Avenue des ennuis

Farouk est là, devant un arbre dont les branches sont peuplées de corbeaux qui croassent, contemplative de ce paysage en noir et blanc dont elle fait partie. Peu à peu, il lui semble que ses souvenirs se remplissent de vide, un vide qui étouffe son adolescence passée qui paraît si lointaine. Sa mère la hante de moins en moins et parfois, il lui arrive de repenser à son frère. Son frère...

C'est bon signe, pour elle, que son frère ne l'ait pas retrouvée. Si même lui en est incapable, alors personne d'autre de sa famille ne le peut. Et puis, ils sont tous trop bêtes, selon elle. Sans qu'elle s'en rende pourtant compte, elle est tombée par mégarde sur de la famille paternelle. Mais tout le monde l'ignore, et surtout elle.
Soudain, un bref coup de vent semble lui amener une odeur familière. Trop familière. Familiale même. Puis tout retombe, immobile comme un tableau. Farouk vient de planter son regard dans celui d'un jumeau disparu. Elle en reste tétanisée. Il n'est surtout pas réel...

Et zut ; il est réel. Elle a bien conscience que ça doit le démanger de lui mettre un raclée. Mais, elle s'en fiche. Ou même, ça l'amuse presque. Elle ne s'est pas enfuie. Elle s'est laissée chassée après des années de rejet maternel non-explicite. Et c'est sûrement mieux comme ça. Si elle s'était peu à peu détendue, elle se recrispa rapidement et plaqua ses oreilles dans sa crinière blanche. Dans tes rêves... Répondit-elle sur le même ton.

L'agacement et la nervosité de son jumeau est communicatif ; elle s'agite à son tour. Jamais. Siffle-t-elle. Puis, à la vaine tentative de manipulation de son frère, elle éclate presque de rire. D'un rire presque moqueur. Moi, manquer à cette vieille pie grognasse et immature ? Non mais tu crois ce que tu dis ? Sérieusement ? Si elle t'entendait, elle s'étoufferait d'indignation...et tant mieux. Farouk sourit férocement.

Tu manques à papa ? T'es sûre ?

Farouk ne sait plus si elle est en colère ou morte de rire à présent. Dans tous les cas, elle sourit de travers, tout en lançant des éclairs par son regard. Il est mort. Et il est mort ici. Siffle-t-elle, avant de se détourner. Elle ne voulait plus perdre son temps avec lui. Si il souhaitait repartir avec elle, c'est foutu. Il devra donc rester ici.

Tu serais encore capable de venir me chercher en Enfer ! Crache-t-elle, lui jetant un regard noir.