Une alarme qui ne sonnera point.

Elle a le don, la petite Otsoa. Se retrouver quelque part où la peur s'agrippe à ses tripes. La Grise essaie d'avancer alors que ses sens sont aux aguets, prenant chaque information furtivement. Les odeurs mécaniques, les images chaotiques. Rien de poétique dans ce paysage. Otsoa ignore ce qu'elle fait ici. Elle s'est encore égarée. Perdue et déboussolée. Elle essaie de trouver une issue. Cependant, enlacée par la crainte, elle s'enfonce dans les profondeurs de cet entrepôt.

Vivre un cauchemar tendant sur la réalité. Un rêve évaporé, un paysage rongé par l'usure du temps. La corrosion agit sur les matériaux ; une couleur rougeâtre apparentée au sang séché. Une traversée étouffante, qui la serre comme un étau. Elle a l'impression d'être compressée tandis qu'elle progresse dans l'entrepôt. L'angoisse l'encercle. La Grise ne remarque pas qu'elle n'est pas seule. Une autre congénère, certainement plus téméraire et surtout familière, rôde dans les parages. Otsoa ne la sent pas puisque la peur envahit tout l'espace qui l'entoure.

Les bruits de pas de sa camarade deviennent un supplice au creux des oreilles de Otsoa. Elle l'entend enfin et sa réaction est vaine. Ses yeux exorbités, elle cherche sa congénère de l'oeil tandis que le son des sabots qui claquent le sol ainsi qu'une respiration saccadée l'alertent de sa proximité. Prisonnière de sa crainte, une tétanie qui l'a réduite en cage. La Grise finit par voir les formes de la jument, suivie par son ombre. Dévoilée, elle réussit à la reconnaître. « V-Vous ? » Un mot, strict mot qui parvient à sortir de sa gorge sèche. Elle essaie de saliver pour récupérer sa capacité d'élocution. « Je-On se connait ? » À la carcasse d'Avion, avant la migration. Quelle coïncidence. Elles se retrouvent à nouveau dans un lieu puant la mécanique des bipèdes.