,, it's too cold outside for angels to fly.

AENOR.
Elle se fond parfaitement dans le décor aux parures rougeoyantes.
Mais la princesse n'a pas faim. Il lui semble qu'en lui prenant sa liberté et ses principes, on lui a tout pris avec. Elle n'a plus jamais faim, plus jamais sommeil. Elle ne veut qu'une chose : courir. Se sentir mourir un peu à chaque foulée pour, contradictoirement, sentir la vie brûlante. Celle qui vous donne tout avant de tout vous reprendre.
Alors, Aenor se met à courir. Elle prend de la vitesse directement. Aucune fraise ne s'écrase sous ses sabots délicats, elle vole, elle rase le sol. Elle ferme les yeux et se sent entière. C'est tout ce qui lui reste comme liberté. S'envoler.
Elle devient la terre moite que ses sabots avalent, elle est le vent sifflant à ses oreilles. Elle est la caresse furtive des rayons solaires, elle est le passage éclair d'un nuage devant l'aura rayonnante. Elle est quelques ronces qui griffent ses jambes, elle est l'oiseau qui la frôle. Elle devient la terre, le ciel, le soleil, le vent. Elle devient l'adrénaline qui la fait avancer, toujours plus vite. Elle devient tout et parvient enfin à se retrouver ; en étant tout ... sauf elle.

Oslo se délectait de quelques fraises, trouvant la solitude bien pesante sur ces terres qu'ils auraient cru plus hospitalières. Un tambourinement plus tard, il releva la tête, ses lèvres dégoulinantes de jus de fraises, avisant une jument rousse galopante dont les crins ondulés flottaient derrière elle comme des étendards.

Elle ne le voit pas. Elle ne le sent pas.
Pour la terre, pour le soleil, pour l'air, il n'existe pas. Alors, pour elle, il n'existe pas. Pas encore.
Filant à toute allure, elle ne voit que l'horizon. Une ligne droite, à jamais imperméable aux malheurs du monde. Elle aimerait être comme elle, puis cette pensée s'efface. L'horizon connait-il l'adrénaline ?

Elle passe devant lui comme une fusée, il fronce les sourcils, ses crins frappés par le vent qu'elle a provoqué s'envolant sur la droite. Il dilate ses naseaux, lève la tête, et pousse un hennissement sonore - peut-être l'entendra-t-elle.

Elle l'entend. Comme un écho la rappelant à la réalité.
La réalité et toute sa tristesse, ses émotions si fades comparées à celles de la course, sa nostalgie affichée par le bal incessant du jour et de la nuit. Elle ralentit brusquement, et ses naseaux dilatés repèrent une odeur inconnue. Une odeur de mâle.
Toujours – et sûrement cela ne disparaîtra plus jamais – la princesse se raidit intérieurement. Ses yeux noirs et vifs captent la silhouette immaculée d'un étalon baraqué, plus loin. Elle vire sur la gauche, dans un trot énergique et gracieux. Elle hennit doucement en réponse.

La charmante apparition ralentit, ses crins frisés battant contre son encolure transpirante. Elle se tourne et revient à lui dans un trot gracieux et contrôlé, le dévisageant avec attention. Il fait de même, un peu plus discrètement, ne voulant pas provoquer quelque malaise en elle.

Il est grand.
Mais il est trop clair pour être l'objet de ses cauchemars. Alors, elle s'approche. Toujours sur le qui-vive. Parce que si elle s'amusait, auparavant, à être toujours la chasseuse, à inverser chaque rôle... elle sait que depuis sa séquestration, elle ne sera plus jamais qu'une proie. « bonjour. » souffle-t-elle d'une voix fluette, sans l'avoir lâché des yeux.

Petite lueur de crainte dans ses yeux noirs, pourtant la jeune jument s'approche quand même. Un sourire bienveillant sur les lèvres, le prince gris l'observe avec attention, retenant chaque frémissement de ses muscles sous sa peau cuivrée. Bonjour ! répond-t-il d'une voix plus franche, relevant la tête. Que fuyez-vous donc ainsi, à courir avec tant de rage ?

Elle s'amuse de sa question, et hausse les épaules, légère. « la mort. il n'y a qu'en courant ainsi que je me sens pleinement vivante. » avoue-t-elle dans un sourire rayonnant, observant la curieuse robe de l'inconnu.

La mort vous rattrapera toujours, douce princesse, mais c'est nécessaire de rêver pouvoir la déjouer, répondit-il, sans doute trop terre à terre pour la rêveuse.

Elle laisse s'échapper de ses lèvres rosées un rire bref. « je ne rêve pas quand je cours. » réplique-t-elle avec un clin d'oeil. « je m'appelle aenor. » fait-elle en terminant de s'approcher de lui.

Il ne répond d'abord rien, méditant sur ses paroles. Puis elle se présenta, et il buta sur son prénom, celui-ci faisant écho à quelque chose de son enfance. Aenor ? répéta-t-il, son regard fouillant le sien. Etait-ce la petite princesse du bateau échoué ? Elle avait grandi, et si changée, portant à jamais l'empreinte de ces choses fragiles qu'on a brisées.

( ils se connaissent ? j'ai un putain de trou de mémoire ... )

Elle fronce légèrement les sourcils. Son nom l'interpelle-t-il ? Elle choisit pourtant de rester naturelle et simple. Elle hoche tranquillement la tête. « oui, c'est moi. » choisit-elle de répondre, curieuse et intriguée.

Je connaissais une Aenor, quand j'étais petit, explique-t-il, et ce nom étant peu courant je ... je suppose qu'il s'agit de vous, fit-il en relevant son regard vers elle, plongeant ses yeux océans dans les siens. Je m'appelle Oslo, Oslo ... le chevalier dit-il en riant un peu.

oh mais oui !!!!!

Le regard de la princesse s'illumine d'un seul coup. Brillant, de mille feux, de mille diamants oubliés qu'on vient de retrouver. Toute sa méfiance s'envole en un claquement d'ailes de papillons. Elle se rapproche, le coeur serré. Les rares souvenirs qui lui restent de son enfance ici, elle y tient. Elle croit les avoir perdus mais ils se cachent là, juste derrière les nuages noirs de son traumatisme. « oslo.. mon chevalier. » murmure-t-elle d'une voix rêveuse.