∞ brumes et pluies

Socrate frisonne. Ça lui arrive peu. Jamais il ne ressent peur ou tristesse, pourtant ce lieu le transporte ailleurs, au-delà de l'esprit. Le mâle marche d'un pas lent le long de ce rivage morne. La neutralité du lieu le rassure, l'enfermer dans un cocon adorable. Tout n'est jamais absolument beau, la vie peut se montrer à nue et laisser chacun faire voyager son esprit sans les parasites visuels, olfactifs et auditifs qui inondent l'existence. Là il peut ne penser à rien, juste fixer du vide. Est-ce là un pas vers la mort ? Il s'arrête, tressaillant, laissant ses yeux danser librement sur ce tableau gris qui l'envahit.

je me permet

Par miracle, si ce n'est qu'un miracle, la grisé était arrivé ici, sans but précis mise à part réfléchir à tout ce qui s'était passé sur les anciennes terres, avec les humains, combien de chevaux ont été emporter... Mais l'endroit où se trouvait Catyla était certes, étrange, mais pour elle, c'était son style d'endroit calme, pas de bruit, pas de climat, comme un monde à part. Se laissant perdre dans la brume, elle se laissait guider au bord de cette eau limpide.

Une silhouette blanche vient tâcher le tableau gris qui s'offre à Socrate. L'animal soulève lentement la tête, elle semble aussi perdue que lui. Elle ne représente que peu d'intérêt donc. Le mâle se demande ce qu'il doit faire: l'ignorer ou aller lui parler ? Comme un enfant à qui on n'a pas eu le temps d'expliquer la vie, il se pose parfois des questions bien bêtes et ne sait pas réagir face aux autres. Mais, alors qu'il hésite sur la marche à suivre, la jument s'est déjà rapprochée de lui.

Catyla avançait, ne faisant guère attention à la forme sombre que représentait l'équidé au loin. Elle était simplement perdue dans son cosmos, le cosmos qui est une pensée qui ne se pense pas, suspendue à une pensée qui se pense. Elle pensait, certainement différemment mais en venant frôler une forme, la grisée ré-ouvra les yeux, découvrant un équidé.< Excusez-moi. >

Deux entités prélevées de l'univers qui sont placés là et qui se rencontrent avec autant de maladresse l'un que l'autre. Socrate hoche la tête, il ne sait que répondre. D'habitude il sait préparer ses rencontres, il a quelques phrases préconçues si son esprit est vide de question. Pourtant là il ne sait que dire. « Je t'excuse » Est la seule chose qui s'extirpe de sa gorge.

Ne cherchant pas la conversation totale, elle vînt à se remettre droite. Plongeant son regard à la découverte de ce corps sombre qu'était l'étalon. Combien de fois n’entend-on pas dire que telles ou telles pensées sont inexprimables. Elle ne crois pas qu’aucune pensée proprement dite ne puisse être rendue par le langage.

Socrate reste silencieux quelques secondes, quelques minutes, il observe cette étrange étendue qui s'offre à eux puis se tourne vers l'inconnue. « Tu crois que c'est dangereux ? » Loin d'être peureux, il n'aimait pas prendre de risque inconsidéré et ainsi poser un sabot sur une surface qu'il ne connaissait pas, ne l'enthousiasmait pas particulièrement.

Si c'était dangereux? Telle est la question. Mais du peu qu'elle a entendu, la surface faisait du vas-et-viens sur le gravier, Catyla n'avait qu'une impression pas encore sûr , mais aucune réponse. < Du peu de temps où j'occupe les lieux, j'ai plus l'impression que c'est de l'eau, à proprement parler. > répond-elle-en observant le ciel sombre, aucune lueur ne se faisait remarquer au-dessus d'eux.

Légèrement rassuré par les dires de la jument, Socrate avance lentement pour aller poser un sabot sur la surface instable et inconnue. Celle-ci réagit comme de l'eau mais le pied de l'animal ne s'enfonce pas. « C'est comme si l'eau voulait supporter tout mon poids » Murmure-t-il complètement déconcerté. La seule fois où il avait rencontré pareille découverte, c'était dans des terres lointaines, lorsqu'il avait marché sur une mer de sel.

Restant au large, elle observait le mouvement de l'étalon qui s'avançait imprudemment vers ce liquide peu semblable à celle que Catyla connaissait. < C'est étrange tout de même. > Affirma-t-elle.

La voix de la grise lui paraît lointaine, comme s'il s'enfonçait dans un autre pays, dans une autre dimension. « Viens voir par toi-même » Lui intime-t-il, voulant s'enquérir d'un autre avis.

Nous sommes plus curieux du sens des rêves que des choses que nous voyons éveillés. Commençant à avancer, la demoiselle se pivota par instinct vers Socrate, comme ci celui-ci avait ouvert une voie pour accéder vers le liquide qui dévorait l'horizon.

La sensation est étrange mais plaisante pour Socrate qui continue d'avancer. « Qu'en penses-tu ? » S'enquit le mâle alors qu'il approche ses naseaux du sol étrange.

Avançant petit à petit, son plaisir grandissait aussi. Un léger sourire s'étirait sur ses lèvres, qu'en pensait-elle? On pouvait décrire son humeur sur son visage.   < C'est assez ... plaisant à vrai dire. > avoue-t-elle, se remettant aux côtés de l'étalon. C'est comme si ils étaient dans un autre monde, sur un autre sol.

Socrate soulève ses antérieurs, plantant ses sabots plus ou moins profondément sur cet étrange sol. Il se tourne finalement vers l'inconnue. « J'aime découvrir de nouvelles choses.. » Confie-t-il alors qu'il esquisse l'ombre d'un sourire.