étalon. Elle l'observe sans un mot, détaillant ses traits. Des traits plutôt doux, tranchants avec son allure imposante. Son regarde était doux, calme, certainement un gentil, un vrai qui sait ? Après tout, ce sont les plus amusants...
"Qui cherchez-vous ? Je peux peut-être vous aidez ?"
Elle avait déjà passé assez de temps dans ce cimetière pour y repérer bien des noms...

A vrai dire, c'est une proposition qui l'étonne. Il est à peu prés certains de ne jamais l'avoir croisé sur Galop Sauvage. Il n'est pas ici depuis très longtemps mais assez pour savoir que son odeur n'est pas encore marquée par celle de sa harde. Il lui faudra faire connaissance avec la noiraude plus tard.

"Je cherche la tombe d'Astiana, la terre doit être..." Il s'arrête un bref instant, la réalité est encore assez dure à digérer "...fraichement retournée." Sur son visage, on lit aisément le chagrin mais pas la sourde colère meurtrière qui étreint encore son coeur depuis qu'il a su qu'elle a été assassiné. Sa mort ne restera pas impayée.

Fraîchement retournée ? Elle l'avait forcément sentie. A vrai dire ses premières visites sont toujours pour les cimetières. Elle y voue une certaine fascination, peut-être un peu malsaine finalement. Elle s'éloigne donc de l'étalon et disparaît dans une nouvelle nappe. Tête basse, elle recherche l'odeur de la terre fraîche. Au bout de quelques minutes elle s'arrête au pied d'une tombe. Un nom fraîchement taillé s'en détache : Astiana. Elle redresse la tête avant d'appeler l'étalon à plusieurs dizaines de mètres d'elle.
"Je pense l'avoir trouvée"
Elle recule de quelques pas, laissant l'accès à la tombe libre.

Le grand étalon cherche aussi de son côté avant d’entendre la voix de la jument. Ses oreilles captent immédiatement la position de la demoiselle.

En quelques foulées de trot, sillonnant entre les tombes de tous ces inconnus ayant façonné l’histoire de Galop Sauvage, le frison se retrouve face à la sépulture d’Astiana. Une larme trace son chemin sur la face charbonneuse du massif mâle. « Mer- » Il s’arrête, sa voix n’est qu’un râle où grésille la douleur. Il s’éclaircit la gorge "Merci pour votre aide. »