‹ come break me down ›

Oroszlàn ne craint pas les loups. Mais il les respecte, et a conscience qu'ils peuvent leur causer bien des blessures. Il en garde encore certaines marques, d'ailleurs.
Il prend le pas, suivant l'appaloosa. Il a du mal à se dire que cet être, qui est aujourd'hui son ami, son confident, a été celui de son père, autrefois. Il accélère un peu la cadence.
« difficilement. au nord, ils osent moins venir. c'est moins facile pour eux, disons, mais ils sont déjà venus. ils ont capturé bien plus des autres troupeaux que des septentrionaux, c'est déjà ça. mais avec les autres dominants, on peine un peu à se mettre d'accord tous ensemble sur la marche à suivre. » soupire-t-il, las. Il n'en peut plus de cette histoire, de ces tourments.
Le laissera-t-on vivre en paix, un jour ?
Quand tu seras mort, gamin. Peut-être que les démons retourneront en enfer, eux aussi.

Hope suit sans peine la cadence du jeune mâle, toujours en forme malgré son âge qui se fait honorable. C’est bien parce qu’il a été un confident fidèle à Murphy qu’il ne laissera pas tomber son enfant. Ne plus jamais répéter les mêmes erreurs. Plus jamais. Et puis il y a ce lien de sang qui les uni, Oros est de sa famille. Un lien éloigné mais qu’importe. « Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre…certains parlent d’abandonner les terres, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure option… » Et de toute manière, il ne fuira plus. Lui, il restera, coûte que coûte.

Le Lion hoche tristement la tête. « je ne peux pas quitter le nord... » confesse-t-il, nostalgique. Quitter et abandonner son territoire, c'est les laisser gagner. C'est leur donner Murphy.

Le roi de Nord restera donc lui aussi fidèle à ces terres. « Alors nous ferons face côte à côte. » Peut-être la mort les attendra-t-elle mais lui, il la regardera en face.

Il mourra sur les terres qu’il a offert en asile après l’immense migration, menée par les dominants d’autrefois. « C’est ici chez nous. » Et ces simples mots lui mettent le baume au cœur, adoucissent son âme.

Les mots de l'appaloosa apaisent aussi les craintes d'un départ dans le crâne d'Oroszlàn. Il sait que, pourtant, si ce jour arrive, il sera forcé de suivre. De laisser tout ça derrière-lui. Pour ne pas abandonner les siens. Pour ne pas livrer sa famille à l'inconnu. Mais sera-t-il capable de les protéger ? Seras-tu déjà fou, gamin, comme l'a été ton père ?
Il ferme les yeux, ne laissant pas l'entrée aux doutes, aux démons. « dis... mon père, il était comment quand il était jeune ? » chuchote-t-il, dans un souffle à peine audible, les yeux toujours clos.

Hope reste silencieux un instant. La forêt est calme, les loups ne se font plus entendre. Quelques mouvements furtifs témoignent de l’activité nocturne autour des deux étalons. L’appaloosa se replonge loin dans ses souvenirs. Là où les visages commencent à devenir flou. Il revoit Murphy, Nox, Avalon, Mara, Orenç…ils n’étaient que des enfants, orphelins pour la plupart, rejetés pour d’autres. « On s’amusait bien avec lui. Déjà poulain, il avait une belle âme. Mais on n’était que des gosses à cette époque. C’était pas facile pour tout le monde, on s’est créé une famille. Lui, il était mon frère. On jouait, on se confiait. Il savait écouter, soutenir et…pardonner. »

Puis il cherche encore, il creuse, il dépoussière. Il se rappelle de ces années derrière lui, de ces personnes qui ont fait partie de sa vie. « Il n’a pas perdu sa prestance en grandissant. Ni ses vertus. Et même quand il a sombré dans sa folie, je savais que tout cela vivait encore au fond de lui. Il a amené la paix sur le Nord aux côtés de Nox. J’aimais parler avec lui, c’était certainement l’une des personnes la plus humble, intelligente et sincère que je n’ai jamais connu. Il m’a même offert son pardon alors que l’on me crachait dessus pour trahison…. »

Avant de mourir, Murphy a confié à son fils tous ses secrets. Toute sa vie, tous ses récits, toutes ses connaissances, tout ce que sa mémoire contenait lorsqu'il était encore sain d'esprit. Il profitait toujours de ses moments de lucidité pour lui raconter une histoire, nouvelle.
Mais bien trop souvent, le Lion a entendu du mal de « Solheim ». Qu'il était devenu simplement fou, agressif, cruel. Qu'il avait violé. Qu'il avait souvent failli tuer, qu'il avait blessé. Qu'il était le Roi Fou. Enfant, Oroszlàn avait beaucoup été catégorisé comme un bâtard de la pire espèce, engendré par cet étalon possédé et une jument-reine absolument détestable. Super réputation.
Alors, d'entendre des choses aussi positives sur son père, des années après sa mort, des années après sa vie – la belle, la vraie – cela lui fait quelque chose au creux du ventre. Ça remue, ça l'émeut. Il sent même les larmes lui monter aux yeux. Il savait que pour Murphy, cette famille d'orphelins était tout ce qu'il avait de plus cher avec le Nord, puis avec lui, lorsqu'il était né. Il ferme doucement les yeux, essayant d'imaginer ces poulains qui voulaient refaire le monde à eux seuls. Qui s'étaient unis, dans la désolation de leurs conditions propres. « Merci... » chuchote-t-il seulement, avant de rouvrir les yeux au bout de quelques secondes. Il pose un regard doux sur l'appaloosa. « Je pense qu'il avait raison de te pardonner. Je pense que vous aviez raison de vous aimer ainsi. »
Il fait une pause, ralentissant. « Il en reste d'autres, à part... toi ? »

L’appaloosa adresse un sourire tendre au jeune étalon, quelque chose de presque paternel et à la fois plein de gratitude. La cadence de leur marche ralentie lorsque cette funeste question retenti.

Il connait la réponse et n’a pas besoin d’y réfléchir. Seulement la réalité est bien douloureuse car de ces poulains ne restent maintenant que de la poussière. « Non, tous ont quitté ce monde Oros…et si j’y suis encore, c’est parce que chacun veille sur moi… » Du moins c’est ce qu’il se plait à croire parfois, en observant scintiller les étoiles, lorsque son vieux cœur se fait lourd

Comme s'il était redevenu un enfant, le Lion lève les yeux vers le ciel sombre. Il n'y voit aucune étoile, mais s'imagine qu'il est là, quelque part. « Je me dis aussi parfois qu'il veille sur moi, comme il l'avait promis. »

» I'm Only Gonna Break Break Ya Break Ya Your Heart ( 8 )
» Break / N /
» ~ When we break the ice
» break it down
» [ Break the ice ] O